Vins jaunes, allons nous réussir à lever un coin du voile…aux Jardins?
Le vin jaune en son jardin, celui de Saint-Vincent, transformé en couvent pour l‘occasion! Une soirée entière consacrée à l’or jurassien, c’est Noël avant l’heure! Rentrer dans les ordres avec Saint-Vernier, fouiner sous les voiles, humer, goûter, échanger, sentir, cracher, avaler, autant de choses que le païen le plus affirmé ne rechigne pas à faire en ce saint lieu, du moment qu’il sait qu’il va approcher le divin nectar!
Une soirée nouvelle formule, sous forme d’exercice. Les vins sont dégustés à l’aveugle, en deux séries de 4 vins, et les participants sont invités à faire part de leurs impressions sur une feuille pré-remplie, dans le seul but d’approcher la typicité du jaune et, schématiquement, de répondre à la question suivante: « Est-ce que ce vin correspond à l’idée que vous vous faites d’un Vin jaune? »
Chiche?
C’est parti! Les vins sont commentés dans l’ordre de la dégustation, l’anonymat ayant été levé à la fin de chaque série.
Vin Jaune L’Etoile 1996, Domaine de Montbourgeau
La robe est jaune dorée, brillante, peut-être un peu pâle pour
certains. Le nez est très fin, sur les épices douces, la noix sèche,
puis la morille en finale. L’attaque ne bouche est très douce,
voluptueuse et caressante, avec une acidité progressivement montante.
L’équilibre est harmonieux, en dentelles, et me semble caractéristique
d’un magnifique jaune, parfaitement typique. Je n’ai pas
reconnu cet Etoile goûté il y a pourtant peu de temps, mais il s’agit
là pour moi d’un très beau vin.
Château Chalon 1996, Domaine Macle
La robe est jaune brillante, bien dorée. Le nez est déjà très
empyreumatique, démarrant sur du moka puis évoluant vers des nuances
pétrolées. Il développe en attaque amplitude et gras, allie puissance
et minéralité, sans être dépourvu de finesse. S’il donne curieusement
l’impression de tourner court, ce n’est que pour mieux faire volte face
et revenir dans une finale interminable. Un vin à l’évolution déjà
marquée, que j’ai situé à Château Chalon, au domaine Macle, plus
précisément, Laurent Macle se trouvant à mes côtés, mais je l’imaginais
en 1986! En fait, cette bouteille anormalement évoluée présentait bel
et bien un défaut, Laurent en ayant débouché une deuxième par la suite,
inquiet de la tournure prise par le premier.
Un vin objectivement très bon, mais au vieillissement accéléré (bouteille couleuse).
Vin Jaune Arbois 1996, Domaine J. Puffeney
La robe est or doré, celle d’un « vrai» jaune pour beaucoup de
personnes dans l’assemblée. Le nez claque, très éthanal, sur la noix
très prononcée, avec de l’éther, du vernis à ongles, très certainement
une acidité volatile marquée. La bouche est stricte, limite austère, et
possède une grande acidité, particulièrement salivante en finale. Le
miel et les épices arrivent quasiment dans le fond du verre pour
enrichir la palette aromatique. Identifié Arbois par moi, avec
quasi-certitude, de par son côté puissant et massif.
Vin Jaune Arbois 1996, Lucien Aviet, Caveau de Bacchus
La robe est bien dorée. Le registre olfactif puise dans les fruits
secs (noisette, raisin sec). L’acidité est également marquée,
salivante, mais plus progressive que sur le précédent, jusque dans une
finale non dépourvue de finesse. Globalement jugé fermé, il s’agit
vraisemblablement là d’un beau jaune en devenir.
Fin de la première série. Le piège, c’est que tous les vins étaient de 1996. La jeunesse de ces vins a été évoquée par beaucoup, mais avec un penchant plus marqué pour 1997, voire 1998. Difficile d’identifier les terroirs! Mais plus facilement le style (la finesse des Château Chalon du domaine Macle, la puissance des vins du « Puf » et de Bacchus, la classe de ceux de Montbourgeau!)! Il va encore falloir travailler pour se perfectionner! Déguster, encore et encore! Un vrai sacerdoce!
Entracte!
Dans le rôle de la pom-pom girl de la mi-temps, Le Seb nous sort de sa manche un vin-mystère, à la robe trouble, dorée, avec des reflets lilacés. Le nez, un peu étheré, avec de la volatile, ne tient pas le choc derrière les Jaunes. La bouche, un peu dysharmonieuse, manque de gnac et évolue même sur des notes de pomme blette évoquant l’oxydation. Il s’agit d’un Pineau d’Aunis sous voile Les Chiens 1998 d’Eric Calcutt. Pas très bien goûté ce soir-là, contrairement à une fois précédente, mais il faut dire qu’en matière d’oxydatif sous voile, question référence, le Jura se pose quand même là!
Fin de l’entracte!
Château Chalon 1986, Domaine Macle
La robe est bien dorée. Le nez, d’abord sur le moka et des notes
empyreumatiques, laisse transpirer ensuite la minéralité en prenant des
arômes terpéniques, qui signent quasiment son origine. La bouche est
d’une grande douceur, sur les fruits secs et le miel. Tout en finesse, patiné, il possède une longueur remarquable et un équilibre des plus
harmonieux. Un grand Château Chalon à maturité!
Vin Jaune L’Etoile 1986, Domaine de Montbourgeau
La robe est presque ambrée, évoquant le miel de sapin. Le premier
nez n’est pas net du tout, diversement apprécié, sur la croûte
de fromage et la moisissure. La bouche manque vraiment de fond et
paraît déséquilibrée. Pour moi, il s’agit clairement d’un problème de
bouteille! D’ailleurs, celle-ci était légèrement couleuse!
Vin Jaune Arbois 1986, Lucien Aviet, Caveau de Bacchus
La robe est jaune dorée. Le premier nez appelle le Comté en
l’évoquant irrésistiblement. L’attaque est plutôt suave, avec des notes
miellées, du miel liquide qui recouvre des fruits secs. L’acidité est
encore très marquée et fait apparaître une petite pointe métallique
salivante en finale, et une sensation d’amertume. Pas totalement
convaincant à ce stade, mais pourtant tout semble là pour en faire un
beau vin.
Vin Jaune Arbois 1986, Domaine J. Puffeney
Sa robe jaune dorée se marierait plutôt bien à celle d’un vieux Comté.
Tout comme le vin de Bacchus, des arômes de croûtes de Comté se
manifestent de prime, avant de laisser apparaître des notes de
noisette. La bouche est fondue, minérale et équilibrée. Un vin complexe
et fin, élégant, l’archétype d’un grand jaune qui entre dans sa phase
de maturité.
Une deuxième série piège! Ce « fourbe » de Saint-Vernier nous a servi les mêmes, avec 10 ans de plus! Vainqueurs haut la main dans la catégorie Vétérans, le Château Chalon du domaine Macle, toujours aussi fin, et l’Arbois du domaine Puffeney, dont on pourrait dire que le temps l’affine. On a l'impression que les deux styles finissent par se rejoindre.
Une soirée extrêmement enrichissante, mais où seulement un tout petit coin du voile a pu être exploré! De façon très pudique! L'idée que je me fais d'un Jaune commence à être moins floue mais je sens qu’il va falloir remettre ça pour y voir encore plus clair!
Olif