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Aberlour, « La bouche du ruisseau qui murmure »

Date: le 25/09/2004 à 16:36

Petit intermède écossais en cette période de vendanges débutantes, la rencontre de L.A.C.A.V.E. avec deux représentants de la maison Pernod, venus nous inculquer quelques notions sur cette distillerie du Speyside appartenant à leur groupe, réunion suivie d'une fort intéressante dégustation des fleurons de la maison, augmentés de quelques intrus, puis d'un excellent repas concocté par notre alchimiste favori, Pierre-Yvan Boos, du restaurant L'Alchimie à  Pontarlier.

Située dans la vallée de la Spey, au pied du Mont Ben Rinnes, la distillerie d'Aberlour fut fondée en 1879 par James Fleming, qui réussit d'emblée à la placer dans le peloton de tête des distilleries, en hommes d'affaires avisé qu'il était. Après plus d'un siècle d'évolution et de changements, Aberlour jouit toujours d'une aussi bonne réputation et produit un certain nombre de malts parmi le haut du panier. Son nom dérive du gaélique « Lour », qui signifie « ruisseau bavard, qui murmure », en raison du caractère tourbillonnant et bouillonnant de ses eaux, qui dévalent le Mont Ben Rinnes de cascades en cascades avant de rejoindre la rivière Spey à l'aber-lour, la « bouche du ruisseau qui murmure ».

Il est long le chemin qui sépare ce « New Spirit » incolore, un alcool brut d'alambic issu de la distillation de l'orge fermentée, du Single embouteillé! Il faut pour cela passer par deux autres étapes, l'une correspondant à de l'Aberlour de 10 ans élevé en fût de Bourbon, à la couleur paille très claire, l'autre au même orge fermenté élevé 10 ans en fût de Sherry, et qui présente alors une robe un peu plus ambrée, les deux produits seront alors assemblés 50/50 pour produire la version que nous connaissons en bouteille. Instructif de humer la différence entre les trois échantillons!


Après ces quelques notions théoriques émaillées d'exemples concrets, place à  la pratique, la dégustation proprement dite:

Aberlour 10 ans
Robe paille, à peine ambrée, la résultante d'un assemblage de 50% de fûts de Sherry et autant de fûts de Bourbon. Le premier nez est typique de cette version, paraît-il, très caramel au lait. Le deuxième nez, après adjonction d'une goutte d'eau, laisse apparaître la complexité, avec une sensation très fruitée qui souligne des notes boisées. L'attaque est ronde et suave, la finale miellée et poivrée. Un Single harmonieux, qui monte en puissance progressivement, d'un excellent rapport Q/P.

Glenfiddish 12 ans d'âge
Un premier intrus, dégusté dans un but comparatif. Le premier nez est un peu piquant, sur le feu de l'alcool, mais avec une petite touche mentholée qui permet de maintenir un certain degré de fraîcheur. Le deuxième nez, après ajout d'une goutte d'eau, voit le feu s'assagir une peu. L'attaque en bouche reste chaude, un peu acide, avec révélation d'un peu d'amertume en finale, limite sensation d'astringence.

The Balvenie Doublewood, 12 ans d'âge
Un Single élevé 10 ans dans des fûts de Bourbon puis 2 ans dans des fûts de Sherry. Le premier nez est fumé, un peu tourbé, miellé, malté, assez puissant en fait, riche et complexe, avec apparition dans un deuxième temps de notes de suie. Après adjonction d'eau, les arômes évoluent vers des notes de fruits secs, de miel, de vanille. D'une grande douceur en bouche, rond et enveloppé, c'est un Single « coup de poing » car il ne possède pas une grande longueur. Il s'exprime dans l'urgence, surtout en attaque, mais je dois reconnaître que j'aime beaucoup.

Aberlour 15 ans, Cuvée Marie d'Ecosse
Une bouteille réservée au marché français, pour cause d'homogénéité de gamme (impossible de préserver une telle qualité si les volumes devaient être plus importants). Merci Pernod!
Les meilleurs fûts d'Aberlour 10 ans vont donc vieillir 5 ans de plus pour produire cette cuvée (80% de fûts de Sherry, 20% de fûts de Bourbon).
Un premier nez très Sherry, justement, sur le kirsch et la cerise à l'eau de vie (un peu pareil, me direz-vous!), puis le deuxième nez délivre des notes plus fruitées, vanillées, avec un peu de miel et surtout une touche de cuir! Comme un cartable neuf à la rentrée! Rond et ample en bouche, la finale est plutôt longue et épicée, évoquant le gingembre. Encore une fois un très beau Malt, riche et complexe.

Aberlour A'bunadh
Prononcer [A bounache], c'est du gaélique! Un Single brut de fût, non réduit, qui titre 59,8°. Un Single sans âge, mais d'une moyenne de 17 ans, car issu d'un assemblage entre un 22 ans et un 25 ans, complété par un fût de 7 ans dans le but de rehausser le niveau alcoolique. Fort joli flacon, d'ailleurs, de type pharmaceutique, pour rappeler les us et coutumes du début du siècle où les habitants du village d'Aberlour passaient à la pharmacie récupérer un flacon médicinal vide pour aller le remplir directement au fût à la distillerie sise juste en face.
Le premier nez exprime à merveille tout le classicisme et la richesse de ce Single: Toffee, Sherry et vanille! En bouche, c'est gras et huileux, caressant, avec des arômes complexes de cuir, de chocolat, de vanille bourbon, un peu à la manière d'un vieux Rhum, de fruits secs, un peu à la manière d'un vieux Tokaji. Aucune agressivité malgré la puissance de l'alcool, mais une grande maîtrise de bout en bout. Un Single riche, ample, puissant et complexe, la synthèse de tout ce qu'on peut espérer trouver dans un alcool de ce type. Magnifique! A réserver évidemment à l'après dîner.

Olif, pour L.A.C.A.V.E.

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