De la vigne aux platines, puis au canapé...
Rock et pinard, l'accord minéral par excellence. Fabien Korbendau et Christophe Mariat l'ont osé. Il fallait avoir les reins solides. Raison pour laquelle, sans doute, l'un des deux est néphrologue. Marier un album, un vin et un auteur pour un triolisme parfait, De la vigne aux platines l'a fait. Et c'est l'un des derniers bijoux de papier (ré)édité par les Éditions de l'Épure, avant Recettes pour un ami de Jean Cocteau et Raymond Oliver. Même s'il y en a eu plein d'autres (ne serait-ce que De profundis gustatibus, que ma modestie légendaire m'interdit de porter au pinacle).
Un ouvrage somptueux, donc. À lire de plein de façons. Peut-être pas loin de 10, ce qui serait une marque de fabrique des Éditions de l'Épure. Composé de deux cahiers bien distincts, "le sensible" et "l'intelligible", le livre de Fabien Korbendau et Christophe Mariat a été pensé "comme une invitation à prendre à nouveau son temps". Déguster, boire, entendre, écouter. Chaque couple vin/album retenu après une âpre sélection a ensuite été confié à une petite cinquantaine d'auteurs différents pour une expérience sensorielle retranscrite avec leurs mots et leur humeur. Des musiciens, des auteurs, des écrivains, des journalistes, des proches, qui ont joué le jeu. Celui du sensible. Et puis, le deuxième cahier, plus "intelligible", propose une présentation concise de l'auteur et du vin sélectionné, associé à un historique plus détaillé de l'album choisi en accompagnement.
Autant le dire tout de suite, c'est un régal, pour les yeux, le nez, la bouche et les oreilles. Et ce, quelque soit la façon de le lire. D'une traite, d'un bout à l'autre, cahier par cahier. Ou, de préférence, alternativement, en se plongeant d'emblée, après chaque histoire, dans les correspondances du duo dégusté/écouté. Ce qui implique une gymnastique digitale, aisément acquise avec un minimum d'entraînement. Il est éventuellement recommandé d'y associer le verre de vin et la musique qui vont bien lors de la lecture, ce qui, néanmoins, complique singulièrement la tache. La sélection des pinards est dans l'ensemble excellente, avec, notamment, quelques pépites, dont certaines jurassiennes (La Pinte, domaine Labet, domaine Macle), tout comme celle des albums, particulièrement réjouissante et pointue, qui m'a tout de suite incité à me replonger dans les tréfonds de ma discothèque personnelle. Et, ce, bien avant de m'engouffrer à la cave.
J'en ai extirpé (pour l'instant) le fantôme de Tom Joad, le jour de rêve de la Nation (accordé magistralement dans le crescendo avec un Brézé 2001 du Clos Rougeard) et, surtout, toute la discographie de Valérie Leulliot, qui, depuis, tourne en boucle sur ma platine. Et ça aussi, ça fait du bien! Autour d'un livre, autour d'un verre, autour d'un disque, autour de lucie...
De la vigne aux platines, de Fabien Korbendau et Christophe Mariat, aux Éditions de l'Épure, le livre que j'aurais aimé que l'on m'offre à Noël. Mince, je l'ai déjà acheté!