Stéphane m'avait pourtant prévenu: "Ne venez pas trop tard, on fera la totale!" Et ce n'est pas le peu de retard sur notre timing qui allait nous en empêcher! Une fois de plus, grande leçon de terroir, que l'on pourrait sous-titrer "Au Pays des Jivaros jurassiens". Ou comment, suivant la nature du sol, le vin va être très réducteur ou non au cours de l'élevage. De quoi en perdre la tête! Une constante dans la comparative, verre en main, des terroirs argileux versus les terroirs calcaires. La Mailloche réduit, pas Les Bruyères! Ajoutez à cela la différence entre fûts, plus ou moins âgés, et cette composante sera plus ou moins marquée. Pas simple, tout cela! Le mieux est de se laisser guider, au pas de course, par Stéphane, avide de regoûter à certaines choses en même temps que nous.
On commence par l'ambiance classique du caveau, avec les blancs ouillés, en bouteilles et à la vente:
- Arbois Chardonnay 2005
L'entrée de gamme du domaine, nouvelle version (première mouture en 2004). Une entrée haut de gamme, avec un nez fruité, frais, précis, mais une certaine opulence liée à la richesse du millésime. Du plaisir immédiat, net, sans bavure, un superbe rapport Q/P!
- Arbois Les Graviers 2004
16 mois d'élevage. Nez droit, minéral. Bouche acidulée, tranchante, presque aiguisée. Un Chardonnay sur terroir calcaire dans un style très minéral que j'affectionne beaucoup.
- Arbois La Mailloche 2004
Nez légèrement plus réducteur, mais la constante fumée et épicée apparaît rapidement à l'aération. Bouche ample, belle matière, complexe, fumée, argileuse et minérale. Cette Mailloche est très Mailloche, et se goûte plutôt bien actuellement, même si nous l'avons fait un peu rapidement.
- Côtes du Jura Chardonnay En Barberon 2003
A peine soufré à la mise car il n'a pas réussi à finir tous ses sucres! 4 g de résiduel. Déjà bien en place, il comporte acidité et gras, avec une pointe de CO2 volontaire pour assurer le liant. Un vin riche et complexe.
- Arbois La Tour de Curon, Le Clos 2004
Premier millésime de cette bientôt très célèbre tour. Troisième feuille récoltée à 14,3 ° potentiel. Le premier nez révèle une petite note anisée, puis de l'orange confite, et tout se joue ensuite dans le registre le plus délicat qui soit malgré la richesse phénomémale de constitution. L'acidité majestueuse, tout en finesse, souligne constamment la matière, jusque dans l'immense et longue finale. Un vin qui laisse pantois, et que nous regoûterons, par bravade, derrière la série des oxydatifs et le superbe Jaune 99. La Tour tient bon et impose sa matière derrière le Jaune!
Il est temps d'aller faire un petit tour en cave et de dégainer la pipette!
- Chardonnay 2005, base de Crémant
Histoire de se refaire la bouche derrière la Tour, ce Chardonnay tranquille, à la fois vif et riche, brioché et fruité, est destiné à buller, probablement en compagnie d'un peu de 2006, ceci afin d'assurer un standard de Crémant au Domaine, à la manière des BSA des maisons de Champagne. A moins qu'il ne soit millésimé au vu de son grand potentiel?
- Arbois Les bruyères 2005
Un vin "pas possible", à la matière riche, mais dont la droiture, l'acidité et la longueur sont exemplaires! Une superbe minéralité!
Les fûts de 2005 s'enchaînent et il est dur de continuer à prendre des notes! Le Clos de la Tour, Les Graviers, moins réducteur du fait de son terroir calcaire, En Barberon (retour vers la réduction), La Mailloche... Tous ces vins en cours d'élevage sont extrêmement prometteurs.
Encore plus dur, on passe aux 2006! On en profitera pour saluer l'apparente qualité d'un tout nouveau tonnelier, Chassin, dont les fûts neufs savent rester en retrait et ne pas marquer le vin. La Mailloche, Les Bruyères, En Barberon (sans soufre), La Tour de Curon, qui curieusement a déjà terminé ses sucres, contrairement à tous les autres vins (7 fûts en tout et pour tout, nous en goûterons 6!), autant de belles réussites potentielles car 2006 devrait être très grand ici (maturité optimale précoce des baies, à l'origine d'une vendange précoce, avant les pluies). En rouge, 3 fûts différents de Trousseau. Le deuxième est le meilleur, ne me demandez pas pourquoi! Tout ce que j'ai retenu, c'est que 2006 sera une grande année à Trousseau pour Stéphane, comme 2005 est grande pour les Poulsards.
Retour au caveau, pour un aperçu des rouges en bouteilles! A partir de 2005, tous les Poulsards sont vinifiés sans soufre, et malgré tout plus typés terroir que mode de vinification, ce qui n'est pas forcément évident.
- Poulsard 2005
Premier nez lactique, un peu végétal. Fruité croquant, matière sympathique avec de la mâche en finale.
- Poulsard Les Bruyères 2005
On retrouve là la marque plus classique des Poulsards, sur un joli fruité épicé, même s'il possède beaucoup de fraîcheur gourmande.
- Arbois Trousseau Singulier 2005
Beaucoup moins singulier que son grand frère millésimé 2004, ce Trousseau affiche une belle robe rubis bien propre. Concentré mais encore un peu tannique en finale, on lui laissera un peu de temps pour s'exprimer au mieux. Le 2004 regoûté vite fait en parallèle se porte beaucoup mieux actuellement, même si sa robe se singularise toujours autant.
Ensuite, direction le hammam, pour y goûter au Savagnin 2003, prêt à être embouteillé. Hammam temporaire car Stéphane utilise beaucoup la vapeur pour nettoyer et stériliser ses installations, ce qui était le cas ce jour-là. Ambiance moite et chaleureuse garantie!
Pour se faire la bouche, une petite rincette au Traminer 2004, toujours aussi frais et fruité, puis, pour le fun, un Gringet de Dominique Belluard à Ayse (désolé, j'ai zappé le millésime!), élaboré dans le même esprit et possédant beaucoup de similitudes avec le précédent.
Arbois Savagnin 2003
L'oxydatif selon Stéphane. 3 ans d'élevage sur lies sans ouillage. Un vin qui allie puissance et finesse, fruité et caractère oxydatif, gras, onctuosité et fraîcheur. La finale se rapproche de celle d'un jaune par sa longueur et ses notes miellées d'épices douces. Un futur monstre sacré. L'assemblage avec du vin de voile destiné à élaborer le Jaune 2003 a permis à Stéphane de goûter ses "sélections parcellaires" de Jaune avec déjà des différences gustatives selon les terroirs, ce qui promet des choses passionnantes à l'horizon 2009!
Vin Jaune 1999
Une grande réussite que ce vin jaune finement oxydatif et très long. Il préfigure certainement les futurs vins jaunes de terroir chers à Stéphane, qui devraient bel et bien confirmer que la notion de "terroir et oxydation ménagée" a bel et bien un sens.
Après un petit retour sur la Tour (cf supra), on attaque les liquoreux, parce que, finalement, l'heure tourne!
Vin de Paille 2003
Scoop! La grande nouveauté au domaine, cette année, c'est le retour d'un vrai Vin de Paille, 200g de SR, 14,5° d'alcool, même si Stéphane reste convaincu que l'avenir du Paille reste dans la recherche de la concentration et la complexité, au détriment de l'alcool. Celui-ci présente un nez original, sur le tabac blond à pipe, un peu miellé et fruits secs. La texture reste riche et onctueuse malgré l'acidité soutenue. L'anti-Spirale!
Spirale 2004
On retrouve la caractéristique des millésimes précédents, à savoir une minéralité type mine de crayon et des notes de coing. Texture onctueuse, non sirupeuse et rondeur gourmande. Le sucre passe tout seul! Quand on aime ça!
Audace 2005
Ploussard passerillé, ce 2005 affiche 8,5° d'alcool pour 320 g de SR. Peut-être moins abouti que la première version 2004, cela reste un vin original et plaisant en mesure de se tailler une petite place entre Banyuls et Maury.
PMG 2003
460 g de SR pour environ 6° d'alcool. Comment résister à une telle gourmandise? C'est fort en sucre, mais ce n'est jamais lourd. La richesse et la concentration de ce moût est vraiment phénomémale. A réserver aux amateurs et à lamper par petites gorgées près de la cheminée!
"La vie est belle dans le Jura!" Ce sera le mot de la fin, tout droit sorti de la bouche de Stéphane.
Pour mémoire, l'adresse du tout nouveau site internet du domaine: http://stephane-tissot.com/
Olif