Biodynamie-ennemie, et bien plus encore...
Cette fois, ça y est, la rentrée littéraire est définitivement de sortie, au rayon gastronomique et culinaire, aussi bien du côté solide que liquide. De quoi occuper grandement la sieste de la belle Meera, le petit minou de la maison (qui ne vient pas de Lorraine), néanmoins amatrice de bonnes feuilles, y compris celles qui volètent au vent sous l'effet du foehn automnal et qu'elle cherche inlassablement à attraper. Mais, même quand Meera dort, rien de ce qui se passe dans son univers ne saurait lui échapper.
Comme un écho au Précis de biodynamie d'Isabelle Guichard, chroniqué dernièrement ici, les Éditions Tonnerre de l'Est sortent un ouvrage illustré, qui est un droit de réponse aux diatribes anti-biodynamiques du philosophe Michel Onfray, qui ferait mieux de ne pas toujours vouloir la ramener sur tout, tant il lui arrive de s'égarer dans le cosmos de sa pensée. Pensé et écrit à quatre mains par Olivier Humbrecht et Thierry Weber, après quelques tergiversations (fallait-il ou non accorder autant d'importance à la charge onfrayante? Oui? Non? Peut-être? Pourquoi pas, après tout?), nos deux compères se sont lancés. Et ils ont sans nul doute le vin bien meilleur que l'omniprésent philosophe, pesant jusque dans ses silences, qui font craindre à tout instant une intervention de sa part, encore bien plus pesante. Pointu, documenté, argumenté, volontairement court, entrecoupé d'amusantes scènettes dessinées confrontant notre philosophe à son verre, cet opuscule s'acharne à remettre les points sur les pendules en même temps que les "i" à l'heure, tout en soulevant autant de questions que de réponses. Une bonne façon de réfléchir et de s'interroger.
Michel Onfray... le vin mauvais? Thierry Weber, Olivier Humbrecht, Bertrand Mac Gaw, Éditions Tonnerre de l'Est
Alors celui-là, il est carré! Le précédent aussi, vous me direz. Mais pas autant. Carrément carré (par son format), carrément vin, carrément vert anis, carrément naturel, carrément carré (par son parti pris). Passées les quatre premières pages d'intro pour cadrer le vin naturel au carré, on rentre dans le vif du sujet. 100 bons canons à dénicher, 100 portraits de vigneron(ne)s, ceux qui les ont fait. Tous bien assortis entre eux. Et joliment croqués par un illustrateur, une vraie originalité, même si on ne les reconnait pas tous (quand on les connait déjà). Peut-être aussi parce que certain(e)s ont déjà bien changé depuis la dernière fois que je les ai vu(e)s. Il faut aussi admettre que tous n'ont pas non plus une trogne barbichue qui se prête autant à la caricature que la droiture du jet du Dom. Derain en direction du crachoir (ou des pompes de son voisin, va savoir...).
Là encore, un ouvrage pointu par ses choix, du vigneron confirmé au petit jeune qui se lance, parfois encore totalement inconnu (de moi-même, en tout cas). Une vraie belle sélection de caviste engagée. Pas si féministe que ça, finalement, puisque la parité n'est même pas respectée (54 mecs célibataires, j'ai compté!). De beaux portraits de dames du vin, quand même (#womendowine, il ne faudrait pas l'oublier), avec Noella Morantin, Stéphanie Roussel, Laurence Escavi, Marine Leys... Quelques couples, aussi, parfois incestueux, et un soupçon de triolisme, voire de gang bang. Et puis, on n'en attendait pas moins de l'auteur de la Pinardothèque, de l'humour liégeois, quelques clins d'œil musicaux (mais pas à Souchon, au fait?) et un vrai enthousiasme pour tous ces vignerons investis à fond dans leur terre et dans leurs vins. Au naturel, naturellement. Carrément.
Carrément vin, 100 vigneron(ne)s au naturel, Sandrine Goeyvaerts, Hachette vins
De la chimie en cuisine? Un procédé naturel, en fait, et un passage obligé, voire indispensable, pour parvenir à réussir la plus bête des recettes. Onze familles de produits, des œufs à la pâtisserie, en passant par les légumes, le poisson et la viande, onze chefs, cinquante-cinq recettes et les explications d'un scientifique toqué, spécialiste de la chose culinaire au CNRS, pour savoir le comment du pourquoi, et comprendre enfin pourquoi on rate toujours cette fichue crème fouettée! Cristophe Lavelle, il s'appelle. Un type du genre à expliquer comment réussir une mousse au chocolat sans mousse. À peine s'il a besoin d'un peu de chocolat. Même qu'il en fait des démos dans des ateliers food. Pas un des participants au salon Food du Carreau du Temple n'en est encore revenu. Bref, un livre passionnant, intelligent, ludique, indispensable pour tout apprenti-cuisinier, en étude ou à la maison.
Toute la chimie qu'il faut savoir pour devenir un chef! d'Hélène Binet, Julien Garnier et Christophe Lavelle, Éditions Flammarion
Pontarlier-Dijon-Paris-Tunis-Belle-Île. Un sacré voyage, pour goûter à la cuisine généreuse de Nordine Labiadh, à mi-chemin entre celle du bled et la bistronomie parisienne, approximativement à mi-chemin aussi entre la cave des Papilles, où je suis récemment allé déguster profond, et mon hôtel rue de la Gaité, où je suis allé dormir profond juste après. À mi-chemin, c'est justement le nom du restaurant de Virginie et Nordine, dont le livre raconte l'histoire, via la plume de Jacky Durand. Une bien belle histoire, pleine d'amour, et un parcours exemplaire pour l'enfant de Zarzis arrivé à Paris à l'aube de l'an 2000. Passé en moins de deux ans de commis de cuisine à "chef" dans le restaurant de celle qui est désormais sa femme, il marie avec bonheur les saveurs de Tunis à celle de la Bretagne de Virginie pour les passer à la moulinette de la bistrologie du 14ème et les arroser du bon vin nature dont regorge sa cave. Ah!, les coques de Saint-Malo au romarin, les exceptionnelles boulettes de veau à l'aneth et le fabuleux délice de Tunis, une panacotta à la fleur d'oranger et aux pistaches, qui te donne l'impression de te goinfrer de pâtisseries orientales sans peser trois tonnes après. Toutes des recettes que l'on retrouve avec bonheur dans le livre de Nordine, qui paraissent d'une simplicité enfantine à réaliser, mais qui ne remplaceront sans doute jamais un authentique repas à mi-chemin.
Paris-Tunis, la cuisine de Nordine Labiadh, Tana Éditions
Toutes ces belles choses à lire, à boire, à manger, ne doivent pas faire perdre de vue l'événement majeur de cette rentrée littéraire vinique, la sortie de De Profundis gustatibus aux éditions de l'Épure. Le petit (mal)traité de dégustation, ce sont (déjà) ses lecteurs qui en parlent le mieux!
Après Dijon, chez O Gré du vin, et Paris, à la Cave des Papilles et au salon Food Temple, ce sera au tour de Pontarlier de recevoir l'auteur du petit (mal)traité de dégustation, pour un déplacement à domicile. Et en bonne compagnie, puisque le Maître Yoda de la dégustation, à savoir Pierre Overnoy himself, sera de la partie pour des échanges que l'on devine déjà gustatifs et constructifs. Cela se passera le jeudi 12 octobre, à la librairie L'intranquille-Mirabeau. Plus d'infos très vite, parce que, mine de rien, ça approche.
Commentaires
J'ai bien apprécié le commentaire sur Onfray.
Le vin Mauvais est encore trop tendre avec ce gaillard.