Le nez dans le vert
Après avoir humé le jaune la veille, à Château Chalon, puis sniffé le blanc, le matin même, lors d'un décrassage matinal en montagne avant la fermeture des pistes, retour dans le vignoble pour mettre (enfin!) le Nez dans le vert. 6ème édition du salon des vignerons bio du Jura et nouveau succès. Plus de 700 entrées à 13 heures et bœuf au 40 poulsards (ou ploussards, l'important c'est d'en boire) en rupture de stock à la cantine. On a frôlé l'émeute!
Positionné en prélude aux Grands jours de Bourgogne, il en constituait sans aucun doute l'un des plus beaux offs. Du jamais vu depuis Charles le Téméraire! Justifiant même à lui seul le déplacement dans la grande région réunie, Duché et Comté à nouveau la main dans la main.
Une météo annoncée aussi belle que celle de la veille, mais c'était sans compter sur les hautes pressions qui ont abattu une chape de grisaille dans la plaine jurassienne, ce dimanche 20 mars 2016, tandis que les gens des hauteurs se pavanaient sous un grand soleil et sur une neige printanière. 4 petits degrés à Gevingey à 13 heures, alors que l'on skiait en tee-shirt 2 heures plus tôt, à 1323 mètres. Mais le vin du Jura réchauffe les cœurs, c'est bien connu. Même sans épices, orange et cannelle.
Dans un lieu toujours aussi bien adapté, le Château de Gevingey, les 38 vignerons participants se sont répartis de façon optimale l'espace à disposition, avec l'ouverture d'une deuxième salle au premier étage des dépendances, permettant une meilleure fluidité autour des tonneaux. 3 petits nouveaux ont rejoint l'aventure. Le premier, Michel Ratte, n'est déjà plus tout jeune. Ancien coopérateur à Arbois, converti au bio depuis 2010, il a franchi le pas de l'indépendance avec le millésime 2015. Quatre jolis vins fraîchement embouteillés, avec une préférence pour le naturé (savagnin ouillé) et le pinot noir en ce qui me concerne.
Éric et Bérengère Thill sont les locaux de l'étape. Si le domaine est situé à Trenal, de l'autre côté de l'ancienne RN83, les vignes sont sur Gevingey. On retiendra chez eux un joli chardonnay floral et un vin de liqueur aérien.
Donner du temps au temps, c'est le credo de Guillaume Gilet, qui a choisi de baptiser son domaine Les donneurs de temps. Une aventure démarrée en 2012, sur 1,5 ha de vignes déjà conduites en bio auparavant, et un projet qui tient la route, auquel on donnera volontiers un peu de temps.
Les anciens, pour ne pas dire les vieux de la vieille, avaient eux aussi, des nouveautés à proposer. Certains, encore jeunes, avaient même déjà fait appel à la relève. On a ainsi pu voir les fistons Tissot et Pignier faire leurs premières armes derrière le tonneau. Un coup de cœur, parmi tant d'autres, pour [SE KWA SA?] de Peggy Buronfosse, un assemblage de vieux cépages dont on se demande bien ce que c'est, ça!
Un événement qui ne fait que confirmer le niveau global de qualité des vins bios jurassiens, qui ne fait que monter, de façon inversement proportionnel au niveau des bouteilles, qui, lui, descend plutôt très très vite.
À chaque salon, ses offs. Celui organisé dans la Combe de Rotalier, pour une poignée de privilégiés, avait mis le turbo, grâce à une fine équipe catalane qui se chargeait de régaler les invités de Fanfan Ganevat.
Menu de la mer servi à la perfection sur assiette dans des conditions un peu rock'n'roll à une cinquantaine de convives, avec en point d'orgue, ces turbots cuits sur la braise, à la gélatine particulièrement goûteuse. Celle de poissons ayant fait trois cycles en eau froide. Le produit de la pêche respecté et travaillé dans le même esprit que le produit de la vigne biodynamique...
Accord particulièrement réussi avec les vins locaux, servis uniquement en jéroboams et mathusalem, du début à la fin.
Moment magique, en compagnie de la fine fleur du Sud-Revermont...
Après une bonne nuit de repos, il a fallu remettre ça au château de Gevingey, sous un soleil enfin revenu. Une matinée de dégustation à l'intention des pros, qui se clôture traditionnellement par un festin. Des patates et de la cochonnaille bio, cuites à l'alambic, accompagnées pour l'occasion de cancoillotte coulante. "Jura, cancoilloting people", comme dirait l'ami Rémy Bousquet. Ce que disait aussi en son temps Hubert-Félix Thiéfaine, réincarné en Philippe Bornard le temps d'un mini-récital de reprises. L'amour est dans la ruelle des morts!
Après ça, plus rien n'est sous contrôle. Et ça part dans tous les sens. Y compris pendant le bœuf vigneron, celui sans ploussard, avec batterie, accordéon et guitare. Un petit air qui donne des fourmis dans les jambes. Place à une chorégraphie totalement improvisée de Pierre Overnoy, le Maître Yoda du vin naturel, danseur nature à ses heures.
Jaune, blanc, vert ou même bleu, le Jura vous fait passer le nez par toutes les couleurs! Et vous en mets plein les oreilles...
P.S.: plus au Sud, il y a également des terroirs viticoles et une histoire, qui nous plonge le nez dans la terre et le soleil. Encore un beau projet, la réédition d'un livre fondamental sur la viticulture languedocienne, ses paysages, sa géologie. Ce sont les écolos de l'Euzière qui en sont à l'origine. Une initiative que l'on peut soutenir via KissKissBankBank.