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  • Une tête de moins pour le Savagnin?

    Lu dans le dernier (et sympathique) numéro de la RVF (le 508), sous la plume d'Olivier Poussier, que le Savagnin, à l'instar de l'Hydre de Lerne, possédait plusieurs têtes. "Un cépage polycéphale" dénommé Klevener en Alsace, Païen en Valais, Gringet en Savoie et, bien sûr, Savagnin sur ses terres de prédilection.

    Hercule et l'hydre de Lerne, par Gustave Moreau (1876)


    Hercule et l'hydre de Lerne
    , par Gustave Moreau (1876)
    (image tirée de Wikipédia)

    Dégainons notre Opinel et tentons de lui en couper une, la Savoyarde, qui ne devrait pas repousser de si tôt! Si le Gringet présente bien quelques similitudes macroscopiques et organoleptiques avec le Savagnin jurassien, la génétique vient tout juste de démontrer qu'il ne s'agissait pas du tout du même cépage. Trop forte, la génétique! Mais les lecteurs réguliers du Blog d'Olif le savaient déjà! Sorti de la bouche même de Dominique Belluard, le pape du Gringet, après une étude de José Vouillamoz, le grand spécialiste suisse de la question. Question qu'il serait intéressant de lui poser directement, d'ailleurs!

    A part ça, dans cette RVF, heureuse initiative et jolie sélection que ce carnet d'adresses de Bars à vins. Enfin un peu de neuf à se mettre sous la dent! On en redemande!

    Vous pouvez rengainer votre Opinel!

    Olif

  • L'affaire du voile

    Voile

    Rien à voir avec l'Islam, les Talibans, la lapidation, Pétillon ou Jack Palmer, mais, quand même..., ce voile, quelle affaire! On va donc causer terroir, pierres, que l'on sera aimable de ne pas jeter à la femme adultère (même si je ne suis pas derrière), levures, savagnin, vin, Château Chalon, Jura, rien que des choses habituelles sur ce blog. De manière tout à fait ludique, parce qu'on n'est pas là pour s'ennuyer, mais néanmoins intéressante, on va tout faire pour.


    Avant

    Après!

    Pourquoi ce raisin, si fruité et pamplemoussé à la sortie du pressoir, développe des notes maltées, épicées, "noyées" et "terpéniquées", après 6 ans d'élevage? Comment son acidité se civilise-t'elle, se complexifie-t'elle, se densifie-t'elle? Ceci pour en faire un des plus grands vins du Jura, système solaire inclus, comme aurait pu dire l'esthète Helvète Estèbe, qui ne perd jamais une occasion de ne pas garder sa langue dans sa poche, surtout lorsqu'il s'agit de lapper du Jaune! Autant de questions qui devraient rester sans réponses, mais au moins, j'aurais fait mon possible d'essayer!
    Pour cela, une seule solution, direction Château Chalon, au domaine Macle, pour y retrouver Laurent, le fiston de la famille, qui nous a concoté une nouvelle fois une dégustation exceptionnelle.

    "Petite" mise en bouche par une série de Chardonnay sélectionnés sur fûts, avant d'attaquer la grande verticale de Savagnin:

    - Chardonnay 2006: toujours en cuve, celui-là, malo non faite. Il exprime un fruité primaire gourmand, avant de se laisser aller à un peu de mordant en fin de bouche.

    - Chardonnay 2005: une année supplémentaire d'élevage, et le voile a fait son apparition. Prélevé sur un fût relativement récent en provenance de Bourgogne, il est encore marqué par une légère note boisée qui n'est absolument pas la marque du domaine et qui sera complètement gommée à la fin de l'élevage oxydatif. Petite note "éthanal", vernis à ongles, et grande longueur. Un vin déjà pourtant doté d'une suprême élégance!

    - Chardonnay 2004: le premier nez n'est pas d'une grande netteté, très levurien, un peu iodé, la signature d'un voile épais, d'après Laurent Macle. La bouche est ample et puissante, marquée par une grande acidité et une rétro sur les épices et la noix.

    - Côtes du Jura 2004: le même que précédemment, assemblé à 15 à 20% de savagnin, ce qui correspond au "standard" du domaine en appellation Côtes du Jura. L'apport du savagnin dans l'équilibre est fondamental sur un millésime aussi délicat que 2004. Le nez est franc, pur et droit, la note levurienne n'est plus perçue. La bouche possède plus d'allonge, est mieux constituée, la finale se fait sur une belle acidité salivante.

    - Chardonnay 2003: un échantillon sous voile prélevé avant la dernière mise de ce millésime. Le nez est tout à fait caractéristique d'une très belle oxydation fine, sur les épices et la pomme. Un vin rond, gras et soyeux en bouche, qui ne manque pas de nerf.

    - Côtes du Jura 2003: nez légèrement malté, sur les épices douces et le froment. Toujours de la levure, mais dans ce qu'elle apporte de mieux au vin. Bouche élégante et fraîche, avec une belle acidité finale.

    - Côtes du Jura 2000: un lot de millésime plus ancien remis à la vente après avoir subi une légère filtration qui lui faisait défaut à l'époque de sa première commercialisation. Cela permet d'attendre les premières mises de 2004, qui démarrent tout doucement, le 2003, une superbe réussite, étant désormais épuisé au domaine. Nez discret avec une pointe de menthol. Bouche arrondie, développant une pointe de gras. Long et harmonieux, un joli vin prêt à boire!

    - Côtes du Jura 1996: superbe nez d'une grande pureté, légèrement malté! D'une droiture parfaite en bouche, il est long et puissant, d'une persistance intense, mais toujours d'une grande finesse. Un très beau vin, issu d'un millésime très réussi ici.

    - Savagnin 2006: prélevé sur cuve, un Savagnin tout nu, avant la formation du voile. La robe est encore trouble, le premier nez réduit fugacement, sur des notes de caoutchouc. En bouche, le fruité domine, sur le pamplemousse, sans l'amertume, d'une grande gourmandise. Une petite perle signe vraisemblablement le début de la fermentation malo-lactique.

    - Savagnin 2005: prélevé sur fût, comme les suivants. Le voile est pudique, encore discret, mais il me semble déjà en percevoir l'apport au niveau de la trame du vin. Un peu moins fruité, un peu plus minéral, pas encore totalement oxydatif, déjà très élégant.

    - Savagnin 2004: le voile fait son oeuvre, nappant le vin d'arômes de pommes plus marqués, tandis que la structure s'étoffe, se densifie et s'enrichit. Pas l'éclat du 2005, mais une belle matière pour le millésime.

    - Savagnin 2003: le voile s'emballe, mais probablement du fait d'un effet millésime. Le nez claque sur l'éthanal, avec ses flaveurs de noix verte, ce qui n'est pas la marque habituelle des vins du domaine. Bouche large, riche et puissante, mais ne tenant qu'imparfaitement sur la longueur.

    - Savagnin 2002: un voile d'une grande délicatesse, presque sensuel, a recouvert ce vin aux senteurs florales et aux arômes discrètement levuriens, sur la mie de pain. Le retour vers la finesse. Le fruit n'est pas masqué, l'acidité est bien présente. Longueur et droiture semblent caractériser ce superbe futur Château Chalon. On approche tout doucettement du produit fini.

    - Savagnin 2001: sur celui-ci, exit le voile, il est en bouteilles; son élevage s'est arrêté au bout de trois années pour cause de déclassement complet du millésime avant la vendange. Un "simple" Côtes du Jura, donc, une cuvée de Savagnin pur, collector qui n'est pas à la vente. Il y en a de toute façon très peu, une grande partie de la (petite) récolte étant passée dans l'assemblage de Côtes du Jura du domaine. Nez légèrement caramélisé, avec un soupçon de végétal. Un peu mou en attaque, il se reprend en finale pour délivrer une acidité bienvenue sur une sensation un peu chaleureuse.

    - Savagnin 2000: le futur Château! Bientôt mis en perce à la Percée de Salins les Bains. Le voile a fait son oeuvre. Assez classiquement, avec un nez sur la noix et les épices douces. La bouche s'harmonise, avec beaucoup de rondeur, rendant ce nectar déja bon à avaler!  Au fur et à mesure que le Savagnin prend le voile, le Château Chalon se dévoile. Il lui a fallu 6 ans pour peaufiner ce petit bijou, il était temps de le découvrir! Il ne sera néanmoins pas commercialisé avant le printemps, une fois les 99 définitivement écoulés (ils sont toujours rationnés), ceci afin de combler le vide laissé par le millésime 2001.

    - Château Chalon 1999: le lot 02, bientôt épuisé, possède un superbe équilibre dans la droiture, avec une grande trame acide. Le lot 03, bientôt en vente, est pour l'instant légèrement différent, sur des notes de marc. Il n'est pour l'instant pas complètement en place, à mon avis. Avec le temps, d'après Laurent Macle, les mises différentes d'un même millésime finissent par tendre vers la même expression.

    - Château Chalon 1988: pour être convaincu du statut de plus grand vin du monde du Château Chalon (Curnonsky en cite 4 autres, mais je n'en ai retenu qu'un, le principal, en fait!), il faut pouvoir goûter un jour à l'un de ces clavelins affinés par le temps. La robe dore comme les blés. Le nez est superbe et épanoui, sur le moka, l'écorce d'oranges confites. Un rien minéral, avec quelques notes type hydrocarbure qui apportent de la complexité et de la tension. En bouche, c'est d'une grande douceur. L'acidité porte le vin délicatement jusque dans une finale harmonieuse d'une grande beauté. Incrachable!

    En trois petites heures, une joyeuse bande de détectives amateurs a réussi à résoudre l'énigme du voile. Enfin, résoudre...!  Approcher! Jack Palmer, l'homme au chapeau mou, serait quand même fier de nous.

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    (Dessin extrait de Wikipédia)

     

     

    Merci à Laurent Macle de nous avoir offert un tel moment de plaisir.

    Vivement la Percée 2007!

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    Olif

    P.S.: On peut également aller consulter à loisir les notes prises par l'ami Zappa lors de cette dégustation sur le Forum des Dégustateurs.

  • Ayze, 281-283 rue du Gringet

    Savoie_2007_008

     

    En Savoie, on fait du vin, cela devrait commencer à se savoir un petit peu, et pas que dans les milieux autorisés. Maintenant, voilà qu'on en fait même chez la dame, dans la Hiaute, et du bon, en plus, à se demander pourquoi le chanteur-vigneron Francis Cabrel n'est pas venu dormir ici lorsque l'envie lui prit de faire pousser deux trois ceps au lieu de la chansonnette!

    Et comme si produire du vin ici n'était pas une originalité suffisante, Ayze s'est taillé une réputation dans l'élaboration de vins mousseux. Méthode traditionnelle avec un cépage qui l'est moins! Du Gringet! Du quoi? Du Gringet! Cela aurait pu ressembler à du Savagnin jaune, ce que tout le monde croyait plus ou moins, mais la génétique a eu raison de cette belle histoire: ce n'en est pas! Merci la science, et bravo quand même!

    Quand on remonte la Côte d'Arve depuis la bonne ville de Bonneville, on est fort aise d'arriver à Ayze. Qu'il faut prononcer "A-i-i-ze", ne vous en dépla-i-i-se! Un peu plus loin, on prolonge jusqu'à Marignier, là où la paix eût pu nicher, si Bobby eût été savoyard.

     

    Savoie_2007_006

     

    281-283 rue du Gringet, par contre, c'est là qu'on peut dénicher le domaine Belluard, actuellement dirigé par Dominique Belluard, qui nous reçoit en cette fin de matinée tristounette du point de vue météo. Le domaine Belluard, c'est 12 ha de vignes, dont 8 en biodynamie, 3 types de sols (des éboulis calcaires, des sédiments de glaciers et des argiles rouges, riches en fer) et 1 cépage qui n'a pourtant rien d'un mollasson, mais qui s'épanouit sur ce terroir de molasse, le Gringet.

    Trois en un, découverte d'une appellation, d'un cépage, d'un vigneron. A quoi ressemblez-vous donc, petit Gringet?

    On commence par les 2006, sur cuves, et par terroirs successifs. Les conditions barométriques de la journée (apparition d'une dépression en provenance de l'Islande, de quoi filer un gros coup de déprime) font travailler les vins qui se goûtent sous l'angle de la réduction. Sur éboulis calcaires, transparaît la minéralité, malgré des notes fruitées fermentaires de poire. Les sédiments de glaciers apportent une note fumée et plus de volume sans nuire à la sensation minérale. Le Feu, sur argiles rouges, est un vin tendu et minéral, à la grande maturité de fruit, sur les agrumes; il démarre sa fermentation malo-lactique et Dominique Belluard laisse volontiers beaucoup de carbonique en cours d'élevage afin de diminuer l'apport de soufre. Le 2006 destiné à la méthode traditionnelle est tonique et vif, acidulé, droit et minéral. Un joli vin tranquille qui n'attend que la prise de mousse!

    Si l'élevage s'effectue principalement en cuve inox, ce contenant bien pratique ne satisfait pas pleinement Dominique qui souhaite couver ses vins au mieux. Et pourquoi pas en oeuf béton, alors?

     

    Savoie_2007_004Savoie_2007_005

     

    Impressionnants, ces oeufs! La grande classe! On en a gobé un ou deux, juste pour voir! Suivant l' ancienneté de l'oeuf (un ou deux vins), le même jus se présente et se goûte de manière étonnament différente: le premier arbore une robe claire et tend vers la minéralité, restant pur et droit; le second affiche une robe encore trouble, joue sur les agrumes et le versant acidulé, avec une légère dureté accentuée par un carbonique plus marqué.

    Passage au Sarto, un genre de Carnodzet mais en plus savoyard, pour s'attabler autour du vin en bouteilles, bientôt rejoints par Monsieur Belluard Père, à l'oeil pétillant comme un vin d'Ayze, surtout lorsqu'il chamaille son fils.

    Gringet 2005, Cuvée des Alpes
    Nez frais, aromatique. La bouche possède du gras et de la tension. Un vin élégant, pur et droit, à l'apparente simplicité qui confine à l'épure.

    Gringet 2005, Le Feu
    Nez intense et puissant, sur les agrumes confits et l'écorce d'orange. La bouche possède du volume, du gras et de la densité. Minéralité et droiture, longueur et persistance, voilà une très belle bouteille produite sur ce fameux terroir d'argiles rouges. 4 g de sucre résiduel témoignent de sa grande maturité et de sa richesse, sans pour autant gêner la dégustation.

    Ayze Méthode traditionnelle 2004
    Brut dosé à 4-5 g. Un vin frais à la bulle tonique, vif, net, à la finale légèrement fumée et minérale.

    Ayze cuvée Mont-Blanc 2003
    Cuvée non dosée, ayant passé 3 à 4 années sur lattes. Premier nez lactique fugace, puis surgissent les fruits jaunes et la mirabelle, sur fond de brioche dorée. Equilibre arrondi mais restant frais, un Ayze très vineux, élégant et néanmoins minéral. Chapeau!

    Oui! Chapeau l'Ayze, chapeau le Gringet, chapeau Monsieur Belluard! Et pendant qu'on y est, chapeau Marc Veyrat, le savoyard au chapeau, même s'il n'y est pour rien sur ce coup-là.

     

    Savoie_2007_002_1


    Aah! la Savoie... Même la Hiaute!


    Olif