Il était une fois l'autre vin du Jura...
Il était une fois en Suisse, dans le Jura, massif montagneux plissé franco-suisse et partie francophone de l'ancien évêché de Bâle initialement rattachée au canton de Berne. De peur d'être bernés par les germanophones, les Jurassiens ont regagné officiellement leur souveraineté en 1979 et abouti à la création du dernier-né des cantons de la Confédération Helvétique, celui du Jura, que d'aucuns verraient bien s'émanciper encore plus et redevenir l'antique Rauracie. Rare aussi à cette époque-là, cantonnée à une production artisanale et personnelle, la vigne va également se déployer sur les plus beaux coteaux du canton. Notamment à Montsevelier, grâce à l'initiative de Martin Buser.
Il est encore loin le temps où les évêques de Porrentruy percevaient une dîme annuelle de 500 000 litres de vin, mais Martin Buser y travaille, en replantant notamment des cépages résistants qui lui permettent de tirer définitivement un trait sur les traitements chimiques. Solaris, saphira, cabernet cortis (plutôt que cabernet jura, incomplètement résistant), souvignier, colonisent ainsi les parchets, en plus du chasselas. Mais pas une once de savagnin, ce qui rend totalement improbable la confusion avec les vins du Jura français. Au total, chez la grosse poignée de vignerons jurassiens, une trentaine d'hectares, répartis sur les communes de Buis et Alle (là où il y a d'l'Ajoie!), Montsevelier, Vermes et Moutier.
Il était une fois à Moutier, commune du Jura bernois dont le rattachement au canton du Jura est imminent. Aurèle Morf, enfant du cru, n'était nullement destiné à devenir vigneron. Parti pour une année sabbatique autour du monde, Aurèle est stoppé dans son élan du côté du Sud-Ouest. Pas question pourtant de revenir "au Jura" si rapidement. Il cherche alors des petits boulots et se retrouve embauché à Maumusson chez Alain Brumont. Une première accroche avec la vigne et le métier de vigneron. De retour au pays, il se lance une première fois dans le vin, arrête, complète sa formation vini-viticole avant de se fixer définitivement en 2005 à Moutier, à la Cave Saint-Germain, d'où il rayonne dans une grande partie de la Suisse viticole, "au Tessin", "au Valais" et à Bevaix, vers Neuchâtel. Ouvrier tâcheron à la vigne, Aurèle se fait payer en raisin, les plus beaux, ce qui lui permet de vinifier chez lui, "au Jura", une gamme où le merlot du Tessin se taille la part du lion. Sur les coteaux neuchâtelois de Bevaix, il se fournit en cépages blancs qui lui permettent d'élaborer un joli vin sec, Lo Spigolo, assemblage de sauvignon, pinot blanc, chardonnay, doral et viognier, presque éclipsé par une super Luna nera mousseuse. "Au Valais", il travaille désormais une belle parcelle de gamay à Fully, au lieu-dit Buittonaz, une parcelle jouxtant celle de Marc Balzan, du domaine de Chèrouche. Il était une fois, le vin de Buittonaz... Et un conte qui se boit comme cette bouteille, on en redemande!
Mais son statut de vigneron du Jura ne sera vraiment effectif que lorsque les 60 ares de vignes de cabernet jura*, plantées en 2012 derrière l'abbaye de Moutier, entreront en production. Des vignes conduites en biodynamie et une vinification qui devrait rester la plus naturelle possible, dans la même optique que les autres cuvées de son petit négoce actuel.
*le cabernet jura, clone résistant aux maladies cryptogamiques de la vigne, a été mis au point dans le canton du Jura, d'où son nom.