Ou quand une semaine dans les Cévennes amène à Sumène, l'Aigoual en ligne de mire. L'Aigoual et les couleurs. La première fois que je l'ai franchi, en automne et sous une pluie battante, je suis passé à l'orange. Je ne me suis pas arrêté, trempé mais pourtant subjugué par ces lacets déliés, bordés d'un tapis de feuilles mortes que l'on aurait pu ramasser au tractopelle. Je me suis promis de revenir m'y mettre au vert, à la belle saison, sous de meilleurs auspices météorologiques. Un nouvel épisode du feuilleton cévenol, qui heureusement n'en fut pas un, d'épisode.

Liberté, Aigoualité, Randonnée

Début juillet, c'est le bon créneau pour se garer à Sumène, ancienne petite cité industrielle et minière qui a filé un mauvais coton lorsque la pébrine a fait péricliter le ver à soie au milieu du XIXème siècle. N'y subsiste désormais qu'une seule filature, l'Arsoie, relancée en 1996, et qui connait désormais autant de hauts qu'elle ne fabrique de bas. Des bas de soie, cela va de soi. Que l'on retrouve sur les jambes les plus sexy et érotiques du monde entier. Du bas à l'oignon, il n'y a qu'un pas, aussi aisé à franchir que l'une des 4000 marches qui montent à l'Aigoual depuis Valleraugue. Oui, mais l'oignon d'où? Des Cévennes, pardi! La fierté locale et une interrogation géographique inutile, à l'image de celle sur la temporalité de la mode des tripes normandes*. Les marches, ce sont les fameuses bancels, ces terrasses cultivées qui bordent notamment les berges du Rieutord, ruisseau retors qui s'écoule à Sumène, où l'oignon s'épanouit. L'oignon d'où? Des Cévennes, pardi! Mais aussi celui des pieds, si l'on ne prend garde à bien se chausser avant d'attaquer la mythique ascension.

L'Aigoual, sommet mythique des Cévennes et clé de voute météorologique locale, l'observatoire situé au sommet permettant de mieux comprendre le climat, la suite au prochain épisode. Pas le plus haut sommet des Cévennes, pas le plus doux non plus. Mais sans doute le plus fascinant, que l'on soit marcheur ou cycliste. 1567 mètres, une chance. À 97 mètres près, on pouvait faire une croix sur la bière artisanale locale bue au sommet et se voir réduit à s'enfiler une Kro! Ouf! Liberté, Aigoualité, Randonnée. La devise de l'été est toute trouvée. 4000 marches, 8,7km de montée, 1200 mètres de dénivelé positif au départ de Valleraugue. Et 3 petites heures à notre actif. On est loin du record de 57 minutes, établi en 1995 à l'occasion du 1er Trophée européen, avec, je pense, le vent dans le dos. Une bonne grosse rando, si l'on envisage le retour par les crêtes, Aire de Côte et le col du Pas, mais une bien belle rando, dont mes orteils se souviendront encore longtemps.

En redescendant de l'Aigoual par le col du Minier, on peut goûter aux joies des congés payés perpétuels à la permanence du Parti Communiste Français du Vigan. Une vitrine colorée, rouge cela va de soi, et un cercle de loisirs joliment décoré, qui force le respect. Sérieux, vraiment. Tout comme on peut aussi trouver du rouge dans la vitrine de la Vinothèque Cévenole. Quelques références locales de vin bio et naturel, dont Lous Grezes et L'Anglore, grâce à d'intimes et anciennes relations entre Fred, le caviste, originaire de Tavel, et Éric Pfifferling. Mais aussi des bibs de Louis Julian, l'alter-vigneron militant des Tavernes (30), adepte de la décroissance. Du vin sans sulfites vendu au litre et au degré (du 10 ou du 12!), avec juste du gaz pour la conservation, sans risque de voir le bib exploser, tant il se vide rapidement.

Drinking class Hérault

Changement d'activité et de décor, en descendant les gorges de l'Hérault. Le vignoble nous tend les bras. À Jonquières, dans un premier temps, où l'on a pu à nouveau goûter au Languedoc réenchanté du Mas Jullien. Une gamme qui s'étoffe et s'affine, avec pour la première fois le grand vin du Mas décliné en trois cuvées distinctes: Carlan, les terrasses fraîches d'altitude, du côté de Saint-Privat, Autour de Jonquières, l'assemblage traditionnel syrah-carignan-mourvèdre, provenant des parcelles autour du Mas, et Los Rougeos, parcelle d'altitude reprise en 2008, d'emblée incorporée à la grande cuvée, volant désormais de ses propres ailes. Trois expressions différentes et complémentaires de la quintessence d'un grand vin languedocien. Les derniers États d'âme, cuvée fluctuante selon l'humeur du vigneron, le blanc, très floral et immédiat en 2014, subtile association du carignan blanc et du chenin, et le rosé 2015, fruité et gouleyant, complètent la gamme.

À Montpeyroux, ce Hérault au village si doux (comme aurait pu le légender en son siècle Victor Hugo), place au Languedoc réinventé de Julie Brosselin. Mata-Hari, le joli grenache blanc macéré, Queue de comète, original assemblage de mourvèdre et de cinsault, Rue de la peste, On verra la mer, pur cinsault fort gouleyant, et La Mer rouge, un quinté+ que l'on peut jouer d'emblée placé, sans aucune crainte.

À Restinclières, on redécouvre avec plaisir l'original chai en palette de Catherine Bernard, dont gravité et ingéniosité sont les deux mamelles. Pour la bonne bouche, une première expérience intéressante en blanc (100% terret bourret), à l'avenir encore incertain (une partie est toujours en élevage sur fût). Et un rouge 2015 IGP Hérault goûté sur plusieurs barriques, qui s'annonce plutôt bien.

À Puechabon, on y va pour boire un coup, mais pas dans n'importe quel troquet. Au Troquet, évidemment,  une adresse comme on les aime, conviviale, festive, pleine de bons produits. Superbe sélection de vins natures, pélardons de premier choix et rillettes maison à tomber.

À Saint-Bauzille-de-Putois, le saint bonheur est dans le verre et dans l'assiette, et aussi sur la terrasse surplombant l'Hérault. Au SaiNT-bOnhEUr, très précisément. Sans aucun doute la plus belle table du secteur. D'ailleurs, on n'en a fait qu'une!

Les Cévennes, fin de la petite semaine. Mais, à partir de dorénavant, "tout m'est Aigoual"!

* les fameuses tripes à la mode de quand?, évidemment!

P.S.: L'appel du vin, quand il se fait sentir, il ne faut pas lui résister! Même en anglais dans le texte. Le projet s'appelle Wine Calling, le vin et la musique punk couleront à flots, ce serait chouette de le voir aboutir. On y est presque, mais il ne reste plus beaucoup de temps pour y répondre!

P.S.2: L'appel du vin, bis. Celui de la jacquère, pour une simple balade gourmande, celle des Savoyards heureux. C'est à Chignin que ça se passe, le week-end du 22-23 juillet, et il ne reste plus beaucoup de temps pour s'inscrire!