Le printemps champenois est encore arrivé. #ChampagneWeek et même plus, avec pléthore de salons et d'animations autour des champagnes de vignerons, drainant une foule toujours plus importante d'importateurs, de sommeliers et de journalistes, majoritairement étrangers, la crème de la sommellerie parisienne et l'intelligentsia de la critique vinique française préférant l'intimité et le confort d'un salon de grande maison pour y déguster les yeux fermés et le petit doigt en l'air des cuvées hors de prix le plus souvent surfaites, mais qui valent leur pesant de revenus publicitaires. Sans doute une des explications au fait que la majorité des meilleurs champagnes de vignerons (des meilleurs champagnes tout court?) échappe aux palais français, en étant exportés à plus de 85% pour certains.

Précurseurs de ce mouvement qui a pris une grande ampleur, les vignerons de Terres et Vins de Champagne ont investi le Palais du Tau à Reims pour répondre à une demande d'inscriptions de plus en plus forte. Une décision qui s'imposait, tôt ou tard...

Le before du before

Aux origines était le champagne. Dans le cadre cosy du château de Pierry, 10 vignerons originaux, dont deux vigneronnes, présentaient pour la deuxième année leur production. Les vins clairs se goûtent à l'entrée, terroir par terroir, une dégustation supervisée par  ,sympathique et compétente sommelière/œnologue. Avantage: une vision plus synthétique des jus de l'année, avant de coincer la bulle, permettant également de repérer les différents styles. Mention particulière aux 2014 de Jérôme Bourgeois, ainsi qu'à 2 pinots noirs de Florence Duchêne, vinifiés en rouge, l'un en cuve, l'autre en fût, au caractère bien trempé et les 2 d'une belle gourmandise, l'idéal pour accompagner le délicieux pâté en croûte proposé en en-cas.

Côté bulles et vins finis, la déclinaison de la Rue des Noyers de Benoît Déhu impressionne toujours autant. 1 blanc tranquille, 1 rouge, 1 bulle, 3 raisons de boire du meunier. Avec modération évidemment, puisque la production est minuscule. Jolis champagnes chez Bourgeois-Diaz, évidemment (c'est une Tronche de vin), Vauversin (qui a entamé une conversion en bio avec la nouvelle génération) et chez Grumier, pour ceux que j'ai pu goûter.

Le before au Phare

Coutumiers des before très forts, les vignerons de Terres et vins de Champagne ont cette fois fait très phare en laissant carte blanche aux vignerons de l'Aube pour organiser, en marge du salon de la bière de Verzenay, une conférence de géomorphologie des terroirs aubois pour les Nuls au Phare, une lueur sur le vignoble de la montagne de Reims, due à l'excentricité d'un négociant au début du XXème siècle. Complètement réhabilité, à l'abri des vagues, il abrite désormais un écomusée de la vigne, qui permet de prendre de la hauteur sur l'océan de vignes champenois.

Un point de vue qui a permis à Claude Kossura, fringant professeur de géomorphopédologie de 80 ans à peine, de s'exprimer au sujet de la côte des Bar et des craies de Montgueux et du Perthois. Limpide, même pour le néophyte, qui avait forcément quelque chose à apprendre, à défaut de réussir à l'examen.

Un grand moment mis en pratique dans le cadre d'une dégustation de terroirs avec accord fromages-vins d'anthologie qui fait particulièrement ressortir le fait que la gougère au chaource est une tuerie absolue, que c'est même pêché, mais particulièrement affectionnée par Olivier Horiot, dont les champagnes et rosés des Riceys s'accommodent à la perfection.

Ce before fut en outre l'occasion d'apprécier le travail de Baudouin photographe, qui a commis un cliché bien décalé sur chaque vigneron Terre et vins. Une véritable prouesse et un regard sur une Champagne qui sait ne pas se prendre au sérieux quand il s'agit de communiquer. Baudouin s'est vu remettre un mérité "Prix spécial du jury", pour tout le travail photographique et scénographique effectué, le prix Terres et vins de Champagne étant attribué cette année à 99 Champagne, le guide italien le plus complet sur le prosecco.

Le before de l'after

Place à Terres et vins, la manifestation phare, qui n'avait pas lieu au Phare, mais se tenait cette année au palais du Tau de Reims, juste à côté de la cathédrale. Cadre prestigieux, chargé d'histoire, qui a permis d'accueillir un plus grand nombre de visiteurs pour répondre à la demande de plus en plus forte pour ce salon. Une météo une nouvelle fois exceptionnelle pour bien profiter du lieu, une organisation parfaite, un peu rigide (mais une rigidité imposée par les gérants du palais) et des vins excellents ont assuré le succès de cette septième édition, devenue un élément incontournable du printemps champenois. 2014 a donné naissance à de jolis jus bien clairs qui devraient buller joyeusement d'ici quelques années.

Matinale, Mélanie Tarlant l'a été, ce lundi 20 avril. Tout autant qu'en 2003, pour la vendange de cette cuvée, canicule oblige. Résultat, un champagne qui reste frais et que l'on peut boire dès le matin au petit déjeuner.

Cyril Jeaunaux n'est maintenant plus un jeunot. Ce n'est pas non plus un chien de talus, évidemment. Ses champagnes de Talus-Saint-Prix, dans la vallée du Petit Morin, affluent de la Marne en rive gauche, où s'épanouit le pinot meunier, sont des vins rieurs, à l'image du vigneron, qui gagnent en pureté de millésime en millésime, depuis la mise en pratique de principes biodynamiques.

Une belle découverte que ces Houtrants de Jean-Baptiste Geoffroy, le premier millésime officiellement en bouteille. Une réserve perpétuelle d'un genre un peu particulier, assemblage de 2011 avec des magnums de millésimes plus anciens, remués régulièrement, qui seront remplacés au fur et à mesure par d'autres magnums plus récents.

Bravo aussi à Alexandre Chartogne, dont les vins sont aussi difficiles à trouver qu'à goûter, tellement il y en a peu. Le marchand de sables de Merfy n'engendre pas la mélancolie, ses vins non plus.SOn horizon est bien dégagé, ses Orizeaux aussi.

Mention particulière, parmi ce que j'ai pu (réussi à) goûter, à l'ADN de Montgueux et celui de Buxières de Vincent Couche, en version tranquille et à bulles, le gros travail biodynamique effectué à la vigne depuis 4 ans étant en train de porter tous ses fruits, au Mont Benoit d'Emmanuel Brochet, aux Rachais de Delphine Boulard et père (doit-on dire ainsi maintenant que Francis lorgne vers une retraite bien méritée?), aux 7 d'Aurélien Laherte, à Violaine de Benoît Lahaye, à l'arbane 2014 d'Olivier Horiot, une belle idée de ce que ce cépage oublié peut donner, avant d'être généralement assemblé pour la champagnisation. Comme dans BAM, de la Tarlant's connection.

L'après-midi, c'était soleil et chaise longue, donc pas eu le temps de tout goûter, forcément. Surtout qu'il fallait être en forme pour l'after. Mais c'est une autre histoire.

L'after de la manifestation phare

La remise des clefs du palais du Tau ne devant pas s'effectuer trop tard, l'after pu démarrer assez tôt, à la terrasse du Glue Pote, un établissement historique du vieux Reims, dont on sort généralement "reimssé"! Tous les étudiants rémois connaissent ce bar-brasserie où l'on boit un coup en terrasse aux beaux jours dans l'avenue piétonne, mais où l'on peut aussi se sustenter d'une bonne viande arrosée des meilleurs vins d'auteur de la région, voire d'un peu plus loin. Des "glou potes", il y en avait quelques-uns à la carte, comme cette Haye Dampierre 2013 d'Antoine Sanzay, qui n'a pas fait un pli face à l'onglet de bœuf à l'échalote, frites maison servies en cornet.

Mission accomplie avec ce champagne Savart, qui prouve définitivement, s'il en était besoin, que les vignerons de Terres et vins ne sont pas sectaires.