Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La Bourgogne du bon sens

La Bourgogne du bon sens
Date: le 01/07/2003 à 15:52

Petit parcours de la Côte de Beaune à la Côte de Nuits, du sud au nord (est-ce le bon sens ?), et découverte de 3 domaines bourguignons aux conceptions sensiblement différentes mais pour un résultat approximativement identique : produire d'excellents vins. L'un est une véritable star, le deuxième une référence incontournable dans son (ses)appellation(s), le troisième en passe de le devenir. Trois états d'esprit un peu différents, que l'on peut percevoir dès l'entrée dans la cour du domaine, trois formes du bon sens bourguignon!


Le domaine Leflaive : le bon sens biodynamique
Date: le 01/07/2003 à 15:58

Dans un premier temps, attaque par le versant sud qui place la barre très haut. Il est 9 heures 30 pile lorsque nous pénétrons dans la cour du prestigieux domaine Leflaive ! Une très jolie cour tout en gravier blanc, ceinte d'une grille en fer forgé ; tout est propre, ordonné et les voitures qui y sont garées sont bien alignées. C'est Hervé Bérilley, oenologue et chef de cave du domaine, qui nous reçoit et nous conduit dans le caveau de dégustation. A Puligny, point de cave enterrée, la nappe phréatique étant trop proche de la surface. Il faut donc climatiser pour conserver une certaine fraîcheur à  ce qui s'apparente plus à  un chais. Il fait presque 19° dans le caveau où sont disposées en arc de cercle sur un tonneau 8 bouteilles dont les étiquettes font rêver les amateurs que nous sommes.
La séance commence par un petit descriptif du vignoble de Puligny grâce à  une carte et une photo aérienne accrochées au mur. Montrachet, la colline parfaite ! En terme de pédologie, de géologie, de climatologie, tout concourt ici à  ce que ce terroir soit l'un des plus grands de Bourgogne. Et quand on se donne les moyens de bien le travailler, on ne peut faire que du grand vin !
Tout en dégustant le Bourgogne blanc générique du domaine, nous abordons le sujet sensible de ...la biodynamie ! Car, évidemment, le domaine travaille en biodynamie. Mais de la biodynamie concrète et rationnelle et les explications d'Hervé Bérilley sont d'une logique implacable : faciliter l'enracinement profond de la vigne par l'enherbement et le passage de la charrue, préservation des levures indigènes du sol en bannissant pesticides et herbicides, rien que du bon sens qui ne peut que favoriser l'expression du terroir dans le raisin et, par conséquent, dans le vin.
La discussion s'anime, prend un tour passionnant, parce que notre interlocuteur est visiblement un passionné qui aime son métier. Je hasarde une question sur la cosmoculture et, sans tomber dans la caricature, il semble s'avérer que certaines constatations puissent se confirmer sans pour autant s'expliquer rationnellement et scientifiquement (notamment le fameux « Point d'or » qui voit les bouteilles qui y sont placées vieillir moins vite que celles entreposées juste à  côté, objectivé à  plusieurs reprises par un dosage des anthocyanes du vin par spectrophotométrie).

- Bourgogne blanc 2001 : jolie entrée en matière avec ce vin aux notes discrètement amyliques, de bonne tenue et déjà  bien agréable, mais qu'il est quand même conseillé d'attendre encore un peu.

- Puligny-Montrachet village 2001 : un cran au-dessus en concentration, évidemment, mais très abordable également.

- Puligny-Montrachet 1er cru Clavoillon 2001 : un premier cru bien situé, en quasi-monopole, le domaine possédant environ 75% de ce climat. Un vin généreux et riche, lactique en attaque mais qui s'ouvre crescendo sur des notes d'agrumes qui emplissent la bouche. Très beau.

- Puligny-Montrachet 1er cru Les Folatières 2001 : un vin radicalement différent du précédent, nous permettant d'apprécier les variations d'expression du terroir, les Folatières étant beaucoup plus droit et minéral. Au moins aussi beau que le précédent malgré ses différences.

- Puligny-Montrachet 1er cru Les Pucelles 2001 : on retrouve ici un peu le style de Clavoillon, avec une grande concentration et une grande richesse, mais aussi un boisé un peu plus présent même si de toute beauté.

- Bienvenues-Bâtard-Montrachet 2001 : une vigne sauvée par la biodynamie qui a permis la régénérescence de ceps quasi moribonds et à  deux doigts de l'arrachage. Encore sur la réserve au nez, il révèle en bouche une grande profondeur et une grande complexité. Il lui faut un peu de temps !

- Bâtard-Montrachet 2001 : riche et gras, avec un énorme volume en bouche et une grande longueur, il la joue très séducteur. « Un vin de banquet », apte à  plaire au plus grand nombre ! Exceptionnel !

- Chevalier-Montrachet 2001 : moins expressif que le Bâtard, c'est « un vin d'invités », à  n'offrir qu'à  ceux qui le méritent. Intense et complexe, il est d'une grande droiture et termine sur une splendide minéralité.

Malheureusement pour nous, ce n'est pas le jour du Montrachet, ouvert avec parcimonie du fait du peu de vin produit (une seule pièce, soit environ 300 bouteilles). La dégustation de ce vin mythique, c'était la veille !

De cette dégustation d'exception, il faut retenir l'extraordinaire homogénéité des vins du domaine, du plus petit au (presque) plus grand (il manquait le Montrachet !), qui incite l'amateur à  vouloir tremper un jour ses lèvres dans un de ces nectars. C'est vrai que c'est relativement cher mais à  ce niveau de qualité, le prix a t'il encore une importance ?

Pour ceux que ça intéresse:[www.leflaive.fr].

A suivre...

Olif

Domaine Bruno Clair : le bon sens pratique
Date: le 01/07/2003 à 22:17

Ayant eu quelques difficultés à  nous arracher du domaine Leflaive, nous arrivons au domaine Bruno Clair avec un ¼ d'heure de retard, après une traversée express de la Côte par l'autoroute.
Nous pénétrons dans la cour où se côtoient des voitures garées dans tous les sens, une flopée de vélos de toutes les tailles, plus divers objets qui traînent. Cela donne un côté bohème, joyeux foutoir ! Nous sommes accueillis par Philippe Brun, responsable de la vinification et de la cave, tandis que Bruno Clair s'occupe plus des vignes. Ici, la cave est enterrée, et nous descendons les marches pour nous retrouver au frais. Les murs pourtant épais suintent l'humidité et des concrétions calcaires se forment ici et là . Le plafond est tapissé d'une couche épaisse de moisissures et de toiles d'araignées mêlées, recouvrant même les câbles électriques. Une vraie belle cave, quoi, où il fait bon frais entre les fûts et les foudres alignés.
Le domaine Bruno Clair, c'est 24 ha de vignes réparties sur toute la Côte, principalement en Nuits (Marsannay, Gevrey-Chambertin, Morey-Saint-Denis, Chambolle-Musigny) mais aussi en Beaune (Aloxe-Corton, Savigny, Corton Charlemagne).
Nous axons la dégustation sur 3 vins dans les millésimes 2002 (au fût), 2001 puis 2000, plus quelques bonus !
Ph. Brun est très ouvert, décontracté et bon vivant. Sa philosophie, c'est que le vin soit bon dans le verre de l'acheteur, et pour cela, pas de faux scrupules, pour qu'il voyage bien à  l'export et qu'il arrive dans de bonnes conditions sans souffrir, il est soufré, juste ce qu'il faut mais il est soufré.
Justement, je lui parle d'un Corton Charlemagne 93 oxydé bu cet hiver, il va le regoûter, et en magnum pour juger de l'évolution.
Il n'aime pas qu'on minimise le rôle du vinificateur ! Un grand vin, c'est un grand terroir, un grand cépage, de bonnes conditions climatiques ... et un bon vinificateur qui est là  pour corriger les déficiences de la nature, qui, si on la laisse faire toute seule, ne mènera jamais à  terme toute seule cette grande entreprise. Le bon sens pratique, quoi !

Et la dégustation qui va suivre est là  pour le prouver !

- Marsannay Les Longeroies 2002 : une pointe de gaz normale à  ce stade mais un vin fruité et friand, très charmeur.

- Savigny 1er cru La Dominode 2002 : un peu plus concentré et boisé, il révèle également un joli fruité. Le gaz aussi présent ne gêne pas, il n'est de toute façon pas question d'intervenir artificiellement sur l'évolution des vins actuellement par ces grosses chaleurs.

- Gevrey-Chambertin 1er cru Les Cazetiers 2002 : richesse et concentration, avec une jolie prise de bois.

- Marsannay Les Longeroies 2001, Savigny 1er cru La Dominode 2001, Gevrey-Chambertin 1er cru Les Cazetiers 2001: pas de notes précises sur chaque vin, mais le souvenir que le millésime 2001 se goûte extrêmement bien dans les 3 appellations, donnant des vins fruités et plaisants.

- Marsannay Les Longeroies 2000, Savigny 1er cru La Dominode 2000, Gevrey-Chambertin 1er cru Les Cazetiers 2000 : idem pour ces 3 vins. Le millésime 2000 est en train de se fondre mais présente des tanins un peu plus durs que 2001.

- Gevrey-Chambertin 1er cru Les Cazetiers 1999 : à  l'aveugle, car il s'agissait pour nous de reconnaître le millésime (trouvé haut la main par le Seb !). Etonnamment ouvert, ce vin possède une grande longueur qui augure bien de son potentiel, mais se laisse déjà  boire avec grand plaisir. Ph. Brun pense également qu'un très grand vin est bon à  tous les stades de son évolution.

- Chambertin Clos de Bèze 91 : à  l'aveugle également, pour trouver le millésime, décrié par la presse. Après quelques indices, c'est encore le Seb qui double la mise mais il ne repartira pourtant pas avec une caisse de vins et des Spiegelau ! Et je peux dire à  PhR et à  Eliane que tous les 91 sont loin d'être morts ! Celui-ci est superbe, sur le pruneau et des notes de venaison, avec une grande longueur et une belle harmonie. Ce Clos de Bèze en a encore dans le ventre, même s'il ne se bonifiera vraisemblablement plus !

- Corton Charlemagne 2000 : un grand blanc, porté par une belle acidité et un équilibre somptueux, finissant sur de légères notes torréfiées et grillées de toute beauté.


Finale en apothéose, donc, et nous nous rendons illico « Chez Guy », à  Gevrey-Chambertin pour nous remplir l'estomac de nourritures plus solides. Excellente adresse à  recommander, cuisine façon bistrot moderne accompagnée, pour rendre hommage à  notre hôte précédent, d'un Marsannay blanc 2001 puis d'un Chambolle Musigny Les véroilles 99. Encore un sans-faute !

Globalement, tous les vins dégustés étaient d'un très bon niveau, avec une mention spéciale pour les 2001, millésime mésestimé d'emblée mais qui s'avère très bon, les 2002 qui s'annoncent très grands et mériteront qu'on s'y intéresse dès la fin de leur élevage. Le Chambertin Clos de Bèze a dignement tenu son rang même en petit millésime et n'a pas mérité d'être recraché. D'ailleurs, je crois que tout le monde l'a bu!

A suivre...

Olif

Domaine Maillard Père et fils : le bon sens paysan
Date: le 01/07/2003 à 23:39

Ultime étape de notre périple bourguignon, un petit retour en arrière dans la Côte pour rendre visite au domaine Maillard Père et fils à  Chorey-les-Beaune . Ce domaine familial possède de très belles parcelles en Côte de Beaune, à Savigny, Ladoix, Chorey, Beaune, Pommard, sur la montagne de Corton avec un très réputé Corton-Renardes et un original Corton blanc, vignes de chardonnay situées en dehors du Charlemagne. Lorsque nous pénétrons dans la cour, nous nous trouvons nez à  nez avec une camionnette d'artisans en train de refaire le toit des chais. De grands travaux pour le domaine qui vient également de réagencer de fort belle façon son caveau de dégustation. Il n'y manque qu'un véritable puits qui devrait bientôt faire son apparition en plein milieu de la salle.
Accueillis par Monsieur Maillard Père, surpris dans son quotidien, nous sommes rapidement rejoints par Monsieur Maillard fils qui nous conduit au caveau.
L'accent du terroir bourguignon peut-être un peu moins marqué que celui de son père, il nous explique sa politique d'élaboration et de vente du vin. Pas opposé aux gros rendements lorsque la nature le permet, tout en développant la qualité, très terre à  terre dans son approche, il semble confronté aux dures réalités quotidiennes même si visiblement le domaine investit et sacrifie au modernisme. Très attaché aux commentaires élogieux du guide Hachette ou de la RVF qui doivent apporter leur lot de clientèle, dans un souci de rentabilité. Le bon sens paysan, quoi !

Nous effectuons ensuite un petit tour d'horizon dans le millésime 2001 :

- Chorey les Beaune blanc 2001 : un très beau chardonnay, caressant et fruité.

- Chorey les Beaune rouge 2001 : friand et gourmand, c'est un véritable bonheur de pinot noir à  un prix très angélique.

- Beaune 2001 : un peu plus charpenté, il se laisse déjà  bien approcher, comme la plupart des 2001 goûtés ce jour.

- Aloxe-Corton 1er cru Les grandes Lollières 2001 : prononcez « Alôôsse ». Un cran au-dessus, il procure un sentiment de plénitude.

- Corton Renardes 2000 :un vin à  la trame serrée qui enveloppe bien la bouche, très harmonieux et déjà agréablement fondu. « Celui-là , interdit de le cracher » nous dit goguenard, le fils Maillard ! Et de fait, nous l'avalons sans nous faire prier !

- Corton Renardes 2002 : goûté sur fût, il révèle des notes boisées légèrement brûlées et présente encore une petite pointe de gaz en train de se fondre. La prise de bois est jolie et au vu de l'évolution du 2000, cela s'annonce très grand.

Nous allons ensuite remplir le coffre de quelques bouteilles de Corton 99, entre autres, même si nous ne l'avons pas goûté. Un domaine à chaudement recommander du fait de la qualité des vins et surtout de l'extraordinaire rapport Q/P. N'hésitez pas à  appeler, il y a encore un peu de vin à  vendre !

En guise de conclusion, je voudrais souligner la grande accessibilité et la belle qualité de ce millésime 2001, tant en blanc qu'en rouge, qui s'annonce extrêmement plaisant. Aucun des vins dégustés aujourd'hui n'a été décevant.

Si j'ai souhaité agencer le compte-rendu de cette journée de la sorte, c'est pour retranscrire le sentiment général à  l'issue de ce semi-marathon gustatif: nous avons visité 3 domaines à  la philosophie du vin différente, avec surtout plus ou moins d'exigences dans son élaboration, mais toutefois comme dénominateur commun la volonté de faire du mieux possible. Et au final, ces 3 domaines nous ont réservés de grands moments gustatifs, différents du fait de l'hétérogénéité des vins dégustés, mais d'une homogénéité qualitative, tant en blanc qu'en rouge, réellement surprenante.

Ah ! La Bourgogne ! Finalement, tous les sens sont bons!

Olif

Les commentaires sont fermés.