Temps ariégeois, on remet le couvert!
Mirepoix, Ariège. Une petite bourgade visitée en des temps ariégeois déjà un peu lointains. J'ai été contacté depuis plusieurs mois par Émilie, de l'office de tourisme local, pour participer à la 2ème foire des brasseurs et vignerons bio d'Occitanie en temps qu'auteur de livres sur le vin. Mirepoix, c'est loin du Jura. Oui, mais Mirepoix, c'est joli. Avec ses maisons à colombages et ses fameux couverts, sur la place principale du bourg médiéval. Et puis, cette initiative sympathique de l'office du tourisme s'oriente, de façon déterminée et presque militante, vers une sélection de producteurs en agriculture biologique exclusive, vin comme bière. L'Ascension nous offre un viaduc cette année, l'occasion d'une petite balade au Sud. Mirepoix me tend les bras. Allez! On remet le couvert!
Direction l'Ariège, donc. Par des routes un peu buissonnières, qui m'ont mené à Mirepoix en passant par le vichyssois, où je n'ai pas mangé de carottes, et le mont Saint-Baudile, où Éole soufflait fort, juste au dessus du col du vent, le bien nommé.
Magnifique vue sur le pic Saint-Loup, même s'il fallait s'accrocher un brin au parapet pour ne pas s'y envoler. Passage à Jonquières, plus précisément au Mas Jullien, pour y goûter au dernier millésime en vente et faire le plein de quelques bouteilles réservées à l'avance par la même occasion. Avant d'aller me perdre dans les hauts cantons de l'Hérault, sans même m'y arrêter. Ni à Bédarieux, ni à Olargues. À Saint-Pons, par contre, j'y ai fait aussi le plein. De benzine dans mon automobile. Avant de me gourrer un peu d'itinéraire et me perdre dans les montagnes, noires, du côté de Ferrals. Un itinéraire quatuor (le double, au moins, d'un itinéraire bis), qui, s'il m'a fait perdre un poil de temps, m'a gentiment mené dans le Minervois. Félines, Trausse, Caunes... Un arrêt-minute à l'abbaye m'a permis d'y entrevoir le thème de l'exposition temporaire qui y a élu domicile jusqu'au 30 décembre, en partenariat avec le Musée de la Bande dessinée de Bruxelles: Spirou de main en main. Non, par Inri, Spirou. La preuve en image.
Pas le temps de la visiter, j'y suis arrivé trop tard. Mais cela vaudrait le coup d'y revenir. D'autant plus que mon idée initiale était de passer par le Cabardès et les châteaux de Lastours, haut-lieu cathare, t'as qu'à voir, et que je l'ai loupé! J'y reviendrai. Mais, en attendant, ma destination finale reste toujours Mirepoix et ses fameux couverts. La météo n'est pas au beau fixe. Abritée sous la halle, au cœur de la place du Maréchal Leclerc, la deuxième édition de cette foire a lieu le jeudi de l'Ascension, jour de marché, une dénomination qui lui conviendrait beaucoup mieux. Parce qu'on n'était pas là pour faire la foire. Une communication un peu plus ciblée a sans doute permis de toucher quelques amateurs, venus spécialement pour goûter au vin ou à la bière, en plus des touristes déjà relativement nombreux malgré la fraîcheur ambiante. Une température d'ailleurs beaucoup plus agréable pour s'adonner à la dégustation, contrairement à l'édition précédente, qui s'était déroulée sous la canicule de fin mai 2017. 25 exposants ont répondu présent. Et moi et moi et moi. Des découvertes pour la plupart, dont beaucoup de vins, de vignerons et de vigneronnes hautement recommandables.
Honneur à la production locale, les vins d'Ariège étaient bien représentés par deux producteurs, dont le domaine d'Engraviès, repris depuis 3 ans par Thomas Piquemal, et que j'avais eu l'occasion de visiter lors de mon premier passage par ici. Et par le vignoble de Larthet, à Carla-Bayle, qui a, lui, la particularité de produire l'unique vin naturel ariégeois.
Martin Plattner, ancien tonnelier, vinifie trois cuvées de chardonnay et de syrah sans sulfites, ainsi qu'un rosé, un troisième rouge et un vin liquoreux de façon un peu plus classique. Le domaine sera entièrement labellisé Nature et progrès à partir du millésime 2017. Coup de cœur pour la syrah La ChÒta, un vin "pas fini", que d'aucuns auraient aimé élever plus longtemps, mais c'est déjà tellement bon comme ça.
Red! Le pif is not dead! Mada! Si Édouard Adam, marchand de couleurs et ami des peintres du XXème siècle, était à la recherche du bleu parfait, Édouard Adam, son homonyme vigneron de Montpeyroux, Languedoc, tente sa chance dans la quête du rouge idéal. Carignan-grenache pour un croquant bien plus que glou.
La colline de l'hirondelle a fait le printemps, à Mirepoix. Les jolis vins aux étiquettes rigolotes et colorées de Didier Ferrier et Jennifer Buck ont joué les séducteurs. Le Carignan 1515 (dont le bruit court que ses vieilles vignes remontent au temps de François Ier, de source absolument non sûre) remporte la bataille haut la main, tandis que la Joupatière, mobylette de collection aux vieilles vignes de 15 cépages complantés, dépote grave. Un vrai coup de cœur!
Le bonheur est dans le Gers, on le sait depuis 1995 grâce à Étienne Chatilliez. Et pas uniquement dans le pré. Il est aussi dans la vigne, au domaine de Herrebouc, qui a préféré s'orienter vers la production de vins en agriculture biologique plutôt que dans la tenue d'un registre généalogique de capridés. Des vins solides, aux antipodes de l'image que l'on peut se faire des vins gascons. En Gascogne, t'as Riquet, mais, surtout, tu as les autres, dont le domaine de Herrebouc.
On fait aussi du vin dans l'Aveyron. Le dire, c'est bien, mais le fer servadou, c'est mieux. Jean-Luc Matha, l'un des vignerons historiques de l'appellation Marcillac a entamé depuis 2013 une conversion vers l'agriculture biologique. Cela aurait été dommage de ne pas donner une valeur environnementale à ce vignoble ancestral et isolé, dont les vins possèdent une mâche rustique de fort bon aloi.
Jolies retrouvailles avec les vins du domaine de la Ramaye, de Michel Issaly, et prise de connaissance avec son associé, Nicolas Jourdan, et Ulrike, sa femme. Toujours un bonheur de se replonger dans l'univers de ces cépages gaillacois originaux et ancestraux. Duras, braucol, ondenc, len de lel, mauzac... Une curiosité que cet accident de vinification, que beaucoup auraient considéré occis, mais revenu d'entre les vins morts. Oxy est son nom, pas besoin d'aller chercher trop loin pour comprendre pourquoi. Ce n'est pas un véritable vin de voile, mais on y trouve un bel équilibre oxydatif. Et puis, une goutte de Sang, pour terminer. Juste une goutte, la dernière, que m'a gentiment offert Ulrike en fin de salon. Le prunelard élevé au rang de grand art.
Le rayon de soleil le plus espantant du petit marché aux vins de Mirepoix nous est arrivé en fin d'après-midi, pour mettre en valeur les vins et le sourire lumineux de la féline Sandrine Courjan, du domaine de Ventajou. Coup de cœur pour le blanc dessoiffant à base de roussane, le bien-nommé Abreuvoir.
Et, comme une évidence, jamais ma tronche sans savagnin, ni comté. Marnes bleues 2014 de Fanfan Ganevat, aiguisé comme un rasoir, n'a pas rebuté les palais sudistes en principe habitué à plus de rondeur sur les blancs.
Cette deuxième édition de Brasseurs et vignerons bio d'Occitanie, belle initiative du syndicat de Mirepoix, l'Office de tourisme des 4M (pour Mirepoix-Montségur-Montbel-Monts d'Olmes), celui qui te colle encore plus fort à la peau que le scotch, fut une belle réussite, qui a réussi à drainer un plus large public que la première édition, en ne misant pas uniquement sur le touriste de passage, celui qui s'engouffre généralement sous la halle de la place Leclerc en bon touriste qu'il est, sans goûter, ni acheter. Totalement à l'opposé de ce qu'il est capable de faire chez Michel-Édouard.
Le soleil à peine revenu, il fallait pourtant songer à déjà rentrer. Avant que la neige ne revienne paralyser l'A75 sur les hauts plateaux de la Lozère et de la Haute-Loire. Il était temps! Mais sur le chemin du retour, "las détour" s'imposait, pour ne pas avoir à regretter (et ne pas finir de se gratter) de n'avoir pas fait escale à Lastours, au cœur du pays cathare audois. Et à l'œil!
P.S: dans le genre petit salon underground du Sud-Ouest, que l'on pourrait bien faire un jour si le cœur nous en dit, il y a les Petites rencontres autour des Vins Vivants, à la ferme de Cauberotte, à Moncrabeau. C'est dans le Lot-et-Garonne, le samedi 19 mai, et ça doit bien valoir le déplacement.
Commentaires
A Caunes, la prochaine fois il faut s'arrêter à la Cantine du Curé l'une des plus époustouflante carte de vins nature du sud de la France; des prix angéliques !
Je suis passé devant la Cantine du Curé. Pas eu le temps de m'y arrêter, pas vu la carte des vins, mais l'adresse avait l'air bien sympathique.