Il fallait se lever de bonne heure, ce samedi 11 novembre 2006, pour profiter de La vue des Alpes, au col éponyme, entre La Chaux de Fonds et Neuchâtel (CH). Le 11/11 à 11h11, on ferme ! Rideau ! Fini, la vue des Alpes! Pluie et brouillard. Juste le temps de capter un reflet doré sur le lac et la silhouette fantomatique des sommets alpins helvétiques, puis direction le Chalet de l'Hopital, à 500 mètres de là, pour une rencontre vinique délocalisée sur les hauteurs, organisée par Valais_006, amateur passionné déjà instigateur d'une patrouille valaisanne printanière. Cette fois-ci, le Valais est venu à nous, en la personne de Robert Taramarcaz, du Domaine des Muses, efficacement secondé au service par sa charmante épouse. Créé à Sierre en 1993 par les parents Taramarcaz, le domaine a pris un nouvel élan depuis 2001, date à laquelle Robert l'a rejoint après avoir bourlingué entre Bourgogne, Nouvelle-Zélande et Changins, pour parfaire ses connaissances et obtenir ses diplômes d'oenologie. Son objectif: positionner d'emblée ses vins dans le haut de gamme en travaillant de façon optimale à la vigne comme à la cave et valoriser leur image en les associant à ses deux autres passions qui sont l'art et le théâtre. Des Muses bienveillantes, dont certaines ont donné leur nom à des cuvées prestigieuses du domaine.
On commence la dégustation par les rouges, selon les habitudes de Robert, qui apporte un éclairage sur ses vins en même temps que nous les découvrons dans le verre.
- Cornalin 2005
Travaillé comme un vin de fruit, la véritable vocation de ce cépage selon Robert. De fait, intensément fruité, sur la griotte, avec une pointe animale. La belle acidité rend la bouche fraîche et nette, droite et charmeuse. Cépage difficile, le Cornalin mérite qu'on le bichonne de cette façon.
- Pinot Noir Réserve 2004
Elevage barrique de 10 à 12 mois pour une jolie définition du Pinot noir, au grain très fin et au boisé discret, très septentrional dans l'esprit, droit, possédant beaucoup de fraîcheur. Issu de vignes situées sur la rive gauche du Rhône, là où l'ensoleillement est le moins important, une zone qui convient plus particulièrement au Pinot, surtout si l'on veut élaborer des vins construits sur la
fraîcheur et éviter les notes complètement cuites de pruneau que l'on retrouve fréquemment en Valais sur des terroirs trop chauds. Une belle réussite!
- Syrah 2005
Assez typique, fruitée, poivrée et réglissée au nez, elle possède une bouche charnue, acidulée et fraîche, le credo des Muses en matière de vin.
- Fendant 2005
Nez sur la fleur de vigne, la pêche blanche, minéral et un peu crayeux. La bouche est soyeuse et grasse, sous-tendue par la minéralité et une pointe de gaz pour la tonicité. C'est frais, gras et minéral en même temps. Une interprétation plutôt classieuse du Chasselas, vraisemblablement liée à ses origines, de vieilles vignes situées sur Vétroz et Conthey. Un Fendant qui risque d'être élevé bientôt au rang de spécialité, si l'arrachage intensif se poursuit anarchiquement au profit de cépages jugés plus rentables (la petite arvine), mais pas toujours opportuns en remplacement du Chasselas.
- Humagne blanche 2005
Au nez, c'est un panier de fruits exotiques (mangue, ananas), témoignant d'un élevage un peu appuyé, mais c'est volontaire, l'humagne blanche possédant suffisamment de structure, d'une manière générale, pour supporter le bois, ce qui demande au vin un peu de temps pour se fondre, d'après Robert. La bouche est fraîche, cossue, longuement persistante, légèrement tannique en finale, une des caractéristiques de l'Humagne. Si beaucoup lui reprochent son boisage trop marqué, je trouve ce vin empreint d'une certaine élégance et suis curieux de le regoûter dans quelque temps. C'est pour moi une des plus belles Humagnes blanches que j'aie eu l'occasion de goûter, mon expérience n'étant toutefois pas immense dans ce domaine.
- Petite Arvine 2005
Asez typique, avec son nez salin, sur les agrumes et la rhubarbe. L'attaque est ronde, riche, la finale salivante à souhait, mais pas trop, l'amertume habituelle étant atténuée par une légère sucrosité volontaire. Très peu, et ce n'est pas gênant, même si les puristes la préfèreraient parfaitement sèche.
- Muscat flétri 2005
Une interprétation particulièrement intéressante du cépage: récolté en plusieurs tries et passerillé sur cagette. Le nez est joliment muscaté et la bouche possède un équilibre aérien, bâti sur la fraîcheur, dans un style plutôt demi-sec, léger et gourmand (25 g de SR environ).
- Polymnie Séduction Or 2004
Un petit verre de poésie? Voilà qui est fait avec cette Muse à base de Malvoisie (20%) et Ermitage (80%), élevée en barriques neuves à chauffe forte. Du pur botrytis qui truffe un peu au nez (la marsanne), et qui part sur des notes d'olive verte et de mine crayon. Malgré sa richesse et sa puissance, le vin reste frais. Le bois est encore présent mais n'est là que pour consolider la structure du vin et soutenir le caractère légèrement oxydatif de la marsanne. Une gourmandise de plus!
Une dégustation "taramarquable", pour reprendre le bon mot de Nathalie, et un domaine avec lequel il faudra compter en Valais. Les Muses semblent disposées à veiller sur lui!
Travelling arrière. Il pleut toujours sur la vue des Alpes. Fondue enchaînée. Et dégustation comparative de Chasselas pour le fun. Pas de
notes, l'instant était à la convivialité, mais le Fendant 2005 des Muses et la Pierre de Soleil 2005 de Jérôme Giroud remportent la palme. Jusqu'à ce qu'un Arbois Fauquette 1999 de Michel Gahier, surgi de nulle part, ne vienne brouiller les cartes. Celles des Jurassiens français, en tout cas. On ne se refait pas! Et puis (par quel miracle? Si, je sais, une bande de joyeux alsaciens se trouvait dans l'assistance!), un Pinot Noir sans soufre 2004 de Bruno Schueller. Totalement surréaliste! Du bonheur!
Clap de fin!
Olif