C'était au temps où Bruxelles vroumait, c'était au temps où Bruxelles se rebellait. Vroum! C'était pas plus tard que la semaine dernière, à l'heure où j'écris ces lignes. C'est dire si c'est déjà loin. Vini Birre Ribelli, le salon nature qui manquait à Bruxelles et à la Belgique toute entière. Bien sûr, il y eut Olne (sweet Olne), le salon qui sera désormais au bon goût de Liège, puisqu'il va emménager Outremeuse en 2015. Il y aura maintenant le salon du vin et de la bière rebelles. 80 vignerons, 13 brasseurs, un peu moins de 100 rebelles à l'are. Hilares pour la plupart. Associer vins et bières dans un même esprit rebelle ne fut possible que grâce à la ténacité, que dis-je, la pugnacité de Patrick Böttcher, super héros belge et apotheker à ses heures perdues, bien secondé par l'irrésistible Jean Hummler, roi du Moeder et du lambic, de Fontainas à Saint-Gilles. Initialement orienté vers les vins naturels italiens (d'où son titre en version originale non sous-titrée), le salon s'est gonflé de la présence de vignerons français venus en nombre se délecter de croquettes de crevettes et de cuberdons, en plus de la pasta et du risotto. Un vaste melting potes avec quand même pas mal d'Alsaciens, même si la monomanie de l'Apotheker est devenue schizophrène, déchirée entre Italie et Alsace. Ses énormes capacités d'absorption ne l'ont pas non plus empêché de convoquer, cachet de l'Hôtel de la Poste-Tour&Taxis faisant foi, Languedoc, Roussillon, Loire, Bordeaux, Beaujolais, voire Jura, à la grande tablée du vin nature et/ou naturel, si tant est que ça existe. Une grande famille du vin et de la bière, qui va du vin bio au biodynamique en passant par le nature, de la gueuze à la bière conceptuelle, élaborée dans une optique d'accord avec les mets. Bref, ce week-end là, à Bruxelles, pincez-moi si j'ai rêvé, il y en avait pour tous les goûts.
Crédit photo: quelqu'un qui n'est pas dessus...
La grande leçon à tirer de ce gigantesque barnum birro-vino-transalpin fut la facilité à passer de la dégustation du vin à celle de la bière (et réciproquement), du vin français au vin italien. Un véritable plaisir et en aucun cas un problème. Beaucoup de découvertes à faire (trop?), deux jours pleins n'y ont pas suffi. Il y avait pourtant largement de quoi développer son côté rebelle et même d'en débattre.
Crédit photo Florence Andrieu
À deux reprises, même. D'abord une doublette italienne célébrée pour sa Résistance naturelle (Giovanna Tiezzi Pacina et Stefano Bellotti) et encadrée sur les bords par le grand maître de cérémonie en personne. Et puis une triplette emmenée par un Laurent Mélotte en grande forme, qui nous a appris qu'en Belgique, le simple fait de mettre un moine sur une étiquette faisant vendre des milliers de bouteilles de trappiste, une bière largement galvaudée, très peu naturelle et encore moins rebelle. En France, avec le même moine, on n'arrive d'ailleurs qu'à vendre du camembert Président...
Instavini, instabirre, instaribelli
En quelques clichés Instagram pris sur le vif, retour, de façon non exhaustive et totalement subjective, sur quelques éléments marquants de cette première édtion de Vini Birre Ribelli, que l'on peut déjà taxer de réel succès.
Premiers vins dégustés et premier coup de cœur pour les vins de la Tenuta Grillo. Dont ce Sancho Panza, un fiano de Campanie vinifié dans le Piémont par Guido et Igiea Zampaglione.
Un peu de whisky pirate dans ce monde de vins et de bières rebelles grâce à la présence de Jean Metzger, avec en avant-première, un échantillon élevé en fût de vin jaune, au nom et à l'emballage astucieux, et ce magnum ultra-limité, élevé en fût de Rasteau. Uberach uber alles!
Grâce à la Mousse à Zigui, finis les mèches rebelles et les épis de travers. D'après Pierre Guigui, il paraît qu'elle peut même faire revenir l'être aimé.
La bière des Franches Montagnes (BFM), celle qui te cause dans le poste quand tu la bois! Plus particulièrement cette bière de saison, La Saison, même s'il n'y en a plus (de saison).
Délicieuses fleurs de terroir chez Brigitte et Vincent Fleith avec, en bonus, une intéressante comparative de pinot noir avec et sans sulfites ajoutés.
Gros coup de cœur pour le Vino di Anna, une boisson volcanique qui te lave l'intérieur tellement ça glisse tout seul, blanc comme rouge, et même le rosé.
Gueuze jaune, version 1. Lambic Cantillon élevé pendant 3 ans dans un fût de jaune de Stéphane Tissot, une couleur et un décolleté incroyables! La version 2, goûtée le lendemain à la brasserie, a juste bénéficié d'une finition jaune de 4 mois. Peut-être tout aussi efficace.
En avant chtout! La Franche fait sa Révolution, façon stout. Et cha décoiffe! Ah! cha ira, cha ira...
Le blanc de France Crispeels, au nom qui claque bien. Ultraviolet, Peau rouge et Petit diable ne sont pas en reste. Du vin qui réveille, comme le nom du domaine l'indique.
Before, after, extras...
Un salon de ce calibre et un tel déplacement, ça se prépare longtemps à l'avance. Une fois en condition, les choses sont tellement plus faciles. Après les moules-frites jurassiennes, les moules frites façon Nordzee. Sans frites, mais bel et bien frites. "Fritti", a cru bon de préciser, en italien dans le texte, la poissonnière de la mer du Nord, histoire de ne pas tromper le chaland.
Les Brigittines de Dirk Myny trop petites pour accueillir la foule ayant répondu présent à la première soirée vigneronne, un petit groupe s'est expatrié du côté d'Orphyse Chaussette après l'apéritif collectif.
Rien à regretter, si ce n'est la séparation d'avec le gros de la troupe, grâce à la cuisine ensoleillée du sudiste Philippe Renoux, expatrié à Bruxelles, lui, depuis une bonne dizaine d'années maintenant.
Cerise sur le gâteau, la visite de la brasserie Cantillon le lundi matin valait le détour, même s'il s'agissait d'une révision, en quelque sorte. Toujours le même plaisir, j'en ai bien peur, et trois magnifiques gueuzes en dégustation, dont une sublime 2006 au vieillissement harmonieux.
Tous dans le bus ou dans la caravane pour un after vigneron à Ixelles, au Garage à manger, un concept bien plus séduisant qu'un pique-nique sur une aire d'autoroute. Tartare de saumon à la betterave, sandwich à la choucroute, gaufre au cuberdon, autant de petits bonheurs miniatures arrosés des restes du salon.
Un after vigneron ne serait rien sans les prolongations à la bière et c'est à Saint-Gilles, au Moeder Lambic originel, que Vini Birre Ribelli s'est clos en apothéose. Les rebelles pouvaient aller se coucher le cœur et l'estomac sereins, après avoir siroté quelques bières, dont deux petites merveilles de gueuze, millésimées 2008 et 2010. Déjà prêts à en découdre à nouveau l'année prochaine, j'en ai bien peur...
Olif