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  • REVEVIN 2010: Le Savagnin dans tous ses états, la dégustation


    Compte-rendu de la première session de ces REVEVIN 2010, où le Jura, et plus spécifiquement le Savagnin, se sont retrouvés sous le feu des projecteurs l'espace d'une matinée. Le Jura fut donc le premier invité à monter les marches du patio du Chai Carlina, ce vendredi 14 mai à Saint-Jean de Monts. Son climat aussi, puisque des températures, interprétées comme jurassiques en cette Ascension vendéenne, se sont invitées en dernière minute. Mamert, tu nous fous les glandes. Retourne au Groënland avec Servais, ton pote Inuit. Et, par la même occasion, emmène Pancrace avec toi. Il ne faisait pas -36,7°C le matin, comme à Mouthe dans le Doubs en janvier 1958, mais on y ressentait une fraicheur océanique  non négligeable, à l'origine d'une extériorisation des poils de l'avant-bras des escapadeurs frileux et d'une intériorisation dans le Chai dès le début de soirée. Pas question, toutefois, de ne pas d'enfiler la tenue rituelle lors de ce séjour ascensionnel vendéen: short et sandales. En mai, fais ce qu'il te plaît et déguste les mollets et orteils à l'air.

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    Du savagnin plein les verres. Exclusivement, même. Le regard crispé de certains des  courageux participants pouvait faire croire que l'on s'apprêtait à  tourner un remake de Fear factor, mais la peur laissa progressivement la place à l'ébahissement et au plaisir au bout de quelques verres. Enfin, j'ose le supposer, personne n'avait de revolver sur la tempe. Les vins ont été servis, généralement par deux, dévoilés en plusieurs temps afin d'apporter les précisions nécessaires à la compréhension de chaque série. J'étais le seul à connaitre l'ordre de service et les vins dégustés, évidemment.

     

    Mise en bouche

     

    -      Arbois Traminer 2006 Stéphane Tissot en 2 services, bouché à vis et bouché liège, sur le même millésime : une vision particulière du savagnin, voulue par Stéphane Tissot. Élevage court, en cuve, pour préserver le fruit et les arômes primaires du cépage. Destiné à une consommation rapide, même si une conservation est possible quelques années, il a été bouché à vis depuis 2006, parallèlement au bouchage classique. Le vin bouché liège semble plus fruité et épanoui. Simple et direct, il est plaisant mais un peu alangui en bouche. Le vin à capsule fleure une petite réduction. Légèrement pétrolé, il est tonique et vif, se révélant au contact de l'air. A mon sens, le bouchage à vis s'avère supérieur, en terme de vieillissement sur ce type de vin destiné à être immédiat, préservant mieux la tonicité et la nervosité. L'avis ne fut pas unanime, mais juste majoritaire. Les deux bouteilles ont leur intérêt, mais, dorénavant, il est fort probable que l'intégralité du Traminer soit bouchée à vis. C'est en tout cas ce que souhaite Stéphane.

     

    -      Savagnin du Domaine Macle, prélevé sur fût, destiné à du Château Chalon, en 2 services sur 2 millésimes, 2008 et 2005: deux futurs Château Chalon qui ne le sont encore pas. Ou la perception du basculement vers  un autre monde, celui de l'oxydatif. Ce type de dégustation de deux savagnins en cours de vieillissement est toujours un moment d'exception, à apprécier religieusement. Le 2008 est encore fermé et peu expressif au nez. Le pamplemousse s'éloigne pour laisser apparaître des épices. La structure du vin est déjà en place, en filigrane. 2005 fait voyager dans l'autre dimension. Ça y'est, le voile fait son effet. La noix verte est apparue, le curry également, un petit peu. La bouche est profonde et dense, développant déjà une pointe de gras, avant de se fondre dans une finale immense et persistante. Un grand Château Chalon en perspective.

     

     

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    Savagnins ouillés

     

    Le Païen, cépage valaisan, n'est autre que le savagnin blanc jurassien. Il est classiquement élevé avec ouillage, même si certains tentent des essais de voile dans un but purement expérimental. Dans le Haut Valais, il prend le nom de Heida. Ces deux pirates, qui vont ouvrir le bal de la série des savagnins ouillés, ont été sélectionnées par Laurent « Vins-Confédérés » Probst et ont joué leur rôle à la perfection, ne venant même pas semer le trouble dans l'esprit des Revevineurs.

     

    -      Heida 2008, Collection Chandra Kurt, Cave de Provins, Valais : cette cuvée est vinifiée par Madeleine Gay, l'œnologue-vedette de la cave de Provins-Valais. Nez plutôt floral et discret, bouche simple, sapide et fraîche. Une jolie entrée en matière, tout en délicatesse.

     

    -      Païen 2008, La Cave à Polyte, Valais: nez ouvert, épicé, sur des notes de céleri en branches. Décoiffant! La bouche est vive, développant de l'acidulé qui termine sur une pointe d'amertume. Aromatique particulière (levurage?) et structure pas complètement en place, mais un vin intéressant.

     

    -      Arbois Savagnin 2006 et 2008 (prélevé sur fût), Domaine de l'Octavin : deux cuvées de savagnin ouillé d'un jeune domaine jurassien extrêmement prometteur, à comparer, pour juger des progrès en matière de vinification (entre 2006 et 2008, évolution vers la biodynamie et plus de naturels dans les vins). 2008 possède tension, acidulé et vivacité, mais ne s'exprime encore que très peu dans le verre. L'élevage devrait lui amener de la complexité. 2006 possède du gras et de l'onctuosité, avec une belle minéralité jurassienne sous-jacente, mais manque à peine de nerf en finale.

     

    -      Côtes du Jura Novelin 2006, La Maison de Rose : un joli savagnin ouillé d'un fort sympathique domaine situé à Saint-Lothain, au Sud de Poligny, qui travaille chardonnay et savagnin dans le même esprit de fraîcheur. Ce 2006 est à point, floral avec un zeste d'épices et une pointe de massepain.

     

    -      Côtes du Jura Savagnin Chalasses Marnes bleues 2006, Jean-François Ganevat : une référence dans le landerneau jurassien, en matière de vins ouillés. Le Chardonnay des Chalasses est un must, le Savagnin l'est tout autant, grâce à la présence de ces marnes bleues si caractéristiques et propices au bon développement du savagnin. Une grande cuvée, qui se goûte au top, avec toujours autant d'acidité directrice et de droiture. Un modèle du genre!

     

    -      Côtes du Jura Fleur de Savagnin 2001, Collectif Labet : une cuvée désormais classique de ce domaine, qui est plutôt réputé dans les  sélections parcellaires ouillées de Chardonnay. Le Savagnin a aussi grandement sa place en Sud-Revermont, le terroir s'y prête. La robe est dorée, le nez est complexe, iodé, sur la cire et les épices. Une bouteille à boire, parvenue à maturité, qui garde encore de la fraicheur.

     

    Vieux Savagnins ouillés

     

    -      Côtes du Jura Savagnin 2001 ouillé 6 ans, Collectif Labet : un collector, totalement épuisé au domaine. Le même que précédemment, si ce n'est qu'il a vieilli 6 ans en fût plutôt qu'en bouteille. Le nez est plus miellé, marqué encaustique, avec un séduisant côté "vieux chardonnay". L'attaque est plutôt doucereuse, puis développe de l'amplitude, s'élargit et persiste longuement.

     

    -      Arbois-Pupillin Savagnin 2003, Domaine Overnoy-Houillon : le domaine de référence en matière de vieux savagnins ouillés, sur un millésime très particulier. Où l'on devrait découvrir que la canicule n'a que très peu affecté les sols jurassiens marneux, l'élevage long permettant en outre un affinage de l'alcool. Premier nez champignonneux, faisant craindre une déviance liégeuse. En bouche, noix, épices, et toujours cette petite sensation "liège". La structure du vin me parait altérée, ne ressemblant nullement à la précédente bouteille dégustée. Aurait-il été frappé de savagninite aigüe?

     

    -      Côtes du Jura 1999 Les Vignes de mon père, Jean-François Ganevat : 9 années d'ouillage pour acquérir une complexité digne d'un Jaune. Vive l'élevage long, même s'il est encore légèrement perceptible au nez. La bouche est fraîche, riche, immense, puissante et longue, très épicée. Magnifique!

     

     

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    Savagnins sous voile

     

    -      Côtes du Jura 2007, Clos des Grives : un savagnin classique, élevé sous voile. Vignoble du Sud-Revermont, culture bio certifiée depuis de nombreuses années. D'expression classique, sur la noix verte. Pas immensément complexe, mais agréable.

     

    -      Arbois Soliste 2004, Jean-Marc Brignot : le premier millésime de Jean-Marc Brignot, qui découvrait à la fois ce cépage et le voile. Élevage d'un an en cuve sous voile, sans soufre. Nez oxydatif très fin, gardant du fruit. Bouche fine et élégante, juteuse et fraiche, persistante. Un savagnin oxydatif tout en dentelle. J'adore.

     

     

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    Vins jaunes

     

    -      Arbois Vin Jaune 2003 Les Bruyères  et Arbois Vin Jaune 2003 En Spois, Stéphane Tissot : les premiers Vins Jaunes de terroir, par Stéphane Tissot. Une approche de la finesse du Jaune dans un essai de hiérarchisation et de différenciation des terroirs à oxydatifs. En Spois toujours plus rond et immédiat, Les Bruyères tourbé et fumé, plus large et riche en alcool.

     

    -      Château Chalon 2003, Domaine Macle : le dernier-né de Château Chalon, en avant-première (ou presque) sur la croisette de Saint-Jean. Tout jeune, presque bébé, il est plutôt sphérique, très rond en attaque, avec une relative fraicheur.

     

    -      Arbois Vin Jaune 2000, Michel Gahier : un Jaune d'Arbois dans un style classiquement différent de celui de Château Chalon, mais s'exprimant ici dans un registre plutôt fin. Miel, épices, après une fugace note de croûte de fromage. Long, persistant et très agréable. Il a déjà du répondant et devrait franchir les années sans trop de peine.

     

    -      Arbois vin jaune cuvé 1992, Stéphane Tissot : une version « cuvée » d'un savagnin, dont les raisins ont été laissés à macérer dans le jus comme s'il s'agissait au départ d'un vin rouge, à la façon ancestrale de certains vins italiens (type Radikon). Ensuite, élevage classique sous voile pendant 6 ans. Rien à voir avec un Jaune traditionnel. Avant tout un vin blanc « cuvé », avec cette sensation tannique si particulière ! Et une jolie couleur orangée. Fin et complexe, immensément bon.

     

     

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    Savagnin surmaturé

     

    -      Arbois Solstice 2003, Domaine de la Tournelle, Evelyne et Pascal Clairet : un savagnin ouillé en surmaturation, vinifié en principe en sec. En 2003, il reste 42g de sucre résiduel, du fait de la richesse du millésime. Pourtant, il goûte sec, ayant commencé à manger les sucres qui lui restent. Equilibre entre deux, lié au millésime, pas complètement convaincant.

     

    Savagnins avec sucres résiduels

     

    -      L'école Buissonnière 2008, La Maison de Rose, Vin de Table : vendange tardive de Savagnin à l'équilibre demi-sec plutôt aérien. La robe est très claire, l'acidulé bien développé. Un vin séducteur, de pur plaisir.

     

    -      Arbois-Pupillin 2007 L'ivresse de Noé, Philippe Bornard : vendange tardive de novembre à l'équilibre demi-sec léger, avec une pointe d'acidité.

     

    -      Arbois-Pupillin 1998, Philippe Bornard : une bouteille de derrière les fagots, vendange tardive de savagnin élevée sous voile pendant 8 ans et jamais commercialisée. Un équilibre irréel et improbable, entre sucre et oxydation. Le nez est complexe, sur la croûte de fromage et les raisins de Corinthe. Bouche arrondie par l'alcool, oxydative mais bien en place.

     

    -      Arbois Mélodie 2004, Stéphane Tissot : Savagnin de glace récolté en 2004, au mois de décembre, par -11°C. Une véritable curiosité à découvrir, que j'ai la chance de suivre depuis son berceau. L'évolution est à la hauteur de ce que j'ai pu goûter dans sa jeunesse. On y retrouve de subtiles notes de clou de girofle qui ponctuent un équilibre magique, sur la tension acidulée.

     

    -      SulQ 2002, Jean-François Ganevat, Vin de Table : sélection de Grains Nobles de Savagnin récoltés en décembre 2002. Les millésimes récents ont été réalisés en assemblage avec des vieux cépages oubliés et ne sont donc plus un vin de pur savagnin. Une bouteille collector, un liquoreux ultra-concentré réservé aux gourmands, qui sait préserver son petit coin de fraîcheur. Exceptionnel!

     

    Savagnins avec bulles

     

    -      Ça va bien, Philippe Bornard : pétillant naturel à base de savagnin, des bulles acidulées pour se refaire le palais. Festif, sur des notes de pomme et d'épices, avec un côté très rafraichissant. Ben oui, après ça, ça va bien.

     

     

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    Voilà pour un aperçu volontairement sélectif, mais que j'espère représentatif des potentialités et de la valeur du Savagnin, un cépage à découvrir sans restriction ni modération.

    Un grand merci aux vignerons sollicités, qui ont tous répondu présent avec générosité, ainsi qu'à Laurent Probst, de Vins-confédérés pour sa contribution courageuse autant que désintéressée, et au CIVJ, pour avoir gracieusement fourni toute une documentation à l'intention des participants. Quelques bouteilles proviennent également de ma cave personnelle, soit parce qu'elles étaient épuisées au domaine, soit parce que je n'ai pas eu la possibilité matérielle de passer récupérer auprès des vignerons les échantillons promis.

     

     

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    Crédit photo: Escapades

    Olif

     

  • REVEVIN 2010: Le Savagnin dans tous ses états, préambule

    Lorsque Philippe RAPITEAU, the Pipette man, m'a demandé d'animer la première journée, consacrée au Jura, lors des 7èmes REncontres VEndéennes autour du VIN, à Saint-Jean de Monts, j'ai dit oui. Comme ça, bêtement, sans réfléchir. Mais qu'allions-nous bien pouvoir faire goûter à tous ces Revevineurs vendéens, à part du vin du Jura? L'idée de départ de cette dégustation vient en fait d'une réminiscence d'un ancien article de la revue belge In Vino Veritas, écrit par Marc Vanhellemont et intitulé déjà « Le savagnin dans tous ses états ».  Je lui ai piqué son concept et son titre sans vergogne, mais avec son assentiment. Merci à lui.

     

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    Le savagnin, cépage typiquement jurassien, fait partie des grands incompris. Il n'y a qu'à voir le geste de dédain du soi-disant amateur lorsqu'on lui tend un verre. « Pouah ! » fait-il avec une moue de dédain (« est-ce que j'ai une gueule à aimer la noix ? »). Preuve d'une totale et abyssale méconnaissance du vin et du cépage qui, s'il sert bien à élaborer le Vin jaune, ne possède aucune note variétale de noix ou de curry. Non, le jus du savagnin fleure bon les agrumes, le citron, l'ananas parfois, la mangue. Ses arômes de noix, d'épices, de curry, il les acquiert éventuellement avec l'âge, selon son mode de vinification, avec ou sans ouillage. Sa remarquable structure acide lui permet de rivaliser sans problème avec le chenin angevin ou le riesling alsacien et d'élaborer tous types de vins, du plus sec au plus liquoreux, en passant par le vin de voile ou encore le surmaturé sec.

    Vieux de la vieille dans le Jura, il est pourtant probable qu'il vienne d'ailleurs. Peut-être même bien d'Allemagne, du temps où la Franche-Comté appartenait au grand Empire germanique. Cultivé également à Tramin, au nord de l'Italie, il en a rapporté son nom de « traminer ».

    D'un point de vue ampélographique, il se reconnaît à ses feuilles aux lobes arrondis et à ses grappes petites et compactes aux grains oblongs. Et puis, il y a sa couleur. Ou plutôt ses couleurs, qui correspondent à différentes variétés parfois très proches : blanc, jaune, rose, vert ou gros vert, des variétés totalement martiennes. Le savagnin se complait sur les marnes du Lias, bleues, grises ou blanches, parfois schisteuses (marnes feuilletées). Son rendement maximum oscille entre 30 et 45 hl/ha.

     

     

    Traditionnellement vinifié de manière oxydative, sans ouillage des barriques, il donne naissance au Vin jaune, le fleuron de la viticulture jurassienne. Abhorré ou adulé, ce Vin jaune trouve à Château Chalon son terroir d'exception que certains voudraient élever au rang de Grand cru. Lorsque le voile peine à se développer, et pour répondre à une demande locale très forte sur ces arômes oxydatifs soi-disant typés, le Savagnin finit en bouteille sans parvenir au statut de Jaune. Il donne alors un simple vin blanc, loin d'être inintéressant, pourtant. Faut y goûter !

    Phénomène de mode actuel, mais utilisé par certains de longue date, l'ouillage des pièces de savagnin donne naissance à un vin totalement différent, non dénué de profondeur, qui exprime le fruit du raisin sur une trame profonde et une grande colonne vertébrale acide. L'ouillage long est un élevage particulier qui donne naissance à des vins à la dimension exceptionnelle, dans un registre différent de celui du Vin jaune.

    Cépage tardif à grande acidité, le Savagnin se prête fort bien à la surmaturité et à la vendange tardive, y compris la sélection de grains nobles. La grande concentration lui sied même à merveille.

     

    Toutes ces facettes, et même encore d'autres, ont été découvertes au fil de la dégustation organisée à Saint-Jean de Monts, dans le cadre des REVEVIN 2010. Un panorama volontairement sélectif et limité à une certaine forme d'excellence, en espérant qu'elle ait été au rendez-vous.

     

     

    Vins et commentaires personnels à suivre, mais le grand escapadeur a déjà frappé...

     

    Olif

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Des tulipes plein la tête...

     

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    L'abbaye de Marbach se situe un peu plus au nord que celle de Murbach, au pied du Grand Ballon de Guebwiller. Il est probable que, dans des temps immémoriaux, il en existait une troisième, à Morbach, au pied du Mont de Vénus, avant qu'il ne soit rasé et prenne le nom de Sainte-Odile. L'ancienne abbaye  de Marbach, entre Husseren-les-Châteaux (3 mais en fait 5, finalement "les", comprend qui peut!) et Obermorschwir, s'est transformée, le temps d'un week-end, en temple des vins natures, grâce à l'abnégation de 4 vignerons alsaciens épris de liberté (Jean-Pierre Frick, Christian Binner, Bruno Schueller et Patrick Meyer). Un lieu de méditation où les cierges ont eu tendance à brûler par les deux bouts, surtout après envahissement par une horde de boit-sans-soif avides de naturel. Cette biennale, inaugurée il y a deux ans chez Christian Binner, a vu plus grand cette année, avec le soutien total et indéfectible de l'AVN, l'association qui donne du plaisir là où il y a à boire du bon vin naturel, en se délocalisant dans un lieu vaste et idyllique, perdu au milieu de nulle part, où l'on pouvait entendre s'ouvrir, librement et sans contrainte, aussi bien une douzaine d'huitres de Blainville, élevées en pleine mer par Cyril Hess, que deux douzaines de bouteilles d'Edelzwicker 2009 100% nature de Bruno Schueller.

    Arrivés à l'heure du repas le samedi, c'est à table qu'il fallait se rendre, la majorité des vignerons- exposants ayant déserté leur stand pour la cantine.

     

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    Du blanc avec les huîtres pour débuter, donc, mais aussi du rouge, de manière improvisée. Un verre de Cornas 1999 sans soufre de Thierry Allemand, ça ne se refuse pas. Il fallait juste se trouver au bon endroit, au bon moment. Et tant pis si ça ne s'accorde pas avec les huîtres.

    Une fois rassasiés, c'est le début de l'immersion complète en milieu peu ou pas sulfité. Des vins libres loin d'être tous sauvages, contrairement à bien des idées reçues.

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    Libres, les vins d'Estelle et Cyrille Bongiraud! Qui d'ailleurs a dit que les vins serbes étaient acerbes? Pas ceux de la Fransuska vinaria, en tout cas. Un véritable bain de jouvence et une aventure humaine de tout premier plan, pour ces Bourguignons enthousiastes et communicatifs, volontairement expatriés dans les Balkans, à la recherche d'un vignoble perdu et en quête d'excellence. De par l'originalité des vieux cépages locaux aux noms imprononçables et la qualité d'une belle variante épicée de Gamay, voilà une vraie belle découverte.

    Libres aussi, les vins de la Grapperie, de Renaud Guettier. Majoritairement Chenin ou Aunis du Vendômois. Le flash angevin du début d'année s'est concrétisé en Alsace. Avec un gros coup de cœur pour Adonis 2008, un Côteau du Loir qui ne s'endort pas sur son brin de laurier. 100% Pineau d'Aunis, j'adore Adonis. Pas eu la possibilité d'en emporter quelques échantillons, le vigneron ayant joué les prolongations à la cantine le dimanche après-midi.

    On ne peut plus libérés, les vins du Matin Calme ou encore ceux de Patrick Meyer, encore fatigué de son rôle de serveur la veille, ce qui nous a valu la chance de bénéficier du sourire de Mireille lors de la présentation des vins du domaine. Encore meilleur, je dirais!

    Totalement débridés, les vins d'Alsace de Bruno Schueller, dont un splendide Riesling Pfersigberg 2007 et un remarquable Gewurtztraminer VT qui vous ferait presque adorer le cépage de manière inconditionnelle.

    Complètement free, les Minervois de Jean-Baptiste Sénat, que Charlotte se désespérait de vendre aux mangeurs de choucroute. Changer l'Aude en vin, c'est bien, mais en bière, c'est plus difficile!

    Bien loin de la prison soufrée, les vins de Gilles et Catherine Vergé, aériens, minéraux et digestes. T'inquiètes M'man, continue de lui souffler  à l'oreille son Jean-Marie de fils qui vogue joliment de ses propres ailes en Beaujolais, avec cette cuvée également libérée de toute contrainte soufrée.

    Et puis également tant d'autres, libres comme l'air, à l'image de leurs géniteurs: René Mosse, Evelyne et Pascal Clairet, Emile Hérédia, Philippe Valette, Frédéric Gounand, Dominique Derain, Loïc Roure, Jean-Louis Tribouley...

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    Le soir, c'était la piste à l'étoilé, les jardins de la terre sous chapiteau. Thierry Schwartz, du Bistro des Saveurs d'Obernai, avait concocté un giga menu gastronomique pour 300 couverts, servi efficacement par des occasionnels, bénévoles ou co-organisateurs, drivés à la baguette par la maitresse de maison et de tente pour l'occasion. Avant quelques averses au dessus de la toile, ce sont les vignerons qui ont rincé en dessous, dans une ambiance de Paulée murisaltienne, en plus libérée et plus nature. Les bouteilles ont circulé sur les tables, certaines planquées par dessous, et il fallait jouer du coude pour se procurer un soupçon de Cornas 2006 Chaillots de Thierry Allemand ou une larme de Pfersigberg cuvée H 2001 de Bruno Schueller. Sur l'assiette, l'huitre en deux services, iodée et végétale, épata. La Rouge de Heiligenstein cuite en croûte de sel m'a fait oublier que, d'une manière générale, je n'aime guère la betterave. Le spaghetti de veau se les roulait façon Kebab. Le cake à la carotte fut un régal, trempé dans le caramel au beurre salé. Joli menu, en vérité, véritable prouesse technique à servir à temps pour autant de convives, magnifiquement agrémenté des meilleurs vins qui vont avec.

    Le genre de salon qui vous fait briller les pupilles, reluire les papilles ... et pousser des tulipes plein la tête.

     

     

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    Olif
  • Bois du gras !

    Le gras, ça se mange, mais ça se boit aussi. Avec délectation quand, dans un vin, les larmes adhèrent le long du verre.

     

    « J'aime pas le jambon, j'aime que la couenne,

    J'en coince un bout entre mes dents,

    Je tire dessus, c'est amusant.

    J'mets même du beurre dans ma tisane

    C'est un bonheur d'en mettre autant

    Le gras ça flotte, c'est élégant.


    Mets du gras,

    Etale-z-en bien, mets-en par là,

    Du bon gras,

    Plus il y en a, plus c'est la joie !»

     

    Ce cultissime hymne au bon gras, sur un air disco, on le doit à une erreur de jeunesse des Fatals Picards, bien avant qu'ils ne succombent aux sirènes de l'Eurovision. Il m'arrive de l'écouter parfois en boucle pour me réconforter, lorsque, dans des moments de  grande déprime existentielle, je tartine, en triple couche, saindoux, graisse de canard et beurre de cacahuète, sur une grosse tranche de pain de campagne, trempée avec volupté dans un verre dans un verre de Bourgogne blanc vinifié à l'ancienne, aux bons arômes de beurre (et de noisette).

     

    Côté cuisine, on dit d'un poisson qu'il est meunière lorsqu'il s'est noyé dans le beurre. Et d'un meunier (ou tout autre espèce d'individu) qu'il est beurré lorsqu'il s'est noyé dans la boisson. En matière de glougloutologie, on dit d'un vin qu'il est beurré lorsqu'il a du gras. Non pas quand on a laissé tombé un morceau de couenne de jambon dans son verre, mais lorsque sa texture est onctueuse, parfois carrément huileuse, comme une peau de poulette brésilienne enduite de graisse à traire autobronzante et bien rôtie sous le soleil d'Acapulco. Cette onctuosité, le vin la tient notamment du glycérol, un tri-alcool contribuant également à l'élaboration des lipides. Les lipides sont des corps gras qui donnent à l'homme son intelligence. Sans eux, point de matière grise, donc point de cerveau . Au vin, ils donnent de la cuisse et, parfois, à la femme, aussi. On appelle alors ça une culotte de cheval.

     

     

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    Le plus célèbre des glycérols s'appelle glycérine. La glycérine est parfois utilisée pour lubrifier. À dose modérée, toutefois. Ni trop, car ça peut tout faire péter. Quand ce n'est pas laxatif. De là à augmenter sa consommation de vins gras à visée exonérante, il y a une fosse qui me laisse complètement sceptique.

    A l'instar de Tonton Georges, les bons vivants plébiscitent souvent les vins enrobés, à beaucoup plus de cent sous l'unité. Ils ne se sentent pas trop concernés par les squelettes. Ils aiment mater de la grosse cuisse qui glisse le long des parois du verre. Ils la liposucent avec délectation, faisant circuler le gras liquide tout autour de leur palais, des gencives au voile, en passant par les amygdales. Et ça fait des grands slurps ! Et ça fait des grands slurps! Comme quand on boit, à même l'assiette, une bonne sou-soupe bien grasse. Ce gras, c'est la richesse et l'opulence, le symbole d'une existence pléthorique au cours de laquelle il ne fait pas bon boire maigre, sauf pour celles qui cherchent à faire fortune dans le mannequinat de compétition. Il arrive aussi, comme chez Elite, que des vins trop maigres se suicident dans l'évier. Les vins gras, non. Eux, ils resteraient coincés dans le siphon. D'ailleurs, il leur arrive également de bloquer au niveau des amygdales chez certains dégustateurs amateurs d'épure et de vins minéraux. Il en faut pour tous les goûts œnophiles !

     

    Oncle Olif

     

    P.S. : certains esprits cartésiens mal tournés soutiennent que la cuisse du vin ne vient pas du gras, mais de la richesse en alcool, qui modifie la tension superficielle des liquides. Ça me chagrine quelque peu car cela nuit à la clarté de mon texte. Nous les mépriserons, donc.

     

    P.S.2: Billet écrit pour Fureur des Vivres en mai 2010

  • Bois du gras!

    Le gras, ça se mange, mais ça se boit aussi. Avec délectation quand, dans un vin, les larmes adhèrent le long du verre.

     

    « J'aime pas le jambon, j'aime que la couenne,

    J'en coince un bout entre mes dents,

    Je tire dessus, c'est amusant.

    J'mets même du beurre dans ma tisane

    C'est un bonheur d'en mettre autant

    Le gras ça flotte, c'est élégant.

     

    Mets du gras,

    Etale-z-en bien, mets-en par là,

    Du bon gras,

    Plus il y en a, plus c'est la joie !»


     

     

    Ce cultissime hymne au bon gras, sur un air disco, on le doit à une erreur de jeunesse des Fatals Picards, bien avant qu'ils ne succombent aux sirènes de l'Eurovision. Il m'arrive de l'écouter parfois en boucle pour me réconforter, lorsque, dans des moments de  grande déprime existentielle, je tartine, en triple couche, saindoux, graisse de canard et beurre de cacahuète, sur une grosse tranche de pain de campagne que je n'hésite pas à tremper dans un verre de Bourgogne blanc vinifié à l'ancienne, aux bons  arômes de beurre (et de noisette).

     

     

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    La suite, c'est sur Fureur des vivres!

     

    Olif