Le Chambertin nouveau est arrivé
En ce troisième jeudi de novembre de l'année deux-mille-seize, il est de coutume de faire sauter les bouchons pour goûter en primeur au vin nouveau. Tandis que le vulgum pecus se lichetronnait à grands coups de beaujolais nouveau, se déroulait la quatrième édition du Roi Chambertin nouvelle formule, dans l'espace qui lui est dédié dans sa bonne ville de Gevrey-Chambertin. Du gevrey à profusion, du simple "village" au plus noble des crus. Point de 2016 à déguster, mais le millésime 2015, en primeur, après une année d'élevage, afin qu'il se présente mieux au palais des journalistes spécialisés conviés à venir le goûter. Et au milieu de tout ce beau monde trié sur le volet, un unique blogueur, seul rescapé des éditions précédentes...
2015, le beau millésime attendu depuis quelques années. Celui qui laisse un peu souffler le vigneron après les années difficiles que furent 2012, 13 et 14. Si ces années-là ont également donné naissance à de jolis vins, chacune dans leur style, le travail à la vigne fut conséquent et plutôt stressant. 2015 fut tout autre, comme le rapporte Jacky Rigaud dans la plaquette de présentation du millésime à Chambertin. Pas de pourriture, du millerandage, de la chaleur et de l'ensoleillement. De la sécheresse aussi, malheureusement, ce qui eut pour effet une limitation naturelle des rendements. Un mal pour un bien, peut-être? Cette baisse de quantité ne parvint pourtant pas à freiner complètement l'enthousiasme des vignerons pour ce millésime très qualitatif, même si l'on sent chez certains une pointe de regret de ne pas avoir décroché le total jackpot.
2015, une belle année pour débuter! Le plus petit vigneron de Gevrey, pas par la taille, ni par le talent, c'est désormais Nicolas Burguet, qui a repris en fermage 47 ares d'une vigne située en appellation village. Vinification sans intrant, hormis un sulfitage à la mise, un joli coup d'essai. Rien à voir pourtant avec le domaine Alain Burguet, dont la cuvée présentée fait toujours partie de mes favorites.
2015, de jolis jus, denses, charnus, sur le fruit, fins et élégants, quand l'élevage ne l'emporte pas trop. Quelques vins bien appréciés, en attendant la mise en bouteilles: le gevrey de Berthaut-Gerbet (déjà coup de cœur l'an dernier, un style tout en finesse que j'aime beaucoup), la cuvée Mes Favorites d'Alain Burguet, Les Justices, Billard et en Croisette de Jérôme Galeyrand, qui fait décidément un joli tir groupé chaque année, la cuvée Alexandrine du domaine Marc Roy, le 1er cru "Les Fontenys de Jane et Sylvain, un petit domaine à la démarche plus que sympathique, le village de Claude Dugat, un cran au-dessus évidemment, témoignant d'une très grande maîtrise, tout comme le clos Saint-Jacques de Sylvie Esmonin. Dans les grands crus, total respect pour le mazoyères et le charmes de Christophe Perrot-Minot, ainsi que pour le chambertin d'Arnaud Mortet.
Histoire de se refaire le palais avant de passer à table, des bulles champenoises ont été appelées en renfort. Et pas des moindres!
Anselme Selosse au service, accompagné, notamment, de Pascal Agrapart, Dominique Moreau et Roland Piollot du domaine Marie Courtin. Un ace, évidemment.
À table, place au millésime 2005. Un autre beau millésime, plutôt solaire, riche et concentré et un repas concocté par le chef du Castel Très-Girard de Morey Saint-Denis, accompagné, façon Paulée de Meursault, des vins des vignerons présents. Quelques bouteilles malheureusement déjà un peu fatiguées, d'où ont quand même émergé quelques pépites, qui pouvaient varier d'une table à l'autre. Mais, n'en déplaise à nos hôtes bourguignons, la bouteille de la soirée fut un magnum champenois, néanmoins hors concours, même si le millésime rimait fort bien. Minéral extra-brut 1985 de Pascal Agrapart à remporté quasiment tous mes suffrages.
Placé une nouvelle fois à la table numéro 1, celle du Président, Jean-Michel Guillon, aux côtés de Jacky Rigaud, on a causé blog, bouquins, gevrey, chambertin et vin jaune (entre autres). La nouvelle génération pousse à la porte et ce sera sans doute le dernier mandat du président Guillon, toujours vaillamment assisté de Philippe "Toutoune" Charlopin. Leur discours, traduit simultanément en anglais pour sourds et malentendants, risque de nous manquer dans les années à venir. Bravo pour tout le travail accompli pour (re)dynamiser Gevrey. Il y a sans doute encore un peu de boulot pour quelques-uns, qui n'ont pas encore complètement intégré le trésor qu'ils ont sous les pieds. Espérons simplement que la relève qui arrive dans beaucoup de domaines en prenne rapidement conscience pour mieux exprimer au mieux le si grand terroir du chambertin et de ses satellites. Cela ne fait aucun doute, parce qu'à Gevrey, la valeur ne semble pas attendre le nombre des années...
Commentaires
Les bulles bourguignonnes n'arrivent décidément pas a s'imposer en leurs terres... ;)
Super compte-rendu (comme toujours d'ailleurs). Je vous que le Domaine Galeyrand et Marc Roy sont toujours dans les favoris et je suis content pour Christophe que ces vins soient reconnus à juste titre, grand vigneron et super personne.
10 ans, et certains Gevrey sont déjà fatigués?
Oui, Hervé. Chez certains vignerons, selon les méthodes culturales et celles de vinification, et pas uniquement à Gevrey, c'est comme pour les chiens, il faut multiplier l'âge de la bouteille par 7. Et ce n'est certainement pas, dans le cas présent, l'abus de non-sulfitage qui en est la cause.
Mais, désolé, je n'étais pas là pour faire le procès des vignerons de Gevrey. Juste avoir une idée du millésime en cours d'élevage...