De Lons à Montaigu, la dégu, la dégu!
Montaigu, Jura. Du haut de leur piton rocheux et du fond de leur cellier, les Chartreux ne sont pas très exposés aux traits d'arbalète, dont aucune ne pourrait être bandée suffisamment pour les atteindre, digue ou pas. C'est dans cette petite commune de la grande banlieue lédonienne, qui surplombe la préfecture du Jura, que la famille Pignier a élu domicile depuis 7 générations. Jean-Étienne, Antoine et Marie-Florence, seuls vignerons du village, possèdent une partie de leurs vignes sur les coteaux pentus de Montaigu (la digue, la digue), un environnement privilégié pour préserver l'intégrité des sols et des levures, grâce, entre autres, à un gros travail biodynamique, et l'autre partie sur le secteur de Perrigny et Conliège.
Le dynamisme, ce n'est pas ce qui manque à Jean-Étienne, d'ailleurs. Tout juste de retour de vendange de chardonnay à crémant, il repart direct à la vigne pour nous rapporter quelques grappes quasi mûres de différents cépages jurassiens typiques, ou pas. À défaut de goûter aux moûts, on tâtera du raisin! À table avec Jean-Étienne, avant que la majorité de ces raisins ne se retrouvent à table avec Léandre, du nom de la cuvée de rouge à l'ancienne à laquelle ils sont intégrés.
Argant, petit béclan, trousseau, trousseau à la dame, pinotin, gamay noir, enfariné, chardonnay en sélection clonale, chardonnay en sélection massale, melon à queue rouge, le Jura a bel et bien un grain et de jolies grappes.
Une fois pressés et mis en bouteilles, les raisins du domaine Pignier produisent également de bien jolies bouteilles. Le Poulsard En Chôné 2012 et le Trousseau Les Gauthières 2011, vinifiés sans sulfites ajoutés, en sont deux exemples probants. Désormais épuisés au domaine, pas de chance pour ceux qui n'y auront pas trempé les lèvres. À la Percenette, c'est du chardonnay parcellaire, issu d'un beau terroir de marnes schisteuses, situé sur Perrigny. La finesse et l'élégance d'un beau vin ouillé. Et puis, pour tous ceux qui sont un peu perdus quand ils goûtent un vin du Jura, GPS est fait pour eux. Encore un vin à l'ancienne, assemblage de Gamay blanc (du bête chardonnay local, en fait), de Savagnin et de Poulsard (vinifié en blanc, pour le coup), qui fait des ravages chez les aficionados. Un vrai bon vin d'antan, qui peut avantageusement remplacer la bouteille d'eau le soir au pied du lit.
À côté de cette gamme de vins résolument modernes, même s'ils ne sont jamais élaborés que selon des préceptes anciens (comme dans le temps, quoi!), le Jura "traditionnel" a toujours droit de cité. Du chardonnay au savagnin, jusqu'à l'incontournable Vin jaune, très réussi dans le millésime 2006, l'absence d'ouillage donne naissance à de beaux vins qui arborent fièrement sur le plastron la croisée d'ogives de la cave séculaire des pères Chartreux, dont la visite constitue l'un des temps forts du passage au domaine, et qui clôt généralement la dégustation.
Et puisqu'on parle de Vin jaune, c'est à Perrigny et Conliège que se déroulera la prochaine Percée du Vin jaune, les 1er et 2 février 2014. Avec pour présidente, Marie-Florence Pignier. Comme le monde du vin du Jura est petit, finalement!
Olif
P.S.: pour qui souhaiterait s'écarter un peu de la route du vignoble et piquer une tête dans le lac de Vouglans à la belle saison, une plaisante petite adresse à Plaisia, route d'Onoz: le Bistrot des Terrasses. Les terrasses, ce sont celles de Merlue, qui abritent également un grand gîte de groupe, idéal pour les 40 ans du cousin Léon, le baptême de la petite dernière ou encore l'enterrement de vie de garçon de Tata Yoyo après qu'elle ait fait son coming out. Cuisine du marché, produits prioritairement locaux, souvent bio, et carte des vins impeccable, faisant la part belle aux vignerons du coin, dont le domaine Pignier, justement, et Julien Labet, avec également de jolies incursions en Bourgogne voisine, par exemple chez Julien Guillot.