Du Plomb dans l’Ale
Cinq heures ! C’est exactement le temps qu’il m’a fallu pour boucler une randonnée d'une petite vingtaine de kilomètres sur les crêtes du Puy de la Tourte et trouver un titre à la hauteur de ma réputation pour ce billet de blog. C'est généralement dans l'effort que le cerveau mouline le mieux, une façon d'oublier la souffrance de l'endurance. Il me fallait un intitulé qui soit l’exact reflet de ces vacances 2021, mais pas tout à fait. Désolé, Marie-Chantal, une semaine au pied du Puy Mary dans le Cantal, ce n’est pas snob. Il fallait même une bonne dose de zénitude pour tolérer une météo cantalou plus que maussade, pour ne pas dire particulièrement plombée, mais finalement pas pire qu’ailleurs en France ou en Europe, pensées pour nos amis belges et allemands, entre autres. Ce titre n’est pourtant qu’un leurre. Il ne s’agit nullement d’un tour d'horizon des micro brasseries auvergnates, pas plus qu’il ne sera question de l'ascension du Plomb du Cantal, deuxième plus haut sommet d’Auvergne, aussi invisible lors de ce séjour que le Sancy ne le fut l'année dernière, pour cause de bassesse du plafond nuageux.
Crat'R, sympathique et désaltérante bière volcanique d'Auvergne, qui ne troue pas l'estomac, en plus d'être raccord avec le titre
Chassignolles, l’étape qui va bien
Qui va à Chassignolles perd sa placignolle. Palme du détournement de dicton le plus débile (le détournement ou le dicton, au choix), mais, en même temps, c’est pas faux. Ce lieu improbable, perdu au milieu de nulle part et du Brivadois-Livradois, quand il se livre à toi, est juste magique. Un endroit rythmé par les cloches ultra précises de l’église médiévale, sonnant au quart d’heure, jour et nuit, avec un emballement subit sur les coups de 7 heures, soir et matin. Quand tu arrives sur la place du village, c’est un peu comme une remontée dans le temps. Tu te poses, tu bois un verre en terrasse, tu bouquines, tu joues aux boules ou au baby-foot et puis c’est tout. Et le soir, tu dînes, à 20 heures précises. Menu unique du marché préparé par Peter Taylor, arrosé des meilleurs vins nature d’Auvergne ou d’ailleurs, sélectionnés par Zoé. Intro par la Clé de 13 de Marie et Vincent Tricot, binouze auvergnate ambrée, qui desserre bien les écrous, avant d'embrayer sur une petite merveille, l'Oxy de Justine Loiseau et Patrick Bouju, d'origine alsacienne, élevé 5 ans sous voile de jaune jurassien, pour finir par lâcher prise avec G(u)ri, gamay d'auvergne épuré et égrappillé par Catherine Dumora. Final en apothéose avec le macabeu rancio 2015 de Mazière par Fabrice Monnin. Y-a-t-il plus belle auberge sur terre?
Le Puy Mary à tout prix
Plus grand stratovolcan d'Europe et ensemble géologique complexe, les Monts du Cantal sont découpés en une immense étoile volcanique qui héberge en son sein des courbes particulièrement affriolantes sur lesquelles les mains et les pieds ne se font pas prier de gambader.
Le Puy de la Tourte, au galbe quasi parfait et au téton de basalte, est ardu à titiller depuis le Suc de la Blatte. Ce fut la cerise sur le gâteau de cette randonnée qui l'abordait par dessous la ceinture, depuis la hêtraie d'altitude du Bois Mary. Du fait d'une erreur d'aiguillage initiale, rallongeant le circuit de 3 ou 4 petits kilomètres, je n’avais plus faim pour l’ascension processionnaire des marches du Puy Mary, au milieu des cris d’enfants martyrisés que l’on contraint à grimper pour la photo et de la dyspnée assourdissante de mémères asthmatiques, obligées de s'époumoner une marche sur deux pour avoir succombé à la tentation d'une élévation spirituelle de 1787 mètres. Alors que pour 60 mètres de moins, elles pouvaient se payer une Tourte. Première et magnifique prise de contact avec les crêtes des Monts du Cantal, pour la seule sortie ensoleillée de la semaine. Par la suite, on n'y verra plus grand chose. Inutile de dire que le stratovolcan est loin de nous avoir livré tous ses secrets.
Le vrai du Le Fau
Randonnée du soir, espoir. Celui d’une petite fenêtre météo un peu plus favorable, même si elle fut néanmoins particulièrement humide. Départ de Le Fau, au fond de la vallée de l’Aspre, en quête d’une cascade que l’on ne trouvera jamais, pour cause de mauvaise lecture de la carte (encore!). Initiation au canyoning dans le moindre sentier en pente, traversée d'un ou deux gués à la nage, l'eau n'a pas manqué ce jour-là, de la tête aux pieds. Rattrapés par la pluie en fin de parcours, nous ne prendrons pas le temps de nous rendre au lieu-dit « Les Grosjeans » figurant sur la carte IGN, manquant ainsi un final en apothéose, à notre grand dam. Ne venez donc pas nous chercher là-bas. La vie vous joue de ces détours, parfois!
Les parapluies d'Aurillac
Force est de constater qu’en ce mois de juillet 2021, la préfecture du Cantal avait mis les petits plats dans les grands et bien fait les choses. Journée pluvieuse, capitale du parapluie heureuse! La maison Piganiol se frotte les mains dès qu’il y a baleine de parapluie sous averse de plancton. Pour arriver jusqu’à Aurillac, en suivant la vallée de la Jordanne, il a fallu aller à Lascelle. Toujours un bon moment en perspective, même l’après-midi, même quand on est du matin. L’affaire fut vite entendue et la ville réputée la plus froide de France nous tendait les bras. Sauf celui qui tenait le parapluie, évidemment. Traversée de long en large sous un plafond de pébrocs, avant un retour au sec dans notre petit coin de paradis bien à l'abri.
Le Salers de la peur
Tout d’abord, une mise au point. Salers se prononce « Sale air »(ou [sa-lêre]), ce qui contribue à rendre le jeu de mot du titre imparable et irrésistible, à défaut d’être approprié, le petit village cantalou n’ayant de fait rien de particulièrement effrayant. Pour la vache et le fromage, on prononce pareil. Un coup à pouvoir désormais faire son intéressant devant son boucher ou son crémier, qui jamais, auparavant, ne m'avait repris sur la prononciation. Dire que cela fait plus de 50 ans que je me fourvoyais dans l’erreur et que je ne l’ai appris pas plus tard qu’à la veille de partir, totalement par hasard. Particulièrement bien préservé, c'est l'un des plus beaux villages de France du Cantal, avec Tournemire, où nous ferons un passage éclair. Et l'un des plus beaux fromages de France. Et l'une des plus belles vaches de France. Manger au retour de vacances une côte de bœuf de Salers accompagnée d'un aligot, puis d'une tranchette de fromage de Salers, AOP élaborée uniquement avec du lait de vaches à l'estive, en buvant un verre de pinot noir auvergnat de Marie et Vincent Tricot, aide à prolonger les vacances avant de reprendre le train-train quotidien du bon pied.
L’épicerie de Dienne, un bien fou
Suite à une publication Instagram au sujet de la plus belle auberge de Chassignoles de la terre, on m’a glissé dans l’oreillette du réseau social que l’Épicerie de Dienne pouvait tenir la corde. Située à tout juste 3 cols de notre lieu de villégiature, l'occasion était trop tentante pour ne pas se laisser séduire. Toujours un Anglais aux fourneaux, Christopher Wright, venu se nicher dans la vallée de la haute Santoire après avoir timbré quelques années à Paris. Trois chambres, un gîte, une épicerie bio et quelques tables pour le couvert. On y mange une cuisine particulièrement goûteuse, simple et précise, élaborée pour mettre le produit en avant. On l'arrose d'un joli vin nature, judicieusement sélectionné. Parmi ceux-ci, l'objet de tous les désirs cantalous, depuis la traversée de Molompize: Badoulin, de Stéphan Elzière, le vin du Cantal. Pas le seul, puisque qu'on en trouve aussi du côté d'Entraygues, mais celui des Monts du Cantal. Pour être précis, seule une toute petite partie des vignes, donnant naissance à la cuvée Palhàs, se trouve dans le Cantal, le reste étant situé dans le Puy de Dôme voisin, suite au rachat du domaine de Philippe Grenier, créateur du Badoulin originel. Impossible d'en trouver une quille du côté de Salers ou d'Aurillac. Mais à l'Épicerie de Dienne, si. Et en haut du Col de Serre le lendemain, jour du départ, lors de derniers achats pour la route, aussi.
Sur la route du retour au gîte, en franchissant le Pas de Peyrol, l'envie d'une ascension nocturne du Puy Mary fut grande, finalement inassouvie. Le plafond nuageux, bien que remonté, ne dépassait pas les 1600 mètres d'altitude.
Oh Malhou, Oh Malhou, Oh Marilhou
C'est l'air qui trotte dans la tête pour le restant du séjour, une fois effectuée une randonnée jusqu'au col d'Aulac, en direction de Trizac, pour découvrir les « Cases de pierre », à l'entrée du Bois du Marilhou: Cottheughes, vestige d'un village médiéval dont ne subsistent que les fondations de cases révélées au grand jour au début du XXème siècle. Une remontée bienvenue dans le temps et sur les crêtes, après deux jours de pluie intensive.
Savoir se faire violence
Malgré des prévisions météo plutôt optimistes pour ce vendredi 16 juillet, l'embellie a finalement tardé à venir. Pas de pluie, mais un temps couvert gardant les crêtes embuées. Tant pis, l'ascension du Puy Violent depuis Récusset n'attendra pas le retour des beaux jours, nous aurons déjà quitté le Cantal. De violent, ce puy n'a que le nom, puisque son patronyme viendrait d'une déformation de « Puy Bêlant », voire « suc d'en bioulant », souvenir de l'époque où l'ovin transhumait plus volontiers sur ses pentes que le bovin, fût-il de Salers. Et, de fait, nous avons plus rencontré de vaches dans la brume que de moutons ou de gorilles, en grimpant tout là-haut. La vue sur la ligne de crêtes jusqu'au Puy Mary ne sera pas au rendez-vous, laissant une petite pointe d'amertume sur les yeux, pour cette deuxième plus longue randonnée de la semaine (18 km pour 762 mètres de dénivelé), amertume qui n'était pas due à la grande gentiane jaune qui prolifère joliment sur les hauts plateaux auvergnats.
Sans doute faudra-t-il revenir en pays cantalou pour faire un peu mieux le tour du volcan. Ce sera avec un plaisir non dissimulé.