Chez Harry
C'était l’épreuve reine de la semaine, la raison gastronomique essentielle de ce déplacement auvergnat. Juste une étape, mais laquelle!
Le Saint-Eutrope, une forme de graal pour l’amateur de vins et de bonne chère dans la capitale auvergnate. En guise d’apéritif, une découverte pédestre du cœur de la ville, de ses statues, de ses monuments et de ses rues animées. Et gloire à Vercingétorix l'Arverne, même s'il n'a pas su nous dire exactement où se trouve exactement Alésia, là où il rendit les armes à ce vieux Jules (en Séquanie, on a pourtant bien
une petite idée sur la question).
Pas si simple d’y boire une (bonne) bière, de celles qu’on aime, vivantes, mais, la soif aidant, on y parvient quand même. Et puis, ce fut l’heure du repas. Comment dire? Un quatorze juillet avant l'heure. Un véritable feu d’artifice. Tiré depuis la rue Saint-Eutrope par Harry Lester, virevoltant entre les tables pour prendre la commande, apporter une assiette, superviser la cuisine, discuter le bout de gras, offrir un verre. Et pas n’importe quel verre. Et pas n'importe quelle taille. Un gros bonnet. 90 G 2018, la dernière cuvée de Yahou Fatal, la dernière gorgée de la dernière bouteille d’Harry, un vin effervescent qui ne l’était plus, un vin qui n’est plus. Dans l’assiette, au préalable, un bao (une grosse bouchée, d'influence asiatique, c'est baeau et c'est bon), une foccacia aux oronges, des pitis bébés encore dans l’œuf (limite infanticide, préparées façon champignons à la grecque), et un râble de lapin aux écrevisses, à damner un saint (Eutrope). Et dans le verre, un Pino Nwar qui se laisse gentiment détricoter. Du bonheur à l'état pur, dans le verre et l'assiette. On peut allègrement passer à l’étape suivante.
Chez Étienne
Perché sur les hauteurs de Saint-Nectaire, ce petit gîte 3 épis joliment rénové (il doit son nom à son dernier occupant, à la tienne!) fut le point de départ de nos escapades. Entre montagne et campagne, sur la route du fromage. Baptisés à la bouse de montbéliardes le jour même de notre arrivée, pour avoir eu la malchance de croiser frontalement un troupeau en transhumance, nous n'avons pas été franchement dépaysés, mais nous nous sommes largement vengés à grands coups de saint-nectaire, d'entrecôte de salers et de bleu de Laqueuille, dit
Le bleu de la Mémée, du nom de la principale coopérative qui le fabrique, ce qui est généralement à l’origine d’un running gag hilarant chez les crémiers facétieux. On ne lui reprochera que d'être majoritairement pasteurisé, même s'il est très bon. Les rares producteurs de bleu fermier n'étant pas légion, ni faciles à trouver, on ne négligera néanmoins pas celui du GAEC des étoiles, bio de surcroît, déniché pour le casse-croûte du retour. Premiers pas autour de notre domicile temporaire le premier jour, histoire de s’imprégner du lieu et de ne pas prendre la voiture un dimanche. Descente sur Saint-Nectaire et sa basilique trônant en haut du mont Cornadore, ascension du puy de Châteauneuf, petit coup d’œil aux étonnantes grottes creusées dans le tuf, juste sous le sommet, un habitat troglodytique plus qu’une cave à fromage haut perchée, crochet par le menhir de Freydefont et le dolmen de la Pineyre qui nous rappellent que l’on est bien chez les Celtes, au pays de Vercingétorix et d'Obélix, aussi, un peu.
Et puis, retour à Treizanches par la vallée de l’Ambre et Lanteuges (petit hameau sans grand intérêt touristique, mais au nom qui mérite bien des éloges), avant la raide montée de Sauvagnat, sur le tracé du GR30. Une quinzaine de kilomètres de décrassage des pieds en prévision de tous les autres "salissages" à venir. Go!
Pavin
À croire que le
Blog d’Olif a délaissé les chroniques vin pour devenir un succédané de
Carnets de rando! Perle du Puy de Dôme, le lac Pavin est un peu victime de son succès public, raison pour laquelle il vaut mieux ne pas l’aborder de manière frontale, via sa partie aménagée en vue d’accueillir un maximum de touristes avides de beaux paysages au moindre effort, la voiture garée à proximité de préférence, mais plutôt par la tangente, au départ de la zone nordique de
Pertuyzat. Au prix de quelques efforts pédestres supplémentaires, on peut commencer par se rendre, en passant par la tourbière du
lac de l'Estivadoux, au plus méconnu, mais tout aussi joli et beaucoup plus sauvage,
lac de Montcineyre, au pied du puy du même nom. Le mont des cendres, stratovolcan à double foyer, comme les lunettes de n’importe quel myope presbyte du siècle dernier. Domaine privé appartenant au Sivom du pays d’Issoire, qui s’en sert comme réservoir d’eau potable pour les jours de grande soif, ce dernier veille sur la qualité et la propreté de son eau comme sur la prunelle des yeux de Saint-Austremoine, le patron de la ville et, sans aucun doute, le surnom amical que l'on pourrait donner au prévenant et sympathique gardien venant volontiers à la rencontre de l'estivant randonneur pour le prévenir de l'interdiction de décrassage des pieds dans l'eau pure et potable du lac. Pour la petite histoire, chacun sait (ou pas) qu’Issoire est une ville célèbre, les jours ouvrables en fin d’après-midi, pour son industrie textile, son cratère d’explosion volcanique, ses édiles rachitiques, son aptitude à divertir, le caractère bedonnant de certains de ses habitants et son soutien à une figure américaine tutélaire spécialisée dans le recrutement militaire. Débrouillez-vous pour trouver ça drôle! *
Pour en revenir au lac Pavin, on peut en faire le tour, non sans avoir grimpé au préalable le Puy de Montchal, 1407 mètres de pur basalte. Vue imprenable sur le massif du Sancy, on n'en dira pas autant de la réciproque quelques jours après, mais c’est une autre histoire, à venir plus tard.
Vin
Dans vacances, il y a vin. Difficile de les envisager sans un petit verre, voire une petite bouteille si affinités. Du vin pour la soif, au retour de randonnée, mais pas que. Du vin local, mais pas que non plus. La famille Olif ne part jamais sans biscuit, même en région viticole. Histoire de voir venir sans mourir de soif. Parmi les vins dégustés (et les bouteilles bues), du beau monde. Carton plein pour Miolanne, dont nous avons pu goûter toutes les cuvées, ou presque, dont les petites (blanc, rosé et rouge, issues d'un achat de raisins pour pallier aux années difficiles), avant de finir sur la terrasse de leur bar à vins éphémère, au milieu des vignes. On en reparlera donc plus tard. Suivi par deux vins de Marie et Vincent Tricot particulièrement réjouissants, le Pino Nwar 2018 et le Petit rouge de la Côte Ouest 2019. Concernant les apports et imports, un Las Nubes 2018 de la SAS Dominique Derain, particulièrement atypique (pour un pinot noir du Chili) et un Atypique 2016 particulièrement bon pour un gamay de l'Orléanais (signé Reynald Héaulé). Fleurs de Cailloux 2011 de Jean-Philippe Padié a remporté haut la main la palme auvergnate du meilleur blanc minéral du Pays catalan, et pas uniquement parce qu'il était le seul dans sa catégorie. D'une jeunesse insolente derrière son petit air jurassien. Bravo Jean-Phi!
Pas vin, encore...
Le mauvais temps ayant un peu eu raison de toute velléité de randonnée, ce fut l’occasion de se balader entre lacs et cascades, entre maars et mares. Une histoire d’eau, sans la moindre trace de vin inside. Le maar aurait pu nous tuer, en d’autres temps, d’autres lieux, une autre orthographe, mais il ne s’agit ici que d’un cratère d’éruption volcanique résultant de la rencontre explosive de la lave en fusion et d’une nappe phréatique. Au final, un lac, circulaire et rempli d’eau. Le
lac Chauvet, entre Besse et Picherande,
François Mitterrand aimait à s'y ressourcer et en faire le tour après s’être repu d’ombles chevaliers dans la maison du gardien, en compagnie de quelques fidèles auvergnats, compagnons de sa route politique. Un rituel annuel moins médiatisé que son ascension de la roche de Solutré, mais un lac qui vaut le tour et le détour. Ne s’étant pas goinfrés d’ombles au préalable, nous nous sommes contentés d’une simple visite sur son bord. Sans chapeau, ni écharpe rouge, ni pardessus.
La palme du plus beau village méconnu au pays des couzes revient sans aucun doute à Saint-Floret. Les couzes, ce sont les rivières d'ici. Et en aucun cas une branche germaine de la grande famille celte. La couze Pavin, en filant vers le pays d'Issoire depuis le massif du Sancy, prend à la gorge du côté de Saint-Floret, qui la verrouille avec son château. Mais c'est depuis l'église de Chastel, premier emplacement roman de la ville, que la vue est la plus belle.
L'église préférée des habitants du coin, malgré celle reconstruite dans le bourg. L'originelle, avant que le château ne soit construit dans la vallée. Et de loin le plus beau cimetière du cosmos, reléguant celui du Père Lachaise au rang de vulgaire fosse commune. Point de célébrités enterrées ici, mais des pierres tombales d'époque, dans un excellent état de conservation, pour beaucoup datant de la fin du XIXème siècle. Sans doute que l'on meurt peu à Saint-Floret. Ou qu'il n'y a pas foule. Mais, prévoyants, les habitants ont prévu des tombes anthropomorphes constituées de sarcophages creusés dans la roche, permettant d'accueillir un grand nombre de défunts suite à une épidémie de peste bubonique ou de Covid-19.
Vin, à nouveau, tout de même!
Et du local, pour finir en beauté. Pas celui de Pierre Beauger, bien caché à Montaigut le Blanc et qu'il n'était pas prévu d'aller déranger dans son antre, mais celui du
domaine Miolanne à
Neschers, qui a la bonne idée s’ouvrir un bar à vins éphémère au milieu des vignes en été.
Un domaine repris en 2013 par
Jean-Baptiste Deroche et Laure Cartier, immédiatement converti au bio, qui propose de jolies cuvées sur ponce ou sur basalte. Une jolie façon de présenter leur travail et leur philosophie au milieu des vignes, avec une planche de charcuterie de qualité ou une assiette de truite fumée.
L’éphémère, c’est aussi le nom d’une carbo de gamay particulièrement glou. Cela ne m’étonnerait pas qu’on retrouve une de leurs cuvées dans le
Glou Guide 3**, à ces deux-là.
Hors piste est un assemblage original de deux parcelles de gamay, l’une sur ponce, l’autre sur basalte, un vin charnu et épicé, bien structuré. Tout comme le
Pinot noir, aux faux airs bourguignons, mais bel et bien né sur le volcan. Le
Tartaret, dernier volcan du massif à avoir craché ses flammes et dont la coulée de lave s'est arrêtée du côté de Neschers, "le nez de cheire". Une langue volcanique à l'origine de la grande variété de terroirs rencontrés par ici et du caractère original des vins.
Pas vin, mais bière
Le top de la binouze estivale fut sans contestation possible la Mienguette de la brasserie Gaïa, à Picherande. Labellisée Nature et Progrès, elle est élaborée avec de la gentiane du Sancy et ça se sent. Elle doit son nom aux habitants de Picherande, les "Miengués", qui veillent jalousement sur la hauteur de leurs gentianes pour connaître l'enneigement de l'hiver à venir et le volume de Mienguette que pourra élaborer la brasserie du Sancy.
Brouillard au puy de Sancy
C’était l’épreuve reine de la semaine, la raison essentielle d’être venus randonner en Auvergne : le tour de la Vallée de Chaudefour avec l’ascension du Sancy en prime. Une vallée réputée secrète, mais néanmoins ultra fréquentée par le touriste ou le randonneur moyen en période estivale. Autant dire qu’il fallait bien viser pour trouver la meilleure fenêtre pour un peu d’intimité ou un minimum de distanciation et, ainsi, éviter d'avancer masqués. De tous les orifices, je n’en connais pourtant que deux chez l’homme (trois chez la femme) qui peuvent justifier, de façon coutumière une obturation publique, à l'exception de la fréquentation assidue des plages du Cap d'Agde, entre autres. Et, alors, une simple culotte suffit. Partir tôt était une option, nous l’avons retenue. Randonner par temps complètement bouché en était une autre, nous l'avons retenue également. Un peu contraints. Six heures de rando humide et vivifiante dans les nuages, que l'on aurait pu effectuer aussi bien avec le masque sur les yeux, sans perdre une miette des panoramas alentours à couper le souffle, surtout après la raide ascension finale du Sancy. Au sommet, la foule. Et, même, des connaissances haut-doubiennes, arrivées de façon synchrone au sommet depuis Super-Besse. Même endroit au même moment, à des kilomètres de la maison jurassienne, sans concertation préalable, le monde est décidément bien petit. Il faut croire que les téléphériques de la Perdrix et du Sancy sont équipés d'antibrouillards. Une fois le retour amorcé, en direction du puy de Cacadogne, un calme relatif revint. Les yeux toujours brouillasseux, la désescalade nous a finalement ramenés vers la lumière, malgré le plafond toujours gris.
La preuve en images...
La Dent de la rancune et la Crête de coq, roches erratiques de la vallée de Chaudefour, prêtes à l'affrontement dans la purée de pois
Champgourdeix, puy sans fond...
Les gentianes des alpages du puy de la Perdrix sont hautes au point de se perdre dans le brouillard, il va y avoir de la neige cet hiver au Sancy!
Le Sancy, 1886 mètres de pur bonheur et panorama à 360° sur le nuage de brouillard alentour
* une réminiscence de «
Pendant ce temps à Landerneau », supplément du journal « À suivre » dans les années 80, inspiré du fameux Trombone illustré, paru dans Spirou, et animé par les mêmes Yvan Delporte et Franquin.
** ouvrage indispensable publié aux
Éditions Cambourakis, à paraître le 19 août et à retrouver dans toutes les bonnes librairies et chez tous les bons cavistes