Breizh-moi encore, plus fort! Aaah! Oh! oui, la Bretagne toute entière, on l'aime. Avec ses autoroutes gratuites, son odeur de lisier dès qu'on y entre, puis celle des embruns au fur et à mesure qu'on se rapproche de la mer, son beurre salé parfois bien pimenté, ses galettes de sarrazin, sa bière de froment, ses chapeaux ronds et ses bonnets rouges, ses petites pointes ou ses gros caps, ses huîtres et ses petites maisons de pierre, ses réserves ornithologiques et ses guaneiges éternelles.

Et Vini Circus, son festival des vins natures, qui justifie à lui seul le déplacement.

Douzième édition du grand barnum breton des vins naturels, dans la cambrousse entre Rennes et Saint-Malo, la deuxième de la nouvelle formule dans le gymnase de Guipel, qui revêt alors ses plus beaux atours pour l'occasion, à tel point que le sportif moyen en fait trois fois le tour avant de trouver quelque chose qui ressemble à une entrée de vestiaire transformé en régie et réaliser que le terrain de hand-ball est impraticable. Pour fêter l'évènement, ce ne sont pas moins de 80 vigneron(ne)s qui ont été convoqués à ce grand raoût printanier, que beaucoup ne manqueraient pour rien au monde. Parmi eux, un certain nombre de Tronches de vin, ça tombe bien, le tome 2 vient tout juste de sortir. Et puis des métiers de bouche, des artistes, dont Célestine, une voyante pas très lucide, mais extra quand même, dont la mission n'était pas de prédire le succès du salon, il était garanti d'avance.

Tu n'as jamais fait de consultation de voyance avec Célestine et sa belle robe rose, dans l'intimité de sa petite roulotte rouge, avec sa grosse bouboule de cristal bourrée d'effets spéciaux? Non mais allo, quoi! C'est trop dur de vivre sans savoir ce que la vie nous réserve à Vini Circus! Alors Célestine m'a prédit mon avenir, les yeux dans les yeux. Elle m'a confié que j'allais goûter à d'excellents vins natures, faits par des vignerons qui vinicausent bien. Elle m'a assuré que j'allais vendre des dizaines de milliers d'exemplaires de Tronches de vin, le guide des vins qu'ont d'la gueule (elle s'est à peine trompée de deux ou trois zéros, c'est à dire trois fois rien, visez la performance!). Elle m'a assuré que Ryota finirait de sculpter sa barrique dans les temps et que le nouvel emblème figurerait sur la scène du dimanche soir, au côté de Bob, chanteur pas mort, punk sans chien, réincarnation énervée et à crête du Renaud d'Hexagone. Mais pas que.

Il avait juré qu'il ne la chanterait plus, mais les organisateurs la lui ont réclamée. Ducon le vigneron, véritable hymne à ce que la viticulture sait produire de plus néfaste, même s'il n'y en avait pas beaucoup dans le public.

Les vignerons qui viennent à Vini Circus, en plus de faire du vin et d'en boire, vinicausent plutôt bien.

Crédit photo Eva Robineau

Les Vinicauseries, conférences pédagogiques et échangistes, ont réuni à deux reprises des tronches de vin. L'un d'entre eux à même bissé les séances, pour le seul plaisir de boire des bières, coiffé de son chapeau rond sous le soleil breton, celui qui te chauffe la nuque sans crier gare du fait d'un petit air océanique plutôt bienvenu lorsqu'il n'est pas trop chargé d'embruns, l'idéal pour refaire le monde viti-vinicole, un verre à la main.

En marge de Vini Circus, Bécherel ta mère, cité du livre et de la cave d'Élodie*, organisait à la Maison du livre une exposition autour d'Étienne Davodeau, que nul n'était censé ignorer. 

(* la cave d'Élodie à Bécherel, le seul endroit au monde où tu peux acheter du vin, déguster, boire, manger des huîtres ou gerber, selon ton envie du moment et le bon vouloir du tenancier. Un endroit adorable!)

Mais il ne faudrait pas oublier l'essentiel. Boire un coup est sans doute la chose la plus importante, mais aussi la plus facile à faire à Vini Circus. Du moment qu'on a un verre.

Chez Vincent Balansa, à La Boria, on n'est pas des petits joueurs. Mention particulière à Felhuns, un blanc macéré oxydatif à l'élevage non classique et un poil compliqué, mais c'est drôlement bon.

Du côté de chez Mylène Bru, on pratique aussi la voyance et les commandes par téléphone. Tout vu, tout bu, tout téléphoné!

Aurélien Petit, du petit domaine., et Vincent Wallard, deux tronches totalement en phase, qui, lorsqu'elles ne vinicausent pas, mangent des desserts, boivent des bières ou des cafés. Leurs vins respectifs sont plus que très bons, ce qui ne gâte rien.

La face A d'Olivier B., une comm' totalement irréfléchie pour quelqu'un qui ne veut se voir en photo que de profil stylisé. Fallait pas autant vinicauser, Olivier!

Milan rosé sans soufre versus Pom'n'roll 2013 de Gombaude-Guillot, le match est cependant très ouvert. Mais Théophile Milan, beau joueur, s'incline devant la très grande classe du Pomerol rock'n'roll de Claire Laval.

En off de Vinicircus, Laurence Escavi faisait goûter sous le manteau son Clos des Calades relooké. Pic-Têtu et les Strates ont fait leur effet, de quoi s'en caler un bon bout.

Et tout ça sous l'œil bienveillant de l'organisation, même quand elle a un petit coup de mou de milieu d'après-midi.

Vini Circus? Le plus beau festival breton de vin nature du monde. Et c'est pour ça qu'on l'aime autant!