Les 20 ans du CAVE S.A.!
20 ans! Le bel âge! ça se fête! Le Club des Amateurs de Vins Exquis a donc réuni ses clients, ses sympathisants, ses amis, pour une double rencontre dans les locaux de l'Hôtel Beaurivage, un palace genevois situé au bord du lac Léman, que certains n'hésitent pas à appeler encore Lac de Genève, ce qui fait ricaner gentiment les Vaudois!
Une véritable institution locale, que ce Club très particulier, basé à Gland, dans le canton de Vaud, petite ville dont le nom peut prêter à sourire, mais ne comptez pas sur moi pour tomber dans la grivoiserie, je ne mange pas de ce pain-là !
Créé en 1984 à l'initiative de Jacques Perrin, ce Club avait pour but d'offrir à ses adhérents la possibilité d'acquérir les meilleurs vins au meilleur prix. Et d'inciter les gens à la découverte, en créant une lettre d'information mensuelle, ainsi qu'une revue passionnante, Vinifera, et en organisant régulièrement des dégustations de haut niveau. Une véritable reconnaissance mutuelle s'est établie entre la majorité des vignerons, dont certains au nom prestigieux, et le CAVE, qui les a soutenus, à une époque où il n'était peut-être pas aussi évident de s'imposer. Et de fait, ils ont répondu présent lorsqu'il s'est agi de commémorer cet anniversaire et de proposer à la clientèle une dégustation de prestige, suivie d'un repas de gala.
Le GJP n'a donc pas hésité à fourbir à nouveau ses costards-cravates, tout juste revenus du pressing après la Paulée de Meursault, et à franchir la frontière, pour se mêler à la foule helvétique qui se pressait dans les salons du Beaurivage.
Le port de la cravate, une spécialité du GJP!
Une foule venue de différents horizons: de Suisse évidemment, de la France savoyarde et jurassienne voisine, mais aussi du Luxembourg, l'occasion de faire connaissance avec un des invités d'honneur de cette manifestation, le Président du Grand Jury Européen, j'ai nommé François Mauss. GJP et GJE, même combat?
La dégustation
Chaque vigneron proposait à la dégustation en général deux cuvées, ce qui portait à une quarantaine le nombre de vins à déguster. Plus de rouges que de blancs, et nous attaquons un tour préliminaire en ne goûtant que les vins blancs, ou presque, puisqu‘un ou deux nous auront échappé avant le passage aux rouges. Les vins sont commentés par domaine et non dans l'ordre de la dégustation, par souci de clarté.
Egly-Ouriet
Presque une évidence de débuter la dégustation avec une petite flûte de Champagne, surtout en provenance de ce beau domaine à recommander vivement.
- Les Vignes de Vrigny: un Champagne non dosé, 100% Pinot Meunier. Récolte à maturité, élevages longs sur lies (3 ans au minimum), une philosophie à laquelle j'adhère totalement. Et le résultat est à la hauteur. Un très beau vin, élégant, fin et racé, vif mais équilibré avec justesse.
- Brut Tradition: Assemblage de Pinot Noir et Chardonnay en Grand Cru. Un Champagne tendu et minéral, au bel équilibre et à la bulle particulièrement fraîche. Très convaincant!
Domaine des Comtes Lafon
Sympathique mais brève rencontre avec Dominique Lafon, pressé d'aller goûter les vins d'André Ostertag et de tailler une bavette avec lui. Juste le temps d'évoquer la Paulée de Meursault et le passage au domaine, et hop! le voilà parti! Les vins sont, quant à eux et fort heureusement, restés dans nos verres.
- Mâcon Milly Lamartine 2003: fruité et crayeux, un vin dont la (relative) mollesse me semble caractéristique de certains 2003.
- Meursault Clos de la Barre 2000: nez d'une grande distinction, sur les agrumes bien mûrs. La bouche est racée, élégante, minérale et d'une belle longueur. Un bien beau classique!
Domaine Ostertag
André Ostertag est également présent, un fidèle du CAVE S.A. depuis le début, "recruté" par Dominique Lafon.
- Pinot Gris Muenchberg 2001: le nez est riche, intense mais en bouche, la minéralité est affirmée, confinant presque à l'austérité, mais d'une grande pureté. Très, trop jeune, il devrait faire une bouteille magnifique dans de longues années.
- Riesling Fronholz 2002: minéral, avec pour moi de petites notes pétrolées, et très mûr, une partie des raisins ayant même botrytisés, il allie richesse et fraîcheur, intégrant superbement son sucre résiduel. Encore un magnifique vin vers lequel je reviendrai à l'heure de l'apéritif!
Domaine Georges Vernay
Ce domaine emblématique de Condrieu a remonté un petit bout du Rhône pour faire découvrir deux de ses cuvées emblématiques. Christine Vernay, qui préside maintenant aux vinifications, est une vigneronne exigeante, adepte du classicisme en appellation Condrieu.
- Condrieu Les Chaillées de l'Enfer 2002: nez archétypique de viognier sur la pêche blanche, presque too much, un peu artificiel, donnant l'impression au Seb de prendre sa douche avec du Tahiti Douche à la pêche! En bouche, c'est par contre de la pêche de vigne à croquer! Peut-être un effet millésime?
- Côtes du Rhône Sainte-Agathe 2002: une curiosité, presque, puisqu'il s'agit de vignes de syrah plantées sur l'appellation Condrieu! Le vin est un peu atypique également, avec un nez presque pharmaceutique, et en bouche une acidité marquée. Encore une fois dû au millésime?
Marie-Thérèse Chappaz
Toujours un plaisir que de revoir Marie-Thérèse, venue elle aussi en amie, mais dont les vins sont déjà épuisés depuis longtemps, même au CAVE S.A.!
- Petite Arvine 2003: nez lactique, presque fromager, mais une belle structure malgré le petit sucre imputable au millésime (Marie-Thérèse s'en excuse d'ailleurs chaque fois qu'elle sert un verre!), mais qui commence à se digérer. La tension minérale est quand même bien là , même si la finale saline est encore masquée.
- Grain Pinot 2003: un joli Pinot Noir, très caramel au lait, qui possède un joli fruité et qui se laisse boire avec délectation.
Château de Roquenégade, Corbières
Une véritable découverte pour moi, que les vins de Frédéric Juvet, pourtant un ami de la première heure du CAVE. Un vigneron jovial et sympathique, qui fait des vins à son image.
- Roussanne 2002, Vin de Table: Frédéric Juvet aime la roussanne et ne se prive pas de la vinifier seule, même si cela lui retire le droit à l'appellation. Un vin très agréable, fruité, sur la poire William, qui possède un joli soyeux en bouche et beaucoup de fraîcheur, malgré une rondeur bien marquée. Finale légèrement alcooleuse.
- Corbières rouge 2001: très légèrement animal au nez, c'est un vin corsé, qui allie puissance et douceur épicée. 45% grenache, 45% syrah, 10% carignan.
Simon Maye et fils
Un grand plaisir que de retrouver Axel Maye, après la visite au domaine de ce printemps, et l'occasion de converser longuement avec lui puisque ce sera mon voisin de table lors du repas.
- Petite Arvine 2003: le nez est lactique, mais on retrouve le côté tranchant et salin de la petite arvine, tous les sucres ayant été digérés.
- Syrah 2002 barrique: le boisé est encore légèrement perceptible, mais le fruité épicé est poivré s'exprime déjà bien. Une très belle réussite!
Domaine de la Janasse
Le Rhône était plutôt bien représenté, ce jour-là , avec cet autre très beau domaine plutôt méridional.
- Châteauneuf du Pape 2002: un vin immédiat et accessible, presque souple, à boire. Une victime du millésime, mais un vin plus qu'honorable. Les Rhodaniens ne se déplaçant pas sans biscuit, nous aurons l'occasion de goûter, en fin de repas, un VV 95 en magnum, absolument superbe.
- Côtes du Rhône Les Garrigues 1999: un simple Côtes du Rhône, dont les vignes jouxtent l'appellation Châteauneuf. Très ouvert au nez, sur la cerise chocolatée (c'est un 100% grenache!), il possède des tanins un peu stricts et rustiques mais se laisse bien boire du fait d'un bel équilibre. Un vin franc du collier!
Tardieu-Laurent
Encore du Rhône, avec quelques échantillons de cette célèbre maison
- Gigondas 2001: une très jolie syrah à la robe noire, au nez poivré et épicé, un peu animal (fourrure), et à la texture dense et serrée.
- Châteauneuf du Pape 2001: un vin d'une grande densité et d'une chair admirable, très soyeuse, reposant sur la triade animal-griotte-chocolat.
Peyre-Rose
Troisième rencontre de l'année avec Marlène Soria et son millésime 1998, toujours avec le même plaisir.
- Clos des Cistes 1998: le nez commence à m'être très familier (poudre de cacao, griotte, avec de la minéralité) mais les tanins sont un peu trop marqués, presque sévères, le vin étant servi trop frais et la bouteille venant juste d'être carafée.
- Syrah Léone 1998: des tanins plus fondus et un vin qui se laisse mieux approcher que les Cistes. L'élégance de Léone n'a d'égale ce jour-là que celle de Marlène!
Pago de Los Capellares
Une vraie découverte que ce domaine espagnol qui nous propose 3 vins à la dégustation, d'un très bon niveau.
- Ribera del Duero 2003: un vin passé 3 mois en barrique, à la robe noire et au fruité charnu. La rondeur des 2003 a également touché l'Espagne.
- Tinto Crianza 2001: 90% tinto fino, 10% cabernet sauvignon. Une matière beaucoup plus serrée.
- Tinto Réserva 2000: texture crémeuse, gros volume initial terminant sur une grande acidité.
Dugat-Py
Une rencontre avec la famille Dugat-Py, ça ne se refuse pas, tellement c'est exceptionnel! Il paraîtrait même que c'est seulement la troisième fois qu'ils se déplaceraient dans une manifestation de ce genre! Malheureusement, peu de temps pour entreprendre un dialogue tant la foule se presse pour goûter leurs vins.
- Gevrey-Chambertin Coeur de Roy 2002: le nez est grillé de façon très élégante, témoignant de son élevage. Le boisé est encore bien perceptible en bouche, mais pas envahissant, se mettant au service d'une matière dense et immense. Il faut laisser le temps au temps!
- Gevrey-Chambertin 1er cru 2002: un cran au-dessus dans la subtilité du toucher de bouche et la précision millimétrique de définition du grain. Un vin qui éclabousse les autres de toute sa classe! Personnellement, je suis conquis! On est en droit de faire la fine bouche devant le prix, mais ces vins-là sont quand même des vins d'exception.
Sociando-Mallet
Fidèle parmi les fidèles, Jean Gautreau avait fait le déplacement depuis la Gironde et veillait au service de Sa Majesté!
- La Demoiselle de Sociando 2002: souple et agréable, aimablement ouvert et fondu, c'est plutôt une bonne surprise dans un registre assez simple, pour un second vin parfois décrié.
- Sociando-Mallet 2001: nez intense de cabernet récolté bien mûr, alliant poivron, bois noble, havane, tabac blond. Une puissance maîtrisée avec des tanins encore marqués et beaucoup de longueur. Un grand potentiel pour un très beau vin.
Domaine Armando Parusso
Une petite plongée dans l'univers des vins italiens que je connais fort mal. Des vins d'homme !
- Barbera d'Alba Ornati 2002: des tanins acérés qui ressortent dans une grande acidité finale. Un vin dissocié dans une phase bien peu séductrice.
- Barolo 1997: de la myrtille à profusion dans un ensemble puissant mais plutôt harmonieux.
Daumas-Gassac
Passionnante rencontre avec Roman Guibert, représentant le célèbre domaine languedocien aux accents bordelais.
- Daumas Gassac 2002: un premier échantillon très certainement bouchonné, mais pas de l'avis de tous, ne permet pas de porter un jugement sur le vin. Roman finit par ouvrir une seconde bouteille et cela n'a effectivement rien à voir ! Premier nez animal, j'y retrouve la fraîcheur caractéristique des 2002 languedociens que j'ai eu l'occasion de goûter cette année. Très bon !
- Daumas Gassac 2001: un vin plus dense et serré, vraisemblablement plus fermé, également, qui illustre bien la différence entre les deux millésimes. A attendre !
Domaine des Sablonnettes
Un domaine angevin dont on commence à parler beaucoup et qui a fait le déplacement transversal jusqu'à Genève, après une première étape à Chambéry pour présenter sa gamme à des Savoyards fin connaisseurs. Vignerons exigeants, Christine et Joël Ménard sont les seuls à proposer à la dégustation des liquoreux. Nous clôturons donc notre parcours par le passage à leur stand.
- Coteaux du Layon Les Erables 2001: nez très confit, évoquant (par auto-suggestion ?) le sirop d'érable, mais dans lequel je retrouve aussi une petite note que je qualifierais de poussiéreuse, mais qui pour certains est minérale, apportée par le terroir. La même impression que lors des LPViades en mai dernier, lorsque nous avions goûté les vins de ce domaine. La structure est splendide mais je ne peux m'empêcher d'être perturbé par cette sensation poussiéreuse.
- Coteau du Layon Rablay 2002, Le Vilain Canard: une parcelle déclassée par L'INAO et qui ne pourra bientôt plus revendiquer l'appellation Coteaux du Layon. Et pourtant, comme dans le conte, le vilain canard est probablement un magnifique grand cygne ! Présentant de la volatile au premier nez, il développe une puissance et une intensité magistrales, magnifiquement équilibrées par un beau support acide.
Le repas
Après cette longue dégustation apéritive, il fallait bien se restaurer! Sur les 700 invités à la dégustation de l'après-midi, il n'en restait plus que 200 pour se régaler lors d'un somptueux repas concocté par le chef du Beaurivage.
Ayant laissé le stylo au vestiaire, j'insisterai essentiellement sur la qualité des mets proposés et surtout la perfection des accords.
Après un parfait Champagne Brut non dosé d'Egly-Ouriet à l'apéritif, l'acidité marquée du Pinot Gris Muenchberg 1996 d'André Ostertag s'est parfaitement mariée avec les grosses langoustines rôties en kadaïf et chiffonnade de basilic. Le classicisme de l'accord entre les coquilles Saint-Jacques rôties au noix et le Meursault-Charmes 1997 du domaine des Comtes Lafon n'en était pas moins exceptionnel. Sur le filet de canette au miel d'épices, il fallut se partager entre la cuvée Emile Peynaud 2001 de Daumas-Gassac et la Cuvée Jean Gautreau 1995 de Sociando-Mallet. Choix cornélien, mais comme l'a souligné François Mauss, le propre de ces grands vins d'exception, c'est que l'on peut passer de l'un à l'autre de façon quasi-naturelle et harmonieuse, et vice-versa.
Emile Peynaud 2001 vs Jean Gautreau 1995: la pléthore de munitions laisse rêveur !
Cela ne nous a nullement empêchés de revenir sur le blanc en accompagnement du vieux Gruyère affiné 30 mois : le Païen 2002 de Simon Maye en a surpris plus d'un dans l'assemblée ! Et pour terminer avec le crumble d'ananas confit, rien de mieux que le Côteaux du Layon La Bohême 1999 du domaine des Sablonnettes.
Un sans faute !
Amateurs de vins exquis, bienvenue au club !
Olif