Immersion en Chambertin
Jeudi 14 novembre 2013, 16 heures. Hôtel Arts et Terroirs, Gevrey-Chambertin. Chambre Chambertin, tout un programme. Une fois le baluchon déposé, direction l'espace Chambertin. Prêter serment d'allégeance au roi Chambertin et à ses souverains. À la demande des vignerons du cru, le syndicat de Gevrey-Chambertin a décidé de faire bloc et scission pour présenter à la dégustation ses vins du millésime précédent, toujours en cours d'élevage, au mois de novembre et non pas au printemps de la même année, comme il est usuel pour satisfaire les besoins d'une critique lancée dans une course à l'éjaculation de commentaires de plus en plus précoces sous la pression du marché. Des vins qui se goûtent parfois mal à cette période printanière de l'année, souvent encore en cours de fermentation malolactique. D'où la décision de faire cavalier seul et de ne plus répondre aux attentes d'une presse en quête perpétuelle d'information primeur avant le reste du monde. Un cavalier seul à la date judicieusement choisie, puisque tombant à la veille des Trois Glorieuses bourguignonnes, à savoir le grand chapître du Clos Vougeot, la vente des Hospices de Beaune et la Paulée de Meursault. Et, accessoirement, tout juste une semaine avant la grande cérémonie du Beaujolais primeur, 2013 celui-là. L'occasion d'inviter une bonne partie du gratin journalistique effectuant en grandes pompes le déplacement burgonde dans la froidure de novembre, avec ou sans moustache prostatique de circonstance. Petite parenthèse ludique: on reconnait généralement la qualité de l'organe du grand dégustateur à la droiture de son jet en direction du crachoir. Les moins expérimentés, les plus vantards ou encore les véritables prostatiques ne se seraient sans doute pas privés d'éclabousser la face de leur petite stagiaire japonaise.
Cette grande dégustation parfaitement organisée fut l'occasion de croiser quelques camarades blogueurs d'envergure, Patrick Maclart et Emmanuel Delmas pour ne pas les nommer, de cracher dans le même tonneau que la fine fleur de la critique française, donc, et de découvrir en avant-première une grande partie de la production 2012 de la commune de Gevrey-Chambertin, du simple village au Grand cru.
Les alter égaux de Mimi, Fifi et Glouglou (©Michel Tolmer et Éditions de l'Épure) en dégustation à Gevrey-Chambertin
La première partie "dégustation" fut l'occasion d'appliquer la méthode "Maclart" pour ce type d'événement, à savoir commencer tranquillement par les Grands crus, avant que la foule n'arrive et se jette dessus. Pour prendre le temps de finir par les villages, en principe moins plébiscités par les amateurs de crus. Bon point. Qui a plutôt desservi le roi Chambertin et ses pairs, dont la course à la concentration et à la puissance a aidé à mettre en avant la finesse et la fraîcheur d'un certain nombre de villages. Une dégustation plutôt hétérogène dans un millésime plutôt réussi, jouant sur le fruité et la qualité des tanins. Que les différents styles de vinification gomment ou exacerbent, selon la volonté du vigneron et/ou de l'œnologue.
Parmi cette belle rangée de bouteilles, tirées généralement du fût, quelques belles découvertes personnelles, parmi un certain nombre de stars de l'appellation:
- le domaine Henri Richard, en bio, avec deux cuvées dont un Charmes-Chambertin pas poussiéreux pour un sou.
- Jérôme Galeyrand, bien pourvu en villages, et pour qui jouer au Billard sur la Croisette ne serait que Justice. Du fruit, de la fraîcheur et un joli grain de tanins sur les trois cuvées. Le pinot noir dans toute sa finesse et sa splendeur!
- Alain Burguet, dont la cuvée "Symphonie" a fait partie de "Mes favorites", et vice et versa. Deux vins de franche et bonne expression, laissant la part belle au fruit.
- Arnaud Mortet, qu'on ne présente plus, s'est fait un prénom en apportant finesse, fraîcheur et élégance aux vins très réputés du domaine Denis Mortet. Tous ses 2012 sont d'une classe folle!
Une dégustation d'une telle envergure ne serait rien sans le repas qui suit. Concocté par Thomas Collomb, chef de la Maison des Cariatides à Dijon et, bientôt, de la fameuse Rôtisserie du Chambertin, en léthargie complète depuis plusieurs années. Grâce à lui, Gevrey devrait enfin retrouver un chef à la hauteur de son Roi.
Un repas sur le principe de la Paulée de Meursault, avec des bouteilles qui virevoltent de table en table. Consigne théorique: le millésime 2002, que bon nombre de vignerons se feront un plaisir de transgresser, en apportant des millésimes parfois plus anciens. Comme cet épatant Latricières-Chambertin 98 du domaine Louis Rémy, mes sympathiques voisins de tablée.
Déguster Chambertin, boire Chambertin, manger Chambertin, dormir Chambertin, vivre Chambertin, une sacrée immersion! Cette très belle manifestation fut parfaitement organisée et relayée par Fabienne Ballorin, à la casquette d'attachée de presse pour la circonstance. La prochaine fois, comme les meilleurs, je mettrai mon plus beau chapeau et je prendrai une petite stagiaire, japonaise de préférence.
Olif
P.S.: rien à voir, mais les 30 novembre et 1er décembre, c'est Plappevignes. Du vin et des quiches! Et deux ou trois bouquins, aussi. Le salon du Grand Est à ne pas manquer!
P.S.2: pour ceux qui ne seraient pas du coin de la Lorraine, il leur restera la Touraine. Pas de quiches au menu, mais une bonne partie des meilleurs vignerons bios du coin. Les Vins du Coin, c'est dans le coin de Blois que ça se passe et c'est le salon du Grand Centre à ne pas manquer!
Commentaires
Cracher à l'unisson, ça a parfois du bon… Quant au chapeau, encore faut-il bien le porter ! (et je m'y connais un peu ;-)) Il me semble avoir visité une chambre "Chambertin" à Beaune où un robinet était directement relié à un fût de vin. Ou alors, j'ai dû le rêver...
Cher Olivier,
Quel moment de partage, de sympathie et d'échanges. En effet, ma méthode consiste à déguster les grands crus d'abord pour une raison simple. La foule arrive en général vers 17 h ou 17 h 30, surtout pour se montrer et vu qu'il y a souper en jeu, tant qu'à faire...
Ce qui me fait toujours plaisir, c'est que les notes de dégustation ne correspondent pas toujours. Ce qui me laisse à réflexion. Y aurait-il plus d'idées dans la tête de deux blogueurs plutôt que dans une seule ? C'est d'ailleurs cette réflexion fort ancienne qui a créé le corps des gendarmes à cheval.
Mon article est en cours mais voyez-vous Docteur, je suis atteint d'une rhino-pharyngite virale et virulente, qui me coupe les pattes et SURTOUT l'esprit. J'aime bien écrire sans mon gorille et sans brume.
Merci de ta simplicité, de ta qualité d'écoute, mais SURTOUT ton manque total de suffisance et de prétention.
En ce qui me concerne, j'irai pour l'année prochaine chercher ma stagiaire à Kuala Lumpur, juste pour créer Malaise ça ou là...
Amitiés l'ami.
Pat
Plappevignes, j'y serai ;-)
Alors à tantôt, Coco!