Date: le 11/10/2004 à 19:58
...ou A la recherche de l'équilibre méridional ...!
Rarement un domaine n'aura porté aussi bien son nom! Réunis par la
passion du vin (et par La Passion du Vin), 16 millésimes du Château
Beaucastel en rouge, complétés de 4 millésimes de la cuvée Vieilles
Vignes en blanc, (ainsi qu'un pirate, pour que le compte soit bon!), se
sont alignés sur la table de l'Ecole d'Hôtellerie de Florennes, en
Wallonie. Au pays de la bière, au cÅ“ur d'une région très « wallonnée
», dont les courbes joliment arrondies répondent à celles des
autochtones du beau sexe, aussi délicatement rebondies. Fin de l'aparté
poétique!
Les Blancs
On commence par les blancs, servis dans un ordre de millésime
décroissant, et augmentés d'un intrus à l'aveugle. Les robes sont
similaires dans les teintes, plus soutenues en 1997 et 1999, presque
ambrées, hormis celle du dernier verre, immédiatement identifié comme
étant l'intrus, beaucoup plus claire, jaune pâle.
Château Beaucastel 2000 Vieilles Vignes
Le nez est miellé, sur des notes un peu fermentaires de coing, de
pomme cuite. La texture est onctueuse, élégante, grasse, limite
huileuse, affichant une belle longueur. Son immédiateté le rend très
aimable et plaisant.
Noté: le plus séducteur!
Château Beaucastel 1999 Vieilles Vignes
De prime un peu moins ouvert, il ne se dévoile qu'à l'aération pour
s'imposer comme le plus dense et le plus profond. Moins gras que le
précédent, il possède en contrepartie un meilleur équilibre du fait
d'une tension beaucoup plus ferme.
Noté:le plus profond!
Château Beaucastel 1998 Vieilles Vignes
Visiblement en provenance de Liège, dont il a rapporté le célèbre
goût, il aurait eu pour lui une structure plus que bien bâtie. Le
bouchon l'emporte néanmoins sur la pomme! Dommage!
Noté:vrouklets! (le plus bouchonné en franco-provençal des Fourgs!)
Château Beaucastel 1997 Vieilles Vignes
Miel et amande, sur fond de tarte tatin, s'affichent dans un style
légèrement oxydatif, portés très loin et pendant longtemps par une
acidité marquée. Un peu strict dans son expression pour l'instant,
c'est un style que j'aime beaucoup et qui devrait à mon avis acquérir
de la grandeur au vieillissement.
Noté: le plus oxydatif!
Château Rayas 2000
Est-ce la différence de couleur qui joue en sa défaveur? Mais à
l'image de sa robe un peu pâle, il fait pâle figure derrière
Beaucastel, manquant de chair, maigrelet, presque aqueux et dilué.
Décevant!
Noté : le moins Beaucastel!
Fin de la série des blancs avec une plutôt très bonne impression
sur cette cuvée Vieilles Vignes, malgré la bouteille bouchonnée, et le
sentiment d'avoir dégusté un vin dense et profond, riche et élégant,
taillé pour affronter les meilleurs plats en cuisine.
Les rouges:
Les vins sont servis par série de 5, par ordre de millésime
décroissant, hormis le 1969 qui est dégusté seul, en dernière position.
Château Beaucastel 2001
Une bombe de fruits noirs qui pète au nez, accompagnée de réglisse
et de goudron, avec des plumes aussi, ce qui rend les tanins soyeux et
patinés, dans un style résolument sudiste, rétrospectivement différent
de celui des vins qui vont suivre.
Noté:le plus éclatant!
Château Beaucastel 2000
Un nez riche et complexe, fruité, floral, légèrement viandé, épicé
(cannelle), d'une élégance folle. Tout en finesse, il ne roule pas les
mécaniques, s'imposant en douceur et dans la durée.
Noté: le plus élégant et racé!
Château Beaucastel 1999
Une matière dense, fermée et austère, avec des tanins encore ardus.
Je ne l'ai pas bien goûté ce soir-là , tout en lui reconnaissant un
grand potentiel. Il mérite d'être revu dans quelques années. Il n'y a
pas urgence!
Noté:Noté: le plus sévère!
Château Beaucastel 1998
Attention, bouteille à controverse! Pour moi, il n'y a aucun doute,
elle est bouchonnée! Révélant une usure prématurée par déséquilibre et
défaut de structure, pourtant imposante, il est clair qu'il s'agit d'un
problème de bouteille. Pas évident pour tous, le débat contradictoire
est ouvert!
Noté: 98, blanc et rouge, même combat!
Château Beaucastel 1997
De la série, c'est le seul dont la robe commence à briquer
légèrement. C'est également le seul à jouer dans le registre animal,
pas trop prononcé, accompagnant un fruité bien présent encore, griotte
et pruneau. Il commence à être bien fondu et se boit avec délectation.
Noté: le plus miaou!
Château Beaucastel 1996
Un bien joli nez que ce 96 (prononcer nonante-six!)! Pruneau,
griotte, un peu chocolaté, il donne de belles raisons d'espérer. Las!
La bouche est loin d'être à la hauteur! Malgré la vigueur de l'alcool,
l'acidité l'emporte pour créer dissociation et déséquilibre dans la
finale. C'est bien dommage!
Noté:le plus dissocié!
Château Beaucastel 1995
D'abord fermé, le nez s'ouvre sur des notes de café, de griotte et
de pruneau. La structure est dense et serrée, délivrant avec parcimonie
des notes de pruneau, et semble prometteuse. Un vin qui nécessite
encore du temps.
Noté: le plus fermé?
Château Beaucastel 1994
Un vin à maturité, tertiaire mais encore fruité, fondu, aux tanins souples et agréables, procurant un réel plaisir.
Noté: le plus inattendu!
Château Beaucastel 1993
Dans le même registre que le 1994, mais relativement plus souple,
un peu moins charmeur, à la structure légèrement déliquescente en
finale.
Noté: le plus à boire!
Château Beaucastel 1990
Le nez est déjà évocateur! Nous avons là une des grandes bouteilles de
la soirée. Très complexe et riche, il respire l'harmonie. Cuir, musc,
pruneau, chocolat, Dermaplast (un genre de pansement helvétique!). Une
véritable symphonie d'arômes qui accompagne merveilleusement une
structure sans faille!
Noté: le plus épanoui!
Château Beaucastel 1989
Avec cette troisième série qui débute, on arrive de plein pied dans
des vins ayant atteint leur phase de maturité et qui doivent démontrer
leur aptitude au vieillissement. Les robes sont encore toutes bien
soutenues, comme celle de ce 89, qui ne fait pas son âge. Il peine plus
à se dévoiler que le 90 bu juste avant. Dans un registre empyreumatique
(cacao), il possède des tanins encore un peu serrés au sein d'une
matière imposante. Il est loin d'avoir dit son dernier mot!
Noté:le plus dense?
Château Beaucastel 1988
Le registre commence à devenir classique: cacao, cuir, griottes. Sa
solide carapace commence à s'effriter pour le rendre accessible. Il
parvient en plus à garder de la fraîcheur grâce à une grande et belle
acidité bien intégrée.
Noté:le plus frissonnant?
Château Beaucastel 1985
Derrière le 88, il apparaît comme beaucoup plus évolué, développant
des notes tertiaires de musc, de pansement, de pruneau. Il tient encore
bien le choc même si ce n'est plus sur lui qu'il faut compter pour une
grande garde.
Noté: le plus tertiaire!
Château Beaucastel 1983
Le retour de la bête! Très fondu également, il joue dans un
registre plus animal que le précédent. Souple et harmonieux! C'est
également lui qui possède la robe la plus évoluée de la série.
Noté: il en reste encore beaucoup à déguster?
Château Beaucastel 1981
La robe est toujours très sombre. Ce vin ne fait décidément pas son
âge! Empyreumatique dans son aromatique, il possède toujours beaucoup
d'allant, sans creux ni faiblesse, et en remontrerait à bien des petits
jeunes.
Noté: le plus jeune des anciens?
Château Beaucastel 1969
Le petit dernier pour la route! A donner le tournis! La robe est
tuilée mais encore soutenue et homogène. Encore beaucoup de vigueur,
avec des arômes de cacao, de malt, de cognac, témoignant de sa
puissance alcooleuse qui tient encore magnifiquement la distance.
Déclinant pour certains, je pense que sa grande longueur est là pour
démontrer le contraire. Il a logiquement perdu de sa rondeur fruitée
mais il nous mène encore bien loin.
Noté: le plus érotique!
Après un tel monument à la gloire du plus bel âge, il est temps de
reposer les papilles. S'il fallait faire un quinté de l'émotion et du
plaisir procuré, ce serait 1969, 1989, 1990, 1988, 2000, 1981, 1997 et
2001. Cela fait beaucoup pour un quinté, même +, mais cela permet de
souligner la régularité et l'homogénéité des vins produits par
Beaucastel. Mis à part le 1998, à regoûter, et le 1996, souffrant de la
faiblesse du millésime, tous les vins sont d'un très haut niveau
qualitatif, faisant de cette superbe verticale un moment d'exception.
On peut également relever de façon presque curieuse et paradoxale,
puisque contraire à sa réputation, que très peu de vins s'exprimaient
sur un mode animal. Je l'ai presque regretté!
Beaucastel? Un monument de finesse dans un monde viril!
Olif