A6 sortie Beaune Sud
Première partie: Thierry Matrot, l'épure murisaltienne
Une sortie d'autoroute à ne pas manquer car elle vous mène tout droit du côté de Meursault et de Pommard.
C'est par une belle journée ensoleillée que j'ai été convié par mon ami
caviste du Bon Echanson à rendre visite à 2 de ses fournisseurs en côte
de Beaune, à savoir le domaine Matrot à Meursault et le domaine du
Comte Armand à Pommard.
Voyage à 2 voitures pour des raisons d'horaires de départ
incompatibles ; toujours à l'heure, comme à mon habitude, j'arrive à
11h pétantes (au lieu de 10h30) chez Thierry Matrot, juste pour être
accueilli le verre à la main et descendre à la cave, dans un dédale de
fûts et de bouteilles.
Mise en bouche sympathique avec un Saint-Romain 2001
que Thierry expérimente à partir de l'achat de raisins en vue d'une
diversification de la production. Visiblement, les situations ne sont
jamais simples en Bourgogne. Th. Matrot n'est en fait que le gérant des
vignes du domaine Joseph Matrot. Suite à une querelle familiale dans
laquelle quelqu'un a récupéré ses billes, Thierry cherche à devenir
plus indépendant et à vinifier sous son nom, ce qui l'oblige à
diversifier sa production du fait de son statut de négociant. La
conversation est animée, Thierry est un vigneron comme je les aime,
franc et sympathique. En quelques mots, il vous dresse le portrait d'un
vin et la correspondance avec son terroir. La vigne, la terre et le
terroir seront d'ailleurs des termes qui reviendront souvent car c'est
ce qu'il cherche avant tout à exprimer, comme tout bon vigneron qui se
respecte (« Va d'abord dans les vignes pour comprendre avant de ramener
ta science à la cuverie » lui a dit en substance son père alors qu'il
rentrait au domaine, frais émoulu du lycée de Beaune).
Pendant que nous conversions, nous nous humections la bouche avec quelques petites choses que je vous livre pêle-mêle, de mémoire :
- d'abord ce Saint-Romain blanc, nerveux et très agréable
- puis un Auxey-Duresses blanc 2001, vif, tendu, minéral
- Meursault 2001 : très jeune, bien sûr, mais déjà très expressif, d'une grande pureté
- Meursault 99 : un peu plus de gras et de complexité, un grand millésime
- Meursault-Blagny 2001 et 98 : un premier cru fétiche du domaine car produit en relativement grande quantité qui permet un suivi précis de l'évolution des vins (de très vieux millésimes sont ouverts dans les repas de famille). Le 2001 exprime parfaitement la minéralité du terroir et le 98 m'impressionne beaucoup par sa profondeur et son gras qui se révèle.
- Blagny la pièce sous le bois 2001 : un rouge que j'aime beaucoup (superbe 95 actuellement), à la robe framboisée, étincelante ; en bouche, le vin est dense, long, les tanins sont fins et serrés. Une vraie gourmandise à boire sur son fruit mais un bon potentiel de vieillissement.
- Volnay Santenots 2001 : la robe et le nez sont plus profonds, des notes un peu terreuses, évoquant le cuir de Russie. Un vin ample, de grande garde.
Il est 12 heures 30, le temps a passé vite, il est temps de quitter
Thierry Matrot, un fort sympathique et excellent vigneron murisaltien,
dont les vins sont sincères et proches du terroir.
Nous filons en direction de Beaune pour une petite collation aux
Caves Madeleine, un Wine Bar au cadre et à l'accueil soignés. Juste un
verre de Meursault de Louis Chavy pour accompagner le repas, le premier
verre avalé de la journée ! Je revis !
Deuxième partie : Domaine du Comte Armand, au coeur de l'aristocratie bourguignonne
Aussitôt le repas ingurgité, nous repartons en direction de Pommard chez le Comte Armand où nous attend Benjamin Leroux, le régisseur du domaine, et nous descendons illico à la cave pour une belle dégustation au milieu des fûts. Très jeune, Benjamin semble avoir déjà beaucoup d'expérience. Cela fait 4 ans maintenant qu'il a repris en main les vins du domaine suite au départ de Pascal Marchand pour le domaine de la Vougeraie, les vins de prestige de chez Boisset.
Nous commençons la dégustation par quelques blancs et notamment un
Saint-Romain et un Auxey-Duresses, qui semblent donc être les nouveaux
terrains d'investigation des vignerons bourguignons lassés de ne
produire que des Pommard ou des Meursault
,et surtout à la recherche d'une gamme de bons vins à prix
intéressants. Il peut s'agir ici d'un achat de raisins sur pied, avec
suivi complet de la vigne, ou encore de vignes en fermage, permettant
là encore le contrôle total de la production, de l'entretien du terrain
à la vinification, condition sine qua non car le domaine est en
biodynamie.
Ici encore, on parlera beaucoup terroir, travail à la vigne, maîtrise des rendements.
- Bourgogne blanc 2001 : simple mais impeccable pour se refaire le palais
- Saint-Romain 2001 : vif, minéral, de l'allonge
- Auxey-Duresses blanc 2001 : encore un vin minéral, tendu, exprimant de façon assez caractéristique son terroir (ce n'est pas moi qui le dit !)
- Auxey-Duresses rouge 2001 : fruité, droit, de la longueur
- Auxey-Duresses 1er cru rouge 2001 : on gagne en complexité. Un vin plutôt strict mais au fruité magnifique, charnu, avec une belle mâche en finale. Superbe !
- Volnay 2001 : un vin de vinificateur d'après Benjamin, car nécessitant quelques artifices pour compenser les imperfections de la nature (mauvaises conditions de récolte, je crois). Il restera encore quelque temps en fût et nécessitera un collage.
- Pommard 2001 Le clos des Epeneaux : le 1er cru maison, en monopole, une parcelle située entre les grands et les petits Epenots. Les raisins sont vinifiés séparément suivant l'âge des vignes. Nous commençons par goûter les jeunes vignes (20 ans d'âge) , récoltées en influence lunaire « fruit » ; le vin est effectivement très fruité, déjà flatteur. Ces fûts ne seront très certainement pas intégrés à l'assemblage final et commercialisés en appellation village (les années précédentes, vendus au négoce). Les vignes de 30 ans montrent plus de concentration ; la prise de bois est magnifique, laissant s'exprimer le fruit, les tanins sont fins et serrés. Les vignes de 40-50 ans, récoltées en influence « racine » nous font encore monter d'un cran et gagner en concentration, avec un côté très pur, et les vignes de 70 ans expriment un fruité intense et complexe, magistralement soutenu par le bois. L'apothéose, c'est l'assemblage à la pipette (du nom d'une fameuse revue vendéenne ) des 3 dernières cuvées dégustées, donnant une petite idée de ce que sera le probable Clos des Epeneaux 2001 : l'alchimie du vin ! une impression difficile à décrire ! chaque fût pris séparément aurait donné un très bon vin mais l'assemblage des 3 produit un vin étonnamment différent (quoique très proche), plus complexe, plus grand, et donne un sentiment de plénitude, d'accomplissement, non ressenti auparavant. C'est magique et c'est très bon ! une véritable naissance sous nos yeux et dans nos verres !
Benjamin est visiblement fier de sa production en 2001 ; c'est un vin qui exprime pour lui le terroir des Epeneaux de façon magistrale mais qui sera peut-être plus difficile d'accès que le monumental 99 ou le médiatique 2000. Toutes les conditions sont réunies pour que 2002 soit également très grand. Pour conclure la dégustation, nous testons une version spéciale du Clos des Epeneaux 2000, vinifiée avec adjonction de CO2, et qui donne un vin très confituré avec une pointe de gaz (on se croirait chez le Dom !) et un Volnay Frémiets 2000, très pur et concentré.
Un moment passionnant vient de se terminer et nous quittons Benjamin à regret.
Le soleil automnal brille toujours sur les vignes bourguignonnes et c'est l'heure de se diriger vers l'A6 entrée Beaune Sud et de faire le chemin inverse, sortie Poligny dans le vignoble jurassien, puis direction Pontarlier. De nouvelles visites en Bourgogne sont déjà au programme de l'année prochaine. Vivement !
Olif