Luca Roagna, ou le Barbaresco civilisé
Piémont et merveilles, part two. Suite de l'incursion olifo-pipettienne en terr(it)oir(e) piémontais: une fois le Roero épuisé, cap sur Barolo et Barbaresco. En passant par La Morra, qui nous offre un panorama de la mort sur ce magnifique vignoble étagé, disposé sous forme d'un enchaînement de collines. Un paysage saisissant, inattendu, d'une beauté à couper le souffle. Des parcelles disposées de manière identique du côté de Barbaresco, évoquant inévitablement un amphitéatre.
Après le cours magistral en amphithéâtre, place aux travaux pratiques dans l'intimité de la cave, avec, pour se faire le palais, une initiation à la Dolcetto vita. Le Dolcetto, c'est un peu "le bébé de la propriété", le vin qui se boit sur la jeunesse et sans trainer. Le 2008 est un bébé Cadum, aux tanins souples, avec de la minéralité en bouche, et une grande fraicheur. Que la vie lui soit douce! Le Barbera est un cépage plus mordant et acide, mais loin d'être barbant. Il nécessite de l'enrobage sur ses tanins pour ne pas entrainer une constriction de la mâchoire. Ce 2004 est joliment fruité et épicé, parfaitement équilibré.
Le "jeu du Nebbiolo" peut désormais commencer. Celui de vins bien trop jeunes pour être bus, d'après Luca, mais déjà très bons à boire. Une quasi intégrale des vins du domaine proposés à la vente, ouverts la veille à l'occasion de la venue d'un importateur suédois. Ou peut-être est-ce le contraire? Il en a eu de la chance, ce Suédois, de passer avant les blogueurs français! Le millésime 2003 se décline en Langhe Rosso (soyeux et frais, à ne pas donner au chat), Barbaresco Pajé (yeah!) et Barolo La Rocca e la Pira (il y a pire!). Des vins frais et juteux, sans lourdeur, et pourtant issus de vendanges beaucoup plus tardives que tous les autres produits dans leur appellation respective. Une maturité parfaite des peaux et des pépins qui a ramené de l'acidité et beaucoup de fraicheur. Si le Pajé est tout simplement fabuleux, intense et légèrement chocolaté, la Rocca e la Pira n'est pas en reste. Vous m'en mettrez une caisse de chaque! Trois cuvées parcellaires nous sont également proposées à la dégustation: un Barolo Vigna Rionda 2005 (une parcelle située à Serralunga d'Alba, cultivée avec amour par un vieux vigneron du cru à qui Luca achète les raisins, et un vin remarquable par la qualité et la fraicheur de ses tanins, qui possèdent déjà une rondeur toute féminine), un Barbaresco Asili 2004 (issu d'une colline face à l'amphithéâtre de Pajé, exposée Sud, un vin plus viril linéaire et droit, à la minéralité affirmée, qui impressionne par la qualité de sa finale, ferme et autoritaire) et un Barbaresco Montefico 2004 (autre sélection parcellaire, au nez peu expressif, le Nebbiolo n'étant pas un cépage particulièrement aromatique, à la minéralité calcaire, mais dont les tanins sont néanmoins soyeux et élégants).
A présent, on ne joue plus. L'affaire devient sérieuse. Pensez donc! Huit ou douze années de foudre, auxquelles il convient de rajouter une ou deux années supplémentaires de vieillissement en bouteilles! Place aux grands vins, ceux qui sont bâtis pour l'éternité et qui laissent un souvenir impérissable à qui a eu la chance de pouvoir y tremper ses lèvres.
- Barbaresco Riserva Pajé 1999 :
Huit années de foudre, deux de bouteilles, 5 minutes de verre! Un Barbaresco à l'ancienne, issu des vieilles vignes de 60 ans de Pajé. La quintessence du cru, qui fait succomber aux charmes des barbares. Complexe, immense, goûteux, jouissif.
- Barolo Riserva La Rocca e la Pira 1995 :
La puissance du Barolo, après l'élégance du Barbaresco. Douze années de foudre révèlent toute la dimension de cette cuvée d'exception aux tanins bien patinés.
- Barbaresco Crichët Pajé 2000 :
Une sélection parcellaire dans la parcelle! Les meilleurs et les plus beaux raisins vendangés à haute maturité, au mois de novembre, macérés très longuement (jusqu'à 100 jours), donnent à ce vin minéral et épicé une élégance somptueuse et une classe folle
Pour clore la dégustation, une curiosité locale, qui mériterait d'être vendue en pharmacie et/ou d'être remboursée par la Sécurité Sociale: le Barolo Chinato, du Barolo additionné de quinine! Pas question pour Luca d'utiliser un vin insuffisant lors de la fabrication! Derrière les herbes aromatiques naturelles, le zucchero et l'alcool, il y a du vin. Et ça se sent, malgré l'amertume de la quinine. Apéritif ou digestif, il fallait y goûter un jour! Et ce jour-là il fut les deux. Cloturant la dégustation, il libéra l'appétit avant de se rendre à Alba. A La Libera, justement, sur les recommandations de Luca. Une blanche adresse à ne pas manquer, où on ne vous prend pas pour des truffes, en saison ou non.
Commentaires
Salut Olif,
Le reportage de Philippe (R) m'avait déjà envie de tremper mon gosier dans ce breuvage ! On peut acheter à la propriété ? Ils causent le gaulois (ou le british) ? Et quels sont les tarifs ? J'irai peut-être faire un saut en Italie, alors on ne sait jamais. Philippe
Philippe,
Tu peux y aller tranquille, Luca parle un très bon français!... Les vins sont disponibles à la propriété et pour ce qui est des tarifs, tu peux t'en faire une idée en cliquant sur une des dernières photos de mon reportage sur La Pipette!... Bon voyage!... Barbaresco sur le R&B bientôt?... ;-)
Salut Philippe,
Gros coup de cœur, effectivement, pour les vins de Luca Roagna, qui fait figure d'atypique au sein de l'appellation (que je connais très mal, néanmoins!), alors que c'est un des rares à faire des vins comme on les faisait autrefois à Barbaresco. Luca parle un français parfait (l'anglais, aussi), et c'est heureux parce que mon italien laisse à désirer. Nous avons évidemment pu acheter à la propriété. Rectificatif, il y a bien un importateur en France: http://www.oenotropie.com.
Les prix sont plus que raisonnables pour de tels vins (de mémoire pas plus de 30€ pour Barolo et Barbaresco, hormis les cuvées riserva et Crichet Pajé, qui flirtent avec les 130€, mais au vu du soin apporté aux vins, à la durée de l'élevage et à leur caractère très limité (moins de 1000 bouteilles/cuvée), il n'y a pas grand chose à redire!
Philippe, pas facile, facile, la lecture, mais ça donne une idée ;o))
En France on en trouve chez Oenotropie à des prix majorés de 20% environ (43 euros au lieu de 35 ou 65 au lieu de 50).
Merci en tout cas pour vos deux reportages piémontais qui font bien envie (les autres aussi ! ;o)) )
Philippe
Quelques vins de Luca Roagna sont en vente jusqu'au 20/10/09 sur Caveprivée.com.
http://www.caveprivee.com