Et pourtant, Saturne...
C'est l'adresse parisienne en vogue, l'endroit où il faut absolument asaturnir, avant même que l'Académie Française ne valide le terme dans le dictionnaire. Le critique "officiel" s'est fait griller par les blogueurs intelligents et adeptes du plaisir. En vogue, donc forcément un truc pour bobos branchés, si l'on en croit les avis soudainement autorisés de quelques anonymes pisse-vinaigre, mais soyons également intelligents, ne boudons pas notre plaisir et assumons notre branchitude.
À portée de fusil d'un forum des Halles reconverti à certaines occasions en station de sports d'hiver, Saturne se décline en deux versions, restau et bistrot. Les Seigneurs des anneaux, ce sont les Hobbits Sven Chartier et Ewen Le Moigne, qui n'ont finalement pas pris Racines passage des Panoramas. Sven est au piano, Ewen à la mandoline, avec laquelle il tranche avec finesse et maestria un excellent Comté de Poligny à grignoter du bout des doigts. Joueur de mandoline, mais surtout homme-orchestre à la cave, on ne s'ennuie pas des papilles avec Ewen, une des têtes pensantes de Vinibrato, petit négoce 100% raisin, basé à Molamboz, Jura, chez Jean-Marc Brignot.
Côté restaurant, pris d'assaut en soirée, ce qui nécessite de réserver à la vitesse de la lumière et plusieurs années saturniennes à l'avance (l'équivalent grosso modo de quelques journées terriennes), on déjeune sous une agréable verrière avec vue sur le ciel bleu de Paris (quand il ne neige pas) et sur la cuisine ouverte de Sven. Trop bruyant pour certains, service trop long pour d'autres, assiette un peu chiche pour les vilains gros appétits, on n'est probablement pas venus le mauvais jour, tout était impeccable!
Menu de la mer, ce jour-là, avec quelques effluves terriennes: carpaccio de Saint-Jacques, betterave, navet et émulsion d'huître. J'ai mis du temps à trouver l'huître sur la Saint-Jacques, je n'avais pas mémorisé qu'elle avait été émulsionnée. Travaillée de la sorte, la betterave est en passe de devenir un de mes légumes préférés, alors qu'il n'y a pas 5 minutes, je ne pouvais pas la piffrer! L'aile de raie grillée servie avec petits légumes croquants fut loin de rayer le palais: cuisson nickel, accompagnement délicieux.
Après une épatante mise en bouche apéritive par un Pinot blanc KL 2009 de Bruno Schueller, bêtement pris à l'aveugle pour un sauvignon atypique, il fallait encore du blanc, toujours à l'aveugle: une Mélodie en sous-sol angevin, "100%% jus de raisin, sans sulfite rajouté, 1ère barrique à droite en entrant". Une cuvée de chenin exclusive, mise en bouteille pour Les enfants de la bulle, 17 rue Notre-Dame des Victoires, la même adresse que Saturne. Curieux, non?
Curieux, mais surtout, extrêmement bon, minéral et cristallin, sans sulfites, évidemment, ce n'est pas le genre de la maison. L'étiquette Petit ange fesses nues est signée Étienne Davodeau, inoubliable auteur de Lulu femme nue et grand observateur du quotidien des petites ou mauvaises gens, qu'il sait retranscrire à merveille. Le vin, "Mélodie en sous-sol", est quant à lui signé Jérome Lambert, jeune talent "nature" prometteur, qu'il sera extrêmement difficile de découvrir ailleurs qu'ici, toute la production a été achetée par les saturniens.
Saturne
17, rue Notre-Dame des Victoires
Paris 2e
Tél.: 01 42 60 31 90
Olif, chroniqueur supposé intelligent du plaisir, en Escapades parisiennes
P.S.: boire nature à Paris, ce week-end-là, ce n'était pas très difficile, puisqu'il y avait l'excellent et convivial petit salon de l'Espace Beaujon. L'occasion fut trop belle de se vautrer sur une barrique de 225 litres relookée par Christophe Lorenzoni, avant de goûter à de petits joyaux signés Catherine et Gilles Vergé, Grégory Leclerc, Frédéric Rivaton, L'escarpolette Ivo ou encore Jeff Coutelou. Mention particulière à La Mule "Deluxe édition" de Chahut et Prodiges, au Cinsault 2010 tiré de la cuve de l'Escarpolette, à Gribouille 2008 de Fred Rivaton (ainsi qu'à la verticale de Blanc-Bec sur 4 millésimes, révélant tout le bon potentiel de ce style de blanc sudiste) et au vieux Grenache en solera du Mas Coutelou, une cuvée à composer soi-même lorsque l'on passe au domaine.
"Poussez, poussez, l'escarpolette..."
Commentaires
Alors là Olif, en effet, on peut pas faire plus branchouille car "ça tourne" beaucoup comme buzz le "Saturne" dans la miamsphère !!
A mon tour de te tancer côté "miam-glou nature" : et dire qu'à une portée d'arquebuse à peine, tu aurais pu goûter à la cuisine de Sébastien Dubrulle puis lire et boire la carte du boss Arthur Pétillault (qui en passant fait parti de tes amis de la fesse d'ovin) à l'Hédoniste : http://www.lhedoniste.com/
C'était ma pause du salon branchouille, CR prochainement...
Merci pour le clin d'œil !!
Si j'avais su que c'était si près... Mais j'avais promis à Ewen de passer! La prochaine fois, je ne manquerai pas l'Hédoniste!
P.S.: ton salon branchouille à toi, il sent un peu le pâté! On y était certainement plus dans le Papa bien assis que dans le hype!
Et dire que tu aurais pu croiser Michou au "Saturne hein mon canard" !!
Vous auriez mangé du pâté ensemble ;-))
C'est vrai, belle table et beaux vins, ce Saturne, testé côté bistrot, mais service trèèès étiréééé, trop quand on doit aller bosser ensuite ! L'Hédoniste, à un jet du bureau, est à mon programme. Il paraît qu'il faut absolument y goûter le risotto nero et chipirons... Olif, tu vas être obligé de revenir à Paris ! ;-))
Dis-donc, on dirait une étiquette signée Christophe Abbet !
Je compte bien revenir, Catherine! Peut-être ce printemps, d'ailleurs, si besoin, pour je ne sais quelle obscure raison pirate.
L'escarpolette en mouvement aurait effectivement pu être signée Christophe Abbet. Je ne sais cependant si elle a été faite main, comme les calligrammes du grand sorcier valaisan.
Et oui il faut venir me voir à L'Hédoniste ! Je vous attends de pied ferme, le limonadier à la main !
Sympa mais attention, c'est l'inverse une année saturnienne équivaut à 29 années terrestres. Ainsi, la réservation n'est que de quelques millisecondes saturniennes, ce qui équivaut à quelques journées terrestres :)
Ivo'l'coup l'Escarpolette, Olivier !! Il faut que tu mettes la main sur Format Raisin 2ème Mise (chardonnay, chenin) d’Élise Brignot et que tu m'en dises des nouvelles, si ce n'est pas déjà fait, of course ;-)
J'ai goûté Format Raisin l'année dernière. Je ne sais si c'était une deuxième mise ou pas. Il me semble avoir préféré le pur Chenin, mais comme je n'ai pas pris de notes... :-)
Pas eu le temps cette année de regoûter aux vins d'Elise, mais je sais où en trouver.
Les Enfants de la Bulle est le nom de la société dont Sven Chartier et Ewen Le Moigne sont les gérants. C'est visiblement le nom "officiel" de Saturne
http://www.societe.com/societe/les-enfants-de-la-bulle-521167890.html