Le vin naturel fait péter. C'est ce que semble vouloir nous signifier le petit oiseau gracile et délicat qui siffle du cul au bord d'un verre, celui d'Hiraku, nouveau venu dans le paysage des salons viniques. De là à en déduire que les francs buveurs de l'AVN contribuent à augmenter l'émission des gaz à effet de serre, grevant ainsi le bilan carbone du vin naturel, il y a un pas de sept lieues que je me garderai bien de franchir, laissant naturellement aux grands spécialistes et analystes de la mondovinisation le soin d'extrapoler à outrance. 

Le vin naturel va tout faire péter. C'est le message de la deuxième édition, fort réussie, du salon Rue89 des vins naturels, qui s'est tenu à Lyon les 1er et 2 novembre. Manifestement. Et ce n'est pas Antonin Iommi-Amunategui qui dira innocemment le contraire, lui dont le petit livre rouge s'est arraché comme des petits pains. Natures, bien sûr.

Le vin naturel fait péter

Véritable festival, alliant vin et musique, dans le cadre festif du Moulin de Brainans, haut-lieu de la scène culturelle jurassienne, Hiraku a d'emblée marqué des points et les esprits. 100% pur jus, sans fausse note, même en soirée. La journée, les vignerons ont poussé les murs du moulin. Le soleil leur a donné des ailes. Il a fallu bien arroser la foule, pour éviter la déshydratation. Rayon solide, Pierre-Ivan Boos, ex alchimiste pontissalien, a ressorti ses casseroles pour un en-cas haut de gamme et le FranchCountry foodtruck a roulé pour un exquis hamburger local.

Crédit photo Hiraku Festival

15 vignerons unplugged sous la tonnelle et derrière les tonneaux, ça dépote. Avec la première sortie officielle en tant que winemaker d'Anders Frederik Steen, venu présenter ses beaux bébés ardéchois, en l'absence de son comparse et co-géniteur Jean-Marc Brignot, retourné jouer les ermites sur son île de Sato. Sweet beginning of a better end?

Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Cela semble être la devise d'Anthony Tortul, le sorcier jeteur de Sorga. Don Quirotte, Chat-Zen, Phacomochère, Sereibroc, un joli jeu de quilles qui a fait strike.

Passage par la case gamay, à marquer d'une croix, et tour de piste de 500 mètres en roue libre et en marchant, chez Hervé Ravera, le vigneron beaujolais de Marchampt, qui propose ses deux cuvées bien nommées: 500 mètres et Roue libre. Fidèle au poste (mais plus à la Poste, qu'il vient de quitter), le désormais ex-facteur Jean-François Cuzin a eu le temps de venir prendre l'air jurassien. Sa seule et unique cuvée L'air du temps se boit à grosses lampées et le gaillard n'hésite pas à payer de sa personne.

Juste à côté, le nain du Jura est allé prendre l'air en Beaujolais, du côté de Régnié-Durette. Le négoce de l'Octavin en a ramené un épatant gamay joliment étiqueté. Gare aux nains baladeurs d'Alice Bouvot, ils iront loin! Les autochtones poulsard "Dora Bella" et trousseau "Commandatore" ne sont pas en reste, même quand ils jouent à la maison.

Rayon gamay, toujours, les vins du Picatier sont éternellement réjouissants. Gaménits, bien sûr, mais aussi Auvernat noir, le pinot auvergnat floral et délicat. Pour goûter à plus auvergnat tu meurs, il fallait se tourner du côté de Patrick Bouju et ses deux cuvées de négoce, dont une plutôt brutale. Assemblage de raisins du Sud et de gamay d'Auvergne, elle n'a de Brutal que le nom et l'habillage. Une caresse au gosier plutôt qu'un coup de poing dans ta face, mais un peu aussi quand même, tellement c'est bon.

Et puis tant d'autres, pêle-mêle: la Nuée bulleuse de Babass, le pupillin d'Adeline Houillon et Renaud Bruyère, le chardonnay oxydatif de Didier Grappe, le grolleau de Babass et aussi celui de Damien Bureau... Sans oublier, en off, le melting pot jurassien de Sébastien Jacques, nouveau venu prometteur dans le paysage arboisien.

18 heures, la nuit et la fraîcheur tombent sur le Moulin. Il est temps de rouler les tonneaux et de mettre les oreilles au chaud. Apéritif-concert, avec Sapin, le bien nommé groupe rennais venu se confronter à ceux du Jura.

Set efficace et rondement mené, agréable prélude au gros morceau de la soirée, les Genevois de Duck Duck Grey Duck, emmenés par l'ex Mama Rosin, Robin Girod. Batterie centrale et au premier plan, basse performante et guitare provocante, les Duck envoient du pâté (de canard), osant la reprise décalée: Yves Simon (Au pays des merveilles de Juliette) et Alan Vega. Grosse sensation!

Hiraku festival s'est prolongé jusqu'au bout de la nuit, mais il fallait déjà penser la préparation mentale du deuxième gros morceau du week-end, sous le signe du vin naturel. Direction la capitale des Gaules et des gones.

(à suivre)...