Créé ex nihilo en 1973 par Éloi Dürrbach, au sein de la propriété acquise par son père René la décennie précédente, le domaine de Trévallon fut l'un des premiers à révéler le grand potentiel du terroir des Baux de Provence, à partir de 1976, à l'époque VDQS. Tout le monde il est Baux, mais tout le monde il n'est pas forcément gentil, puisque, lorsqu'il s'est agi de définir les critères qualitatifs pour la création de l'AOC des Baux de Provence en 1993, le cabernet sauvignon s'est vu limité à 30% de l'encépagement global. Or la principale caractéristique des vins de Trévallon, dès son origine, fut d'être un assemblage original de cabernet sauvignon et syrah, une complémentarité idéale sur ce terroir froid des Alpilles. Replié en Vin de pays des Bouches du Rhône, Éloi Dürrbach a ravalé sa fierté et continué à faire du Trévallon, le vin de pays qui en bouche un coin et pas que du Rhône. Apprécié par Aubert de Villaine et colporté aux papilles de Kermit Lynch, Trévallon a conquis le monde international du vin en étant finalement "découvert" et apprécié par Robert Parker Jr, le critique-faiseur de grands vins de ce monde, et ce dès le millésime 82. Ce "petit" vin de pays fait désormais partie des grands et Trévallon vend depuis longtemps sa marque et non plus son appellation. À la différence des grands vins bordelais, qui étendent leur superficie chaque fois qu'il est possible, il s'agit ici d'un vrai vin de terroir, pourtant pas décidé à s'en laisser conter par la loi du marché. Éloi Dürrbach n'a pas pour autant pris la grosse tête, ses prix sont resté sages, à leur bon niveau, et sa religion ne lui interdit pas de prendre un vol Marseille-Nantes pour un aller-retour express à Saint-Jean de Monts, sous le patio du Chai Carlina, à l'invitation d'un tandem pipetto-carlinesque.
Une telle verticale, beaucoup en rêvent encore, nous l'avons faite. En présence d'Éloi Dürrbach, ce qui n'est pas rien. Un moment comme seuls les REVEVIN peuvent en apporter, à inscrire au firmament des plus belles dégustations de ce monde. La quasi intégralité du troisième millénaire, à l'exception de 2002, qui n'a jamais été produit ici, au vu des conditions climatiques catastrophiques vécues en Rhône Sud. Faire l'impasse sur un millésime en dessous de tout, il n'y a pas beaucoup d'endroits en France où l'on peut envisager ça!
- Blanc 2009 :
Robe jaune pâle, nez de fruits jaunes bien mûrs, avec une touche anisée de fenouil. Du gras et de l'onctuosité commencent à apparaître, soulignant la richesse et le potentiel de ce vin pour l'instant pourvu d'une exceptionnelle fraicheur. C'est superbe, déjà très bon, mais au vu des deux bouteilles qui vont suivre, il faut impérativement l'attendre pour en apprécier toute la complexité.
- Blanc 2005 :
La robe se fait or, le nez est finement grillé, épicé et anisé, laissant finalement apparaître des fragrances de truffe blanche. La marsanne libère ce qu'elle a de meilleur avec l'âge. La bouche est remarquable de finesse et de précision, caresse le palais par sa rondeur patinée, envoûte, et rend heureux. Un vin magnifique, encore dans les limbes.
- Blanc 2000 :
L'or se patine, les arômes s'épanouissent. Pain grillé, truffe blanche, eau de vie de framboise et salinité finale. La fraîcheur est au rendez-vous, témoignant de l'équilibre parfait, en dépit du caractère potentiellement alcooleux du cépage. Cela m'évoque avec bonheur les magnifiques marsannes de Marie-Thérèse Chappaz, en Valais.
- Rouge 2008 :
Une année de mildiou, avec petite récolte. Le nez est plutôt léger, frais et fruité, avec une pointe végétale qui ressort dans le fond du verre. La relative souplesse des tanins et la fraicheur avenante en font un vin probablement destiné à une consommation plus rapide que les millésimes antérieurs.
- Rouge 2007 :
Robe soutenue, nez intense, de menthe poivrée et de tapenade, la syrah prend le dessus sur les arômes. La bouche possède une grande qualité de tanins, fins et encore serrés, avec de la longueur et un sentiment de plénitude. Un des plus grands millésimes récents, qui ne devrait délivrer tout son potentiel que dans de longues années.
- Rouge 2006 :
Nez complexe et riche, avec des nuances chocolatées sur des fruits noirs et un soupçon de végétal pour la fraicheur. Les tanins sont encore fermes, mais bien mûrs augurant d'une belle longévité. Le vin se goûte encore actuellement sur une certaine austérité, très cabernet.
- Rouge 2005 :
Nez de garrigue, de thym, de tabac à pipe et de figue. Complexe, long, bâti avec un superbe équilibre, c'est un très grand vin en devenir.
- Rouge 2004 :
Le nez est très ouvert, avec des notes mentholées qui prédominent, apportant une grande fraicheur. En bouche, les tanins sont un peu fermes, empreints d'une relative dureté. Il reflète courageusement son millésime et semble un cran en dessous des précédents.
- Rouge 2003 :
Le nez est champignonneux, un peu liégeux, en relation avec un échantillon défectueux. Difficile pourtant de le rejeter complètement, et la tentation de le porter en bouche est grande. Il y a de la fraicheur, pas forcément évidente en ce millésime, et des tanins plutôt souples et fins, ce qui fait d'autant plus regretter le caractère pas net du nez.
- Rouge 2001 :
2 mois de mistral, apparu le 15 août, ont eu tendance à confire les raisins. Le nez est magnifique, sur la truffe, le chocolat et le menthol. En bouche, les tanins sont un peu fermes et secs, mais laissent ressortir une petite pointe alcooleuse finale.
- Rouge 2000 :
Un vin à point, sur des notes de poivre et de garrigue, aux tanins bien fondus mais impeccablement structurés. Il m'en reste en cave, il va falloir les boire.
- Rouge 1995 :
L'évolution est là, la robe vire à l'orangé, mais le vin est toujours debout, harmonieux et parfaitement fondu, exhalant la truffe, la garrigue et le cacao. Un moment de grâce longuement persistant, démontrant le grand potentiel des vins de Trévallon.
Non, c'est une évidence, nul n'est censé ignorer Éloi, dont le Trévallon a beaucoup plus fait pour la notoriété de l'appellation des beaux que pour celle des babouches du Rhône. Ça méritait bien le tapis rouge sous le patio du Chai Carlina.
Olif
P.S.: Pour une vision élargie de cette verticale, La Pipette relate la dégustation ici, et le passionné de la rive droite là, là et là.
P.S.2: ce n'est pas ce qu'on appelle réagir à chaud sur l'actualité, les REVEVIN étant terminées depuis deux mois maintenant, mais bon, ça, c'est fait quand même! Plus que 3 ou 4 comptes-rendus en retard!