Toujours à la pointe, le GJP* innove, en ce début d’année 2006, et pour sa première session, invente l’invitation télépathique. Le principe en est simple, il suffit d’organiser une soirée dégustation, de penser très fort aux invités potentiels et ensuite de les recevoir à dîner. Eh! bien, vous me croirez si vous voulez, mais ça ne marche pas! Ou alors les membres du GJP sont télépathiquement sourds! Si on ne leur dit pas de vive voix de venir, ils ne viennent pas, les ingrats!
Du coup, on s’est retrouvé bien moins que prévu à table, pour un menu pourtant autrement plus festif qu’une soirée crêpes. Et le Rhône a débordé sur la table du GJP, parce que j’avais débouché et déhaussé les épaules des bouteilles le midi. 2,11 bouteilles par personne, en comptant la mise en bouche et la queue de paon finale, une bonne moyenne qui n’a pas effrayé les (trop) rares participants, bien décidés à écoper ferme!
On attaque avec des bulles produites au Nord du Rhône:
Avec les petits toasts au beurre de saumon et œufs de lump:
- Champagne La Vigne d’or 1999 de Tarlant:
Une inédite cuvée 100% Pinot Meunier, à la vinosité marquée, très fruité, à la bulle tonique, qui révèle des arômes de frangipane et de massepain dans un deuxième temps. Un très beau Champagne, original, étonnant, qui mériterait un petit carafage et un service pas trop frappé pour assagir la bulle et se révéler pleinement.
Sur l’entrée, un Tartare de saumon aux huîtres, crème de raifort, une recette dénichée dans un très ancien numéro de Saveurs, et déjà réalisée avec bonheur à plusieurs reprises il y a très longtemps de cela:
- Château Rayas blanc 2002, Châteauneuf du pape
Robe claire, nez frais, agréable, sur l’amande, l’abricot, la frangipane. De la légèreté, de la délicatesse, pas une grande profondeur, mais une séduction immédiate, sans dilution dans ce millésime si difficile en Rhône sud.
- Château Beaucastel blanc 2001, Châteauneuf du pape
80% Roussane, 20% Grenache blanc, Picardan, Bourboulenc et Clairette.
Le nez en impose, riche, puissant. La bouche est large et grasse, ample et puissante. La Roussane déroule! Un vin solaire, chaleureux, équilibré dans un registre plutôt maousse, qui s’est déjoué de la saveur légèrement piquante du raifort.
Avec un Rôti-poché de pigeonneau aux arômes d’arabica, une recette de Pierre-Ivan Boos, du restaurant L’Alchimie, à Pontarlier, dispensée à son « école de cuisine » et réalisée de façon appliquée par Madame Olif en vue de l’obtention de son diplôme d’apprentie alchimiste:
- Hermitage Monier de la Sizeranne 1993, Chapoutier
Robe encore soutenue, sombre. Nez moussu, champignonnu, bouche rectiligne, simple et fluette, finale asséchante. Une apogée dépassée et quand même une petite déception, un vin complètement daubé, qui devrait logiquement finir dans une daube!
- Arbin Mondeuse 1992, Charles Trosset
Un pirate qui n’a pas froid aux yeux, pour s’immiscer dans cette série d’Hermitage, et il s’en tire remarquablement, le bougre! Un nez très ouvert, poivré, fumé, un rien végétal, des tanins lissés, une bouche ample et longue, avec une jolie tension minérale, sans verdeur, juste une petite amertume finale. Un air de famille avec sa cousine syrah et une excellente surprise, pas si surprenante que cela, en fait, on m’en avait dit le plus grand bien dans les officines! Un vin à rembourser absolument par la Sécurité Sociale de Savoie!
Hermitage 1996, Jean-Louis Chave
Nez au fruité encore éclatant, sur le cassis, la violette, un genre d’archétype de Syrah, à la bouche tonique et aux tanins fondus, sans agressivité, soulignés par une acidité néanmoins marquée, inhérente au millésime. Bon à très bon, il a beaucoup plu à un grand spécialiste de la Bourgogne.
Hermitage La Chapelle 1998 Jaboulet
Une robe d’une belle concentration, presque noire. Le nez est très épicé, réglissé façon Zan. La bouche est d’une grande fraîcheur, dense, au grain fin, encore un peu serré, mais se relâchant bien en finale pour délivrer de légers arômes chocolatés. Pour moi, le meilleur vin de la série, avec un énorme potentiel!
Avec le dessert, une traditionnelle galette des rois à la frangipane:
Malvasia Di Bosa, Vendemmia 1996, Battista Colombu
Un vin sarde pour tout dire un peu déroutant de prime abord, mais comme il a transité par la Belgique...! Surtout parce que je ne m’attendais pas à ça! Un surmaturé sec, riche en alcool, mais sans lourdeur alcooleuse du fait de sa très grande sécheresse, qui n’est pas sans me rappeler L’air du temps de Christophe Abbet, le Valaisan de Martigny. A siroter par petites gorgées, et pas forcément sur un dessert!
- Coteaux du Layon Clos du Pavillon 1998, Philippe Delesvaux
Pour se marier avec la galette, je suis donc redescendu à la cave chercher ce superbe Coteaux du Layon, un ch’nin confit, botrytisé, onctueux et caressant au palais. Un vin de rois et de reines!
A l’issue de la soirée, le Roi fut effectivement couronné. Son premier édit fut d’envoyer ses sujets, harassés par tant de débordements, sagement se coucher!
On essaiera de se rattraper prochainement avec un GJP au grand complet, cette fois!
Olif
* GJP: Grand Jury Pontissalien, secte d’adorateurs de Bacchus, basée sur les hauts plateaux du Doubs