Gare aux mori-i-i-i-illes! L'intégri-i-i-i-ille!
Morchella Conica, Esculenta ou Costata. Le rêve de tout mycophile mycophage, gourmet, randonneur, cueilleur, morilleur. Morilleur, un métier qui ne s’improvise pas, qui nécessite une grande connaissance du terrain, une bonne condition physique, des chaussures costaudes, une acuité visuelle à toute épreuve…et une bonne dose de chance! La morille, de préférence noire (il en va de la blonde comme dans la race humaine,je n‘en dirai pas plus!), se mérite! Ce qui a fait dire à un grand mycologue comtois, Gilbert Moyne, dit le Bito pour les intimes, dont faisait partie mon vieux père: « Celle-là (la blonde), n’importe qui peut la trouver, sans grands efforts, et parfois en quantités abondantes. Le plaisir est moindre: c’est de la cueillette, pas de la chasse! »*. Me voilà donc promu chasseur, moi, le farouche opposant à Nemrod, même si c’était surtout quand j’étais jeune! Je ne m’imagine toujours pas mettre en joue la moindre bestiole, mais je ne rechigne plus à en manger! C’est même rendre hommage à une victime inéluctable, dont la mort est bien plus noble que celle du moindre poulet de batterie, que de la voir transcendée en cuisine!
Tout sur la chasse à la morille, ce sera donc le but de cet exposé, qui sera décliné en plusieurs parties. Du suspense, de l’action, de l’humour, des recettes, et le vin qui va avec!
La chasse à la morille, première leçon: le gibier!
Condition sine qua non, la connaissance parfaite de ce que l’on chasse permet d’éviter bien des déconvenues!
Ceci, par exemple, n’est pas un groupe de morilles! Ami dyslexique, méfie-toi! Il pourrait t'en cuire! Abstiens-toi de leur couper le pied sous peine de graves ennuis!
Ceci n’est pas non plus une morille, le risque, tout en étant moindre, n’est pas nul pour autant! Un coup d’œil insuffisamment attentif va faire s’affoler le palpitant du cueilleur qui s’imagine déjà remplir son panier. La désillusion n’en sera que plus cruelle. La différence entre une pive et une morille, c’est que quand on coupe le pied de la pive, il n’y en a pas!
Ceci n’est toujours pas une morille, même si le cueilleur sera content d’avoir trouvé au moins un champignon. Mais lequel? Pas comestible, apparemment! Indigne de la moindre croûte!
Ceci n’est encore pas une morille, même que ça ressemble plutôt à un huître arc-en-ciel, sauf que son parc serait loin de la mer!
Mais alors, qu’est-ce donc exactement, une morille à l’état sauvage? Une question à laquelle je ne suis pas sûr de pouvoir répondre présentement! Il reste encore quelques chapitres pour cela, suspens, suspense!
* Citation extraite de Les Champignons de la Montagne Jurassienne, Max André, Jean-Marc Moingeon, NEO Editions
La chasse à la morille, deuxième leçon: l’attirail
S’il est bien une chose à laquelle doit veiller le morilleur, c’est son attirail! Tenue de camouflage exigée! Pas tant pour ne pas éveiller les soupçons de la morille que pour ne pas susciter la curiosité du voisin d’en face qui ne rêve que de mettre la main sur des zones de production qu‘il ne connaît pas encore!
Différentes panoplies sont envisageables, dont celle du vététiste en goguette. L’occasion d’enfourcher à nouveau son fidèle destrier, piaffant d’impatience dans la grange après un hiver à rallonge.
Et c'est parti pour une petite randonnée améliorée! Ne pas oublier de descendre de bicyclette à l’occasion pour se mettre à 4 pattes dans l’herbe et optimiser la recherche des ascomycètes tant convoités.
Le vététiste aura alors pris soin de se munir d’une arme et de s’assurer qu’elle soit chargée. A la kalachnikov, on préférera un canif de poche type Laguiole, avec une petite abeille dessus, ceci afin d’éviter les contrefaçons.
Outre l’utilité d’un objet tranchant pour parvenir à ses fins, le morilleur se sentira moins dépourvu lorsque lui viendra le sentiment qu’il aurait pu avoir à affronter quelque danger en pleine forêt, comme cette horde de sangliers manquée de peu et qui a laissé des traces de son passage même pas camouflées.
Des sangles que l’on retrouvera certainement l’année prochaine autour des futurs Mont d’Or!
Pour la collecte champignonesque, difficile d’emporter son gros panier en osier et de revendiquer dans le même temps l’incognito! Un sac plastique, même si ce n’est en principe pas recommandable pour préserver l’éclat de la récolte, fera l’affaire. Celui du Bon Echanson, à Pontarlier, en plus d’être solide, affichera clairement des prétentions gastronomiques, au mépris d’une discrétion absolue!
Ne reste plus qu’à savoir où aller et dans quelle direction chercher. Ce sera l’objet d’une troisième leçon!
La chasse à la morille, troisième leçon: le terrain de chasse!
La chasse à la morille en direct live. Les aléas du direct. No comment!
La chasse à la morille, quatrième leçon: les solutions de repli!
Pas facile d'être un bon morilleur! Et surtout, pas évident de remplir ses objectifs. La meilleure volonté du monde et des paysages radieux ne suffisent pas à remplir le panier! La morille, ça ne se laisse pas faire, Madame! On ne la trouve pas sur commande! Et pourtant, c'était écrit dans le synopsis! Toutes les conditions étaient réunies! Un peu de chaleur préalable. Le petit coup de tonnerre la veille au soir. Et des averses fréquentes pour bien imbiber le sol. La chasse à la morille, c'est pas du cinéma! Happy end pas toujours de rigueur! I'm a poor lonesome morilleur, far away from home! Mais maintenant, il me faut rentrer! Et mes enfants, que vont-ils manger ce soir? Dois-je me résoudre à aller les perdre dans les bois? Peut-être qu'ils y trouveront des morilles, avec un peu de chance! Mais alors ce sera trop tard! D'autant que le menu du soir était déjà arrêté! Le vin choisi! Un peu présomptueux de ma part? Pas tant que cela, finalement! Un petit détour par l'épicier du coin, chasser la morille dessiquée, l'ensacher dans son petit cornet du Bon Echanson, rétribuer le brave commerçant, raser les murs de la ville et, pour finir, arriver triomphalement chez soi en brandissant son trophée. Personne n'en saura rien, finalement! Mais pourquoi est-ce que je vous raconte ça alors, comme dirait Doriannn?
La chasse à la morille, cinquième leçon: et si on passait à table?
Après une bonne chasse, le plus grand plaisir du chasseur, c'est de manger son gibier! Le plumer s'il s'agit de gibier à plumes, le dépoiler si c'est du gibier à poil, et le faire tremper en cas de morilles dessiquées! Faisons donc trempette! Et passons la main à Mme Olif, véritable chef d'orchestre de ma cuisine (si si, Miguel!), d'après une partition que j'ai moi-même choisie!
Ris de veau aux morilles
Une recette tirée d’un vieux numéro de Saveurs et proposée par Philippe Gavozzi du restaurant La Cheminée, à Montfaucon (25). Une des plus belles terrasses du secteur de Besançon, quand la température permet d‘en profiter, avec vue sur les Alpes.
Pour 6 personnes:
1 kg de ris de veau , chassés spécialement pour l'occasion chez mon boucher favori!
2 échalotes
5 cl de vin blanc sec (du Jura, évidemment!)
60 g de beurre (Echiré, du Trou de Souris)
5 cl de crème fraîche double
300 g de morilles fraîches, 50g de morilles sèches ou 1 morille turque énooorme à Estèbe!
Sel, poivre
Préparation: la veille
Cuisson: environ 25 mn
1.Mettez les ris de veau à dégorger dans l’eau glacée pendant une nuit. Le lendemain, plongez-les 6 mn dans l’eau bouillante puis rafraîchissez-les sous le robinet d’eau froide. Egouttez-les et retirez toutes les petites peaux. Découpez de belles tranches en biais et réservez-les au réfrigérateur.
2.Nettoyez les morilles et lavez-les plusieurs fois afin d’éliminer le sable.
3.Hachez puis émincez finement les échalotes et faites-les revenir dans un peu de beurre sans les laisser dorer. Ajoutez les morilles, mélangez et laissez cuire 2 mn puis versez le vin blanc et la crème.
4.Pendant ce temps, assaisonnez les tranches de ris de veau et faites les dorer des deux côtés dans le beurre chaud environ 4 mn sur chaque face. Pour les enfants, vous pouvez associer dans la même poêle quelques saucisses de veau, si le coeur leur en dit et qu'ils ne raffolent pas des ris!
5.Pour servir, disposez les ris de veau dans un plat creux préalablement chauffé et versez dessus les morilles et la crème.
Accompagnez d’un savagnin, d'un bol de riz (avec un z), voire de petites patates sautées si vous avez déjà mangé du riz le midi.
Savagnin du soir, bonsoir! En l'occurence, une Cuvée S 1998, du Domaine de la Pinte. S, pour…Simone, d‘abord, la femme de Roger, dont le nom est intimement associé à l'histoire du domaine! Mais aussi S pour Savagnin, bien sûr! Et S pour ouillé! Non, là ça ne marche pas! S pour morilleS, alors, Séchées! Une cuvée de prestige, à l’élevage luxueux en fûts neufs, ouillée, une très jolie matière, riche, révélant de somptueuses notes d’agrumes, mais à laquelle je reprocherais néanmoins son côté trop boisé. En train de se fondre, car je l’ai goûtée il y a maintenant plus de deux ans, (et à l’époque, c’était S pour Sapin!), mais il y a encore quelques grumeaux! Je l’ai attendue longtemps, et je pense qu’il aurait fallu être encore plus patient. Ne soyons néanmoins pas trop difficile! Cette ambitieuse Cuvée S a des atouts à faire valoir, et le Domaine de la Pinte, dirigé de main de maître et en bio par Philippe Chatillon est tout à fait recommandable! Les ris de veau aux morilles ne s’en sont pas plaint, d’ailleurs!
Ah! Je ris… de me voir si beau en ce miroir! A défaut de ris, si l'on a des morilles et du savagnin sous la main, on peut toujours taquiner la Gambas!
Faim!
Olif
Commentaires
On se demande à te lire si les morilles ne feraient pas partie des champignons hallucinogènes ;))
Super, Olivier!...
Ca me donne des idées, je vais faire pareil avec les pignons!!... ;-)
Ca s'impose à un mois des REncontres VEndéennes!...
Aaah à l'aide, je bave sur le clavier!
Et encore pire. Je ne peux pas rejoindre notre équipe de télé en reportage à Besançon et Arbois en juin!