Ivre de vin et de lecture...
Nouvelle partie de tsundoku* sur le blog d'Olif avec, cette fois, une pile beaucoup plus petite que la fois précédente et qui a, de ce fait, déjà entièrement été lue, et même plutôt deux fois qu'une, ce qui est un énorme avantage pour pouvoir en parler en connaissance de cause. Deux livres sur le vin, le premier sur la façon de le faire, le deuxième sur la manière de le boire et ses conséquences. Au final, le même amour pour le jus de la treille.
* je rappelle ici brièvement le principe du tsundoku, qui consiste à remplir une grille avec une pile de livres que l'on peut lire en long, en large ou en diagonale, mais dont la somme doit au moins être égale à celle des connaissances acquises à la lecture de l'ensemble des ouvrages, même si tout ça n'est pas bien clair.
Un autre vin, de Valentin Morel, Flammarion
Il fallait bien un vigneron, confronté de plein fouet et en personne aux mutations de la vigne consécutives aux aléas climatiques, pour en parler avec le plus d'acuité. Seul un vigneron pouvait d'ailleurs consacrer un paragraphe entier au bon usage de la pioche, de la brouette ou d'une cuve à plafond mobile. Et c'est là que l'on comprend mieux que le métier de vigneron n'est pas toujours un métier facile. Écrit à la première personne et nourri de ses propres expériences, Valentin nous parle avec humilité et droit dans les yeux pour nous faire part de ses doutes, de ses inquiétudes, de ses espoirs aussi, heureusement. Notamment dans le recours aux hybrides, injustement honnis et mis au ban de la viticulture depuis les années trente. Devant ces événements climatiques qu'il subit depuis son installation et la reprise du domaine familial, Valentin s'est d'emblée intéressé à ces cépages interdits, les expérimentant en plantant dès ses débuts une parcelle vierge avec des résistants soigneusement sélectionnés. "Les mains dans le cambouis, mais pas un genou à terre", du nom d'une de ses cuvées hybrides, inspiré par le groupe La Canaille, Valentin Morel fait œuvre de salubrité publique, tout comme ses autres collègues passionnés par ces cépages mal-aimés (Lilian Bauchet et Didier Grappe en tête), en contribuant à nous permettre de, peut-être, produire et boire encore du vin en France, lorsque le climat y sera devenu sub-saharien.
Afin de faire la transition avec l'ouvrage suivant, j'anticipe tout de suite la question qui brûlera sans doute les lèvres d'Alicia Dorey, éditorialiste responsable de la rubrique vins du Figaro Magazine et "seule lectrice de droite du Glou Guide", si l'on en croit Jérémie Couston, co-auteur des trois premières éditions de cet ouvrage indispensable à quiconque a tendance à mourir de soif devant son verre de vin conventionnel, Jérémie qui en connaît également un rayon en matière de roues de vélo, de coups de pédales et de gourdes remplies de vins nature: "Est-ce que l'ivresse procurée par un autre vin est susceptible de se rapprocher de celles décrites dans mon livre?"
À nos ivresses, d'Alicia Dorey, Flammarion aussi
Le joli livre que voilà. Pas un éloge ou une apologie de l'état d'ébriété, plutôt une réflexion sur cet état d'excitation euphorique capable de nous emporter très loin, très haut ou tout en bas, jusqu'au fond du trou, selon les cas. Ivresse des cimes ou des profondeurs, cela vaut aussi pour celle procurée par l'alcool. Si travailler dans le monde du vin peut être épanouissant, c'est un domaine d'activité potentiellement dangereux. Alicia Dorey nous livre ici un récit intime sur la relation qu'elle a pu entretenir avec ce poison si délicieux, sur la façon dont l'ivresse peut être perçue par autrui, avec toutes les considérations sexistes que cela peut aussi impliquer, et ses répercussions sur le quotidien, l'amour, la famille ou les voyages. Comment la gérer quand on s'expose, de par son métier, à d'innombrables tentations? Faut-il s'y abandonner ou tenter de la maîtriser pour nager en plein oxymore? Dans son ouvrage d'une grande sincérité, Alicia regarde son lectorat droit dans les yeux. Comme sur le bandeau de couverture, l'un des rares que je n'ai pas retiré pour le jeter, une fois le livre acheté. Alors, comme Baudelaire et comme Alicia Dorey, laissez-vous aller, lâchez parfois prise et "enivrez-vous, sans trêve, de vin, de poésie ou de vertu, à votre guise, mais enivrez-vous."
Commentaires
Enfin un article , mr Olif ; je desesperais a l idée d un été qui se profile à l horizon , devancant meme une printanniere rubrique !!!
Serait ce l année 2023 qui , en te donnant un statut de sexagenaire , tarisse tes inspirations ?
Souhaitons plutot le contraire
bon vent
thierry