Les Vendredis du Vin # 4: Oxydatif? Et alors? Allocution présidentielle.
Et voilà, c'est aujourd'hui qu'on ramasse les copies. Le vin oxydatif a coulé à flots durant tout ce mois de juin 2007, espérons que cela aura inspiré les participants. En ce qui me concerne, j'ai fait une descente de cave en aveugle, puisque, comme chacun sait, tous les vins de ma cave sont oxydatifs. Y compris les vins d'Alsace, les Bordeaux, les vins de Bourgogne. Et même les vins du Jura, c'est dire! Au début, je pensais n'ouvrir aucun clavelin, pour laisser mes sujets s'exprimer sur celui-là, de sujet. Et puis il y a eu une belle occasion, avec le passage dans l'Est de Lisa Roskam et Laurent Baraou. Un véritable G3 avant l'heure, et je me devais de leur proposer un vin à la hauteur de l'évènement. Tellement émouvant que je ne peux pas non plus m'empêcher d'en faire le commentaire. Mais auparavant, un mini tour de France, Suisse incluse, de l'oxydation volontaire et ménagée, pour le plaisir des papilles.
Alsace Sylvaner 2004 cuvée rare, domaine Hurst
Il s'agit d'un Sylvaner rose récolté en surmaturité et élevé pendant deux ans en cuve. Sa robe tire sur l’acajou clair. Son nez surmaturé évoque l’amande, le coing, le miel, le tabac à pipe, sa bouche posséde du peps, une pointe de perlant qui disparaît rapidement à l’aération, et de la minéralité, sur un équilibre demi sec assez frais, agréable et étonnant. Belle richesse et finale plutôt sèche, sans sucrosité marquée, j’aime beaucoup ! A l’aération longue (dégustation sur plusieurs jours), le vin prend nettement des notes de fruits secs et de coing, mettant ainsi en avant son caractère oxydatif indéniable.
Le Jaune, Touraine Azay le Rideau 2003, Guillaume Descroix
Nez sur la pomme verte, oxydatif forcément, avec une pointe de noix fraiche. Pourtant, impossible
d'évoquer un savagnin sur ce nez-là! La bouche possède du gaz et du sucre résiduel. Késako? Du ch'nin! Equilibre improbable, et pourtant pas bancal du tout. Peut-être juste encore un peu dissocié, mais la chaleur de 2003 en est ainsi vivifiée. Tout déconcertant qu'il puisse paraitre, ce vin affiche une grande personnalité qui n'est pas dépourvue de charme. Une bouteille doublement collector, puisque entièrement manuscrite, à mon intention, l'étiquetage officiel n'étant pas prêt au moment de l'achat de ce flacon.
Fièvre Jaune 2004, Domaine de la Comtesse Eldegarde, Genève
Il s'agit d'un Chardonnay genevois élevé 3 ans sous voile, au nez croquant sur la pomme verte et à la bouche ronde et gourmande, avec une belle longueur et une jolie rétro sur les fruits secs. Un oxydatif d'école, et également un véritable collector qui devrait faire des petits autour du Grand Lac, puisque le Savagnin est en train d'y faire une entrée que l'on espère remarquable, à défaut d'être pour l'instant remarquée, car très confidentielle.
Delphine de Margon 2001, Dernière cueillette, VDP des Côtes de Thongue
Direction le Sud pour un Chardonnay du domaine de l'Arjolle récolté en surmaturité et élevé sans
ouillage, à la recherche de ce caractère oxydatif si particulier. Après quelques années supplémentaires de cave, la robe clignote au jaune doré. Le nez embaume dans un registre de vieille cire, de caramel, de miel et d'amandes grillées. La bouche est riche, large, puissante, rendue digeste par l'oxydation ménagée et ce, malgré un degré alcoolique affiché plutôt élevé. La chaleur sudiste s'assagit, pas une once de lourdeur, le vin reste frais en bouche, l'acidité équilibrant bien l'ensemble. Une expérience émouvante, à laquelle je ne suis pas insensible, loin de là! Un vin de caractère, à réserver à des mets riches, ou à siroter là, tout seul, maintenant, devant son ordinateur, et laisser nonchalamment courir ses doigts sur le clavier...
Arbois Vin Jaune 1969, Domaine de la Pinte
La robe est d’un beau jaune doré, une couleur qu’on est en droit d’attendre d’un Vin Jaune de cet âge. Le nez est marqué par des arômes de noix, d’écorce d’orange, presque confite. Beaucoup de vigueur dans ces arômes, portés par une fougue encore légèrement alcooleuse, c’est un bon présage! La bouche possède encore du nerf et de l’acidité, mais celle-ci s’enrobe pour procurer une sensation de quasi-douceur, le caractère confit apportant harmonie et félicité, idéal pour jouer les prolongations. Fermer les yeux et déglutir à petites gorgées...
C’est alors qu’une petite musique retentit et qu’une voix à l’accent délicieux, so british, vient vous susurrer à l’oreille : « 69, année érotique… ».
Non, ce n’était pas Lisa ! Mais Jane, à travers les enceintes de la chaîne Hi-Fi. Cet Arbois Vin Jaune là, il vous remonte le long de l'échine et vous colle le frisson ! Une Pinte de grand vin !
Vous avez dit oxydatif? Et alors?
Olif