"Y'a tout à l'heure
15 jours de malheur
Mon vieux Layon
Qu'on est parti
Du paradis
De l'accord...
euh...
... dayon..?"
Hmmm!...
Ainsi aurait pu chanter le Grand Georges, s'il avait eu la chance de connaitre les nouvelles heures de gloire de l'appellation angevine. "Le Layon, ça ruine et ça déruine!" a dit en substance son père à Joël Ménard lorsqu'il a décidé de poursuivre l'aventure viticole du côté de Rablay, sur les rives du Layon, délicieuse rivière angevine réputée pour son brouillard automnal autant que matinal, générateur de botrytis noble sur des grains de chenin qui n'attendent plus que cela pour rôtir doucettement la journée au soleil. Le Layon, ça ruine, lorsque l'on produit, comme dans les années 80, en grandes quantités, et que l'on vend difficilement, même à bas prix, des vins surchaptalisés au Beghin Say, et pourtant impropres à sucrer le moindre café. Ça déruine, lorsque l'on sait faire preuve de discernement, que l'on vinifie intelligemment, de préférence en bio, sans chaptaliser, en diversifiant sa production, rouges, blancs, moelleux et liquoreux, tout en insistant sur la qualité du raisin, donc inévitablement sur celle du vin à l'arrivée.
Vignerons engagés, militants du bio, du bon, de la qualité, adhérents de la première heure au groupe Sapros, groupe actuellement en sommeil mais à l'initiative du véritable renouveau qualitatif des vins liquoreux, Christine et Joël Ménard, du domaine des Sablonnettes, sont des vignerons attachants, fiers de leurs convictions. Et brillants! A la tête d'un domaine de 12,5 ha, dont 9 sont consacrés au chenin, ils ont su le pérenniser en restant tout en haut de la hiérarchie viticole angevine.
Lorsque Philippe Rapiteau leur a proposé une Carte Blanche, à l'occasion de ces 6èmes RE-VE-VIN, ils l'ont pris au mot. Et n'ont amené que du blanc avec eux. Ça tombe bien, c'est ce qu'on souhaitait. Et beaucoup de sucres, aussi, puisque la thématique du dimanche matin est plutôt réservée aux liquoreux. On a été gâtés, après une petite mise en bouche par deux superbes blancs secs.
1. Le P'tit blanc 2008, vin de table: nez mature, fruité, avec une touche de fleurs blanches. Bouche fraiche, droite et fruitée. Joli! ***
2. Anjou Le Clos des Saules 2007: la robe dore légèrement, le nez est fait de miel et d'épices, avec des notes d'herbes sèches. La bouche est riche, dotée d'une grande acidité. Elle possède tension, droiture et richesse sur une finale épicée. Superbe! ****
3. Coteaux du Layon Fleur d'érable 2008: robe plutôt pâle, nez sur la poire, bouche fraiche et acidulée, type bonbon au fruit, équilibre frais et moelleux. 70g de sucres résiduels. ***
4. Coteaux du Layon Vieilles vignes 2008: nez fruité primaire avec une petite note minérale carbonifère, graphite. Bouche nette, acidulée et fraiche, grande finesse des sucres (90 g). ***(*)
5. Le Fruit défendu 2008, vin de table: robe légèrement dorée, nez sur la poire William, belle rondeur fruitée en bouche, grande onctuosité de la liqueur, riche, mais avec une grande acidité porteuse. Finale nette, laissant la bouche fraiche. Il s'agit de sauvignon botrytisé, ce qui ne lui donne pas droit à l'appellation Layon, évidemment. ****
6. Coteaux du Layon La Bohème 2005: robe dorée, nez sur le bonbon au miel, l'abricot, le graphite et la mine de crayon. Onctueux et riche en bouche, on sent la grande concentration induite par le millésime solaire. Du coup, la finale est un peu sucrée, moins fondue et nerveuse que sur les vins précédents, même si, d'après Joël Ménard, il semble réamorcer une certaine vivacité. Demande probablement encore du temps. ***
7. Coteaux du Layon Les Erables 2007: robe dorée, nez rôti, très botrytis, bouche exceptionnelle, sur l'ananas, les fruits exotiques, superbement acidulée avec beaucoup de persistance. 180 g de SR. *****
8. Coteaux du Layon Le Vilain Canard 2005: une parcelle qui sera définitivement déclassée dans quelques années parce que jugée insuffisamment qualitative pour l'appellation. Avant son chant du cygne, elle produit toujours un très beau vilain petit canard, riche et confit qui, en ce millésime 2005, manque un peu de fraicheur en finale, terminant plutôt sur des notes de caramel au lait. 240 g de SR. ***
9. Coteaux du Layon Quintessence d'érable 1997: THE millésime ligérien de la précédente décennie, dont nous aurons goûté pas mal de spécimens à l'occasion des RE-VE-VIN au fil des années. La robe est ambrée. Le nez, superbe, décline l'abricot confit, des notes rôties de botrytis et d'autres, plus tourbées, façon Islay. La bouche est grandiose, magnifique, d'une grande longueur, avec une acidité remarquable faisant exploser de joie les papilles. 240 g de SR. Pour le coup, ça vaut bien une sixième étoile! ******
10. Coteaux du Layon PMG 1997: 97, année de tous les possibles, ayant donné naissance à des cuvées hors normes, dont certaines, en quantité infimes, n'ont jamais été commercialisées, réservées au gargamel du vigneron. Pour sa gueule, quoi! 32° naturels potentiels! La robe a des airs de vieux Cognac. Il faut dire que, depuis la veille au soir, on est devenu spécialistes, sous le patio du Chai Carlina. Nez sur les fruits secs, le menthol, l'abricot, la datte séchée. La bouche est onctueuse, mais fraiche, sur une finale saline. Un vin de méditation, à réserver aux moments d'exception, ou alors à prendre comme un dessert, pour lui-même. "Le dessert est dans le vin", d'après Joël Ménard. Et même pas besoin de cuiller! 380 g de SR. *****
11. Murmures 2005: derrière ça, la logique eut voulu que l'on s'arrête, parce que pas grand chose ne pourrait supporter le choc. Sauf un vin oxydatif, peut-être? Pas du vrai Jaune, celui de mes congénères jurassiens, mais un Chenin élevé en vidange pendant 3 ans. Le nez est légèrement marqué éthanal, d'abord sur la croûte de vieux fromages, puis sur la noix verte et la pomme. En bouche, le caractère oxydatif est bien marqué, avec du fond, une relative finesse. Dans le genre "space", plutôt une belle réussite que je vois bien supporter la comparaison avec nombre de savagnins oxydatifs du Jura. A tester dans une dégustation à l'aveugle? Une curiosité sympa et originale! ***
Jamais à court, Philippe Gallard, le virevoltant patron du Chai, nous sort derechef le même, en millésime 2002, ouvert depuis plusieurs jours, voire semaines, et destiné à finir ses jours en cuisine. Une idée judicieuse (celle de lui faire terminer sa carrière dans une sauce), car, effectivement, le vin est passé, véritablement oxydé en bouteille. Il fallait oser nous le proposer! Sacré Philippe, qui ne recule devant rien! Gardons donc en bouche le souvenir de ce délicieux murmure angevin précédent (le 2005) et, surtout, de tous ces admirables vins du domaine des Sablonnettes qui contribuent à faire du Layon une des plus grandes régions françaises productrice de vins liquoreux!
La Carte blanche à Christine et Joël Ménard vue par d'autres Revevineurs ici ou là.
Olif