Image retravaillée et piquée au Saint-Jus lyonnais, d'après P-U-R
En ce troisième jeudi de novembre, c'est la fête au Bojo. Une date devenue aussi mythique sur le calendrier des postes de l'amateur de vins que le premier week-end de février dans le Jura ou l'Ascension à Saint-Jean de Monts. C'est dire! Halleluiah! Il est né le divin dit vin Nouveau. Il est curieux de constater à quel point les aficionados de la première heure, qui ont adulé le Beaujolais Nouveau au point d'en faire une fête à neuneus avinés, sont les plus prompts à balancer leurs piques vachardes contre ce soit-disant anti-vin, pourtant antidote à la morosité ambiante. Ils le vilipendent, ça fout les boules, ça fout les glandes, les crottes de nez qui pendent. Tandis que dans le même temps, bon nombre d'amateurs, initialement réfractaires à la soulographie primitive et collective du mois de novembre, redécouvrent ce vin simple et festif, frais et gourmand, à partir du moment où il est véritablement redevenu du vin, dans les mains de vignerons artisans, respectueux du vrai et du bon. Exit la panoplie thermo-technico-bananesque, vive le bon Beaujolais gouleyant, au goût de raisin. Vive le Bojo, vive le Nouvo, vive le Bojo Nouvo!
Beaujolais surtout pas nouveau d'abord, même si évidemment on l'aime, parce que la dégustation successive d'une dizaine de vins primeurs n'aurait pas eu un intérêt fondamental pour l'amateur de base que nous sommes. Laissons cette prérogative punitive aux prestigieux sélectionneurs de vins français pour hard-discounters, qui sont désormais aussi indispensables à la critique vinique que TéléZ l'est au télespectateur d'ARTE ou à l'amateur d'opéra. Les Nouveaux que l'on a bus, ils avaient déjà été testés au préalable et approuvés par le jardinier Stéphane "Saint-Vernier" Planche, avec une modeste contribution du Blog d'Olif.
C'est parti pour une petite série de 8 vins, à l'aveugle, les anciens avant le(s) Nouveau(x).
- Beaujolais Blanc P-U-R 2009: nez finement grillé, qui vire au silex et au minéral. Un vin aiguisé, digeste et frais. 300 bouteilles de ce Chardonnay ont été produites par Cyril Alonso et Florian Looze chez Nicolas Testard. Bienheureux ceux qui auront la chance d'y goûter!
- Mélodie d'Automne 2009, Michel Guignier: après une petite note de réduction primaire, le nez se révèle frais et fruité, avec une sensation de bon végétal, sur la rafle. La bouche est joliment croquante, avec de tout petits tanins soyeux et gourmands. C'est très bon, on en boirait une sapine, mais il faut savoir être raisonnable. Sous cette étiquette mélodique autant qu'automnale, se cache en fait le Beaujolais nouveau 2009 de Michel Guignier. Ce qui incite vraiment, après l'euphorie de la fête, à laisser ces vins nouveaux poursuivre un peu leur processus de vieillissement en bouteille. Du vin, réellement, et du bon!
- Beaujolais-Village Les Lapins 2009, Nicolas Testard: robe burlat, plutôt soutenue. Réduction nasale marquée mais la bouche est nette, avec de la matière et de jolis tanins. Un vin qui claque et qui réjouit, une fois l'écueil éventuel du nez passé. Pourtant, ça pue comme j'aime et comme a aimé une grande majorité de l'assemblée. De biens jolis petits lapinous, encore bien jeunes et pas tout à fait propres, mais on se réjouit d'en goûter une cuisse d'ici quelque temps!
- Chiroubles 2008, F et H Gonnet: robe burlat, nez propre et net, sur la cerise. C'est rond, c'est bon, c'est bien fait et bien carré. Un Chiroubles qui remplit la quadrature du cercle, en fait, et qui devrait séduire les amateurs de vin clean, élaborés dans un excellent esprit. Une aventure désormais terminée, pour ce néo-vigneron qui a vinifié 3 millésimes pour son propre compte (2008, 2009 et 2010), avant de jeter l'éponge. Une bien jolie parenthèse vinique.
- Beaujolais-Village Hors normes 2009, P-U-R: un vin dense et soyeux, plein, séveux, épicé, poivré, velouté et frais. Grosse concentration pour un Beaujolais hors normes, issu d'une parcelle de vieilles vignes de gamay miraculeusement préservées du temps et des affres du monde moderne, complètement perdue au milieu des bois. Chapeau! Ce vin est une grosse bouffée d'air P-U-R dans le monde des Beaujolais standardisés, une grande bouteille potentielle.
- Fleurie 2008, Yvon Métras: un vin impressionnant par sa verticalité et sa longitidunalité, qui développe une "amplitude en longueur" et un profil plutôt serré, tirant le vin très loin. Il est encore loin de révéler tout son potentiel!
- Morgon Corcelette 2006, Jean Foillard: suave et végétal, soyeux, rond, il est relativement massif, à peine chaud, manquant d'un soupçon de fluidité qui donne "envie d'en reboire". Un Morgon qui appelle plus à manger qu'à reboire, de l'avis général. J'ai ressenti la même impression sur ce vin une année plus tôt, ce qui fait que je l'ai identifié à l'aveugle. Aucune gloire à cela, probablement de la chance, et le vin reste bien plus qu'honorable. Mais il lui manque néanmoins un peu de fougue et de personnalité.
- Le Jambon blanc, La Grande Bruyère 2007, Vin de table, Philippe Jambon: un blanc pour finir, de grande expression, long, très fin, très mûr, de grande classe. On ne dira jamais assez de bien des vins de Philippe Jambon, des vins à ne pas mettre dans toutes les bouches tellement ils peuvent surprendre et dérouter, mais qui témoignent d'un véritable savoir-faire du vigneron, doublé d'un feeling et d'une réelle expression du sol dont ils sont issus. Le sort s'acharne sur le domaine (troisième année de grêle consécutive, touché à + de 90% cette année), mais la résistance s'organise sans aucune concession à la facilité et à la modernité. Un vrai vin "zéro-zéro", sans aucune déviance œnologique d'aucune sorte, l'image fantasmatique de ce que peut être un grand vin blanc de chardonnay. Produit à Chasselas, Saône-et-Loire, à la limite du Beaujolais et du Mâconnais. Du Chasselas comme ça, au bon goût de chardonnay, on ne demande qu'à en boire plus souvent!
Olif