En vrac ou bien rangé
Quand la canicule t'accule sous la tente, rien ne vaut une lecture rafraîchissante sur un sujet aussi désaltérant que le vin. Alors, cet été, j'ai lu, j'ai bu, j'ai vaincu. Des nouvelles, des contes, des recettes, des blogs, bientôt un guide. Tout ça à base de jaja. Et ça m'a donné soif.
Vingt en vrac, de Philippe Quesnot, Éditions de L'Épure
Enfant, Philippe Quesnot jouait aux petites voitures avec des bouteilles, qu'il déplaçait sur une table en mimant le bruit du moteur. "Vrrroum" C'est son préfacier et néanmoins collègue de goulot, Michel Tolmer, qui nous l'apprend. En un seul petit crobard, qui vaut mieux qu'un long discours.
Ensemble, ils ont fondé Glougueule, blog stylé pour les hommes de glou. C'est dire si le calembour et l'à peu près ne les effraient guère. Ils y invitent régulièrement des kopins, mais aussi des kopines, femmes de glou (la mode n'était pas encore à l'écriture inclusive). Ils les laissent néanmoins s'exprimer à leur guise. Sylvie Augereau, la divine, qui a maintenant d'autres tonneaux à fouetter, ou, plus récemment, Zoé Thouron, dont la boîte à dessins est joliment garnie de picolos de toutes les couleurs.
Adulte, Philippe Quesnot, le bien nommé PQ, l'ami avec qui on aime se torcher, joue avec des bouteilles sur les mots, les poussant sur une feuille de papier en imitant le bruit du tire-bouchon. "Plop"! Il nous livre en vrac vingt histoires rigoureusement authentiques qui fleurent bon le jaja et la joie de vivre. Rarement le caca, mais un peu aussi, parfois. Par accident. D'une plume quasi-chirurgicale, il nous narre ses rencontres, ses boires, ses déboires, des petits bouts de sa vie d'épicier savant d'avant, ne nous épargnant aucun détail croustillant (ou non) de son parcours d'apprenti pochtron devenu un maître en la matière. Toujours en bonne compagnie. À chaque page moult figures connues, chacune dans son propre rôle. Jacfé (ou Grofé), dont les petits mickeys se sont noyés dans la grande littérature et le bon pinard, Toto, dont les nombreuses illustrations suintent le vin par tous les pores de la toile, Mimi, monumental sculpteur de sculptures monumentales, pour ce qui est des indéfectibles compagnons de sa route bachique. Et Yvon Métras, Jean Foillard, Antoine Arena, Michèle Aubéry et plein d'autres pourvoyeurs de flacons d'anthologie, de préférence en grands formats. Toute une bande de dessinateurs, d'artistes, de vignerons, d'amis, qui constituent son univers, plutôt nuancé. Du gros rouge au vin en vrac, si l'on en croit les titres de ses deux ouvrages qui nous mettent en appétit aux Éditions de l'Épure. L'ère de la décroissance a commencé. De trente nuances à vingt en vrac. Scoop, j'ai déjà le titre du prochain: dix en tries. Un ouvrage à marquer d'une bière blanche. Le comité de lecture de Glougueule, unanime, ne s'y est d'ailleurs pas trompé!
Si le vin m'était conté, de Roland Lecarpentier, Éditions Libre & solidaire
Enfant, Roland Lecarpentier jouait sans doute aussi aux petites voitures avec des bouteilles. Mais aucune peinture rupestre de l'époque ne peut en attester. Il a fait carrière dans le vin et écumé les caves, celle des restaurants en tant que sommelier, puis celle des vignerons en tant que "marchand de vin". Si ses "chroniques vineuses impertinentes" semblent à première vue bien rangées, le contenu est un peu foutraque. En guise d'introduction, ses premiers pas dans le monde du vin, comme pour justifier le come-back de son "Dico incorrect du vin" sous la forme d'un abécédaire, avec un autre titre. C'était du vin ... et alors? C'en est toujours et il s'en va nous le conter. De Ah à Zut. Ou, plus exactement de Accords mets-vins à Zi ende. Pas mal de choses drôles et enlevées, sur un ton jovial et spontané, et aussi des incongruités et des futilités. Des anecdotes, où il ne se prive pas d'égratigner les grands crus classés, un monde qu'il a pas mal côtoyé, des tentatives de vulgarisation (sur la biodynamie, le sulfitage...), quelques clichés (sur le vin nature, entre autres). Et puis des entrées un peu surréalistes et/ou animalières (labrador, sauterelles, vautours...), qui se raccrochent aux branches de la vigne de façon un peu tordue. Tout ça se lit plutôt facilement même si c'est un peu désordonné. Le comble pour un dictionnaire! Complété de deux chapitres totalement indépendants, l'un sur les achats de vin ("Comment ne pas se faire plumer"), l'autre pour combattre quelques idées reçues en matière de vin (et notamment sur celui d'Alsace), cet ouvrage, paru aux Éditions Libre & solidaire, est postfacé par Nicolas Joly. Que la pleine lune soit avec lui!
Le champagne, dix façons de l'accompagner, de Sébastien Demorand et Antoine Gerbelle, Éditions de L'Épure
Enfant, Antoine Gerbelle jouait aux petites voitures avec des plaques de muselet. Il est probable aussi qu'il ait pété dans son bain à l'occasion, pour faire des bulles. Sa nounou n'a malheureusement pas pu nous le confirmer, mais tout le laisse à penser, au vu de son amour pour le champagne et les boissons gazéifiées. Il a tellement soif de bulles qu'il nous a concocté, en compagnie de Sébastien Demorand, dix façons d'accompagner ce vin pétillant à table. Des recettes de choix, plus ou moins sophistiquées, élaborées par des chefs inspirés à l'idée de faire péter les bouchons. Rien qu'à y penser, on en a l'œil qui pétille.
Chassez le naturel!, de Pauline Dupin-Aymard
Enfant, Pauline Dupin-Aymard ne jouait pas aux petites voitures dans les vignes. Depuis, elle s'est bien rattrapée. Après des études littéraires, puis commerciales, elle glisse un orteil dans le monde du vin, avant de s'y retrouver plongée jusqu'au cou. Pour finir par s'équiper d'une camionnette aménagée en camping-car afin de sillonner le vignoble, tendance naturiste. Chasseuse de naturel, comme elle se définit, elle ne loupe guère de bonne adresse vigneronne productrice de bon glouglou. De sa plume alerte, elle narre ses aventures sur un blog qui donne un bon coup de fouet à une bloglouglou moribonde, où la Pinardothèque vient tout juste de publier son faire-part de décès. RIP, Pinardothek. Et longue vie à Pauline et à sa camionnette, dont la courroie de transmission a donné quelques signes de faiblesse dernièrement.
Glou Guide, d'Antonin Iommi-Amunategui et Jérémie Couston, Éditions Cambourakis
Enfant, Antonin Iommi-Amunategui compilait les notes de dégustation de façon vindicative. Quand il se rendit compte que c'était vain (et qu'aucun vin n'était innocent), il décida de devenir à lui tout seul le Bettane et Desseauve du vin naturel, mais en beaucoup mieux. D'ouvrages pédagogiques en salons et autre petit tasting, il œuvre sans relâche pour la défense et la promotion du jus de la treille bien né et pas trafiqué. Mais le tandem, ça se pratique à deux. Que seraient Roux sans Combaluzier, Black sans Decker, Jacob sans Delafon?* Il lui fallait trouver un compère cycliste assoiffé pour l'accompagner sur les routes du vin nature. Enfant, Jérémie Couston collectionnait les places de cinéma qu'il épinglait dans un cahier qu'il planquait à la cave. Depuis, il enchaîne les cols, à vélo ou à tire-bouchon. Sa soif d'écrire l'a conduit de l'obscurité des salles à la lumière naturelle du vin. Mais ne dites à personne qu'il se passionne pour la picole, tout le monde le croit journaliste à Télérama.
Ce Glou Guide, on ne l'a pas encore lu, ni bu. Mais on l'attend avec impatience. Dommage qu'il ne paraisse que fin août, il y a de fortes chances que l'épisode caniculaire soit derrière nous. Il devrait néanmoins griller le B&D 2019 sur le poteau, en apportant une bouffée d'air frais non sulfité avant la période des foires aux vins de la rentrée.
* réminiscence de Desproges, sans aucun doute. Il faut que je retrouve la citation exacte...
Commentaires
Le livre "si le vin m'était conté" est très bon à lire... c'est rafraichissant avec un bon vin frais.