La dernière crêpe bretonne à peine digérée, tout juste le temps de reprendre le travail, et voilà que se profile la deuxième pause estivale devenue rituelle, celle des concerts et des festivals. Une pause qui n'en est pas vraiment une. Epuisante comme pas permis! Coucher tard en musique, lever tôt en fanfare, éternel leitmotiv actuel. Le soir: "Heigh-ho, heigh-ho, on va au Paléo!" Le matin: "Aïe-ho, aïe-ho, faut aller au boulot!"
Le Paléo! Une institution musicale helvètique. Un cheval de course parmi les grands festivals européens, voire mondiaux. Ils sont loin, les débuts du First Folk Festival, en 1976, qui réunissait 1800 personnes dans la vieille salle communale de Nyon. Tous venus écouter Malicorne. Avec le recul, de quoi frémir, presque! Aujourd'hui, Paléo, c'est 225 000 visiteurs sur 6 jours. Avec des têtes d'affiche internationales. Pas U2 quand même, qui préfère remplir des stades de France à lui tout seul, mais des groupes ou des chanteurs encore bien mieux, dans une ambiance conviviale, festive, voire bon enfant. Paléo, l'anti-Woodstock? Il est vrai qu'en 69, personnellement, j'étais encore bien innocent, Miko exclusif.
Paléo, c'est très Suisse, je trouve. Très pro, très précis. Minuté. Une organisation sans faille. Ou presque. Juste des petits grains de sable qui passent inaperçus au vu de l'énormité de la machine. Dur d'éviter les bouchons sur la route de Nyon à cette période de l'année, par exemple, mais on ne se les fait pas confisquer sur ses bouteilles à l'entrée du festival. Pas de fouille au corps, justement. Tout est autorisé, de manière naturelle, sans aucun débordement. Rien qui ne saute aux yeux du festivalier. A l'intérieur de l'enceinte, on se goinfre de tout. De musique, et il ya parfois pléthore, dur de faire un choix. De bière Cardinal, de vin suisse, de Champagne, de cocktails, de jus de fruits, de café, de lait. De cuisine indienne, mexicaine, africaine, péruvienne, pakistanaise, thaï, vietnamienne, chinoise, turque, japonaise, espagnole, suisse même. De sandwiches au fois gras, de tartines salées, de gaufres, de crêpes, de boutefas, de papet vaudois. Il y a même un restaurant gastronomique avec service en gants blancs, c'est dire. Il faut de tout pour faire un monde de festivaliers. Et où que l'on aille dans l'enceinte du Paléo, malgré ses cloisonnements reflètant parfois le monde actuel, il y a foule. Du monde à tous les concerts, du plus grand au plus petit, du monde à la buvette, du monde aux toilettes, du monde attablé, du monde dans la pelouse, du monde au Village du Monde, du monde tout court. Mais un monde pas étouffant. Paléo laisse d'ailleurs la porte grande ouverte aux enfants, aux handicapés, aux claustrophobes et aux agoraphobes.
Paléo, c'est avant tout de la musique et une programmation riche, foisonnante, éclectique. Avec un semblant de thématique se dégageant de chaque soirée. Une ambiance dans laquelle chacun parvient à trouver un semblant de bonheur. Le mardi, jour de l'ouverture, généralement, c'est pop-rock. Des gros noms, du gros son. Cette année, Gossip, Kaiser Chiefs, Placebo. Les artistes, mêmes les plus reconnus, aiment Paléo. Une ambiance plutôt bon enfant et un accueil jovial aux premiers rangs. Derrière et sur les côtés, ça tatouille pas mal, créant parfois un brouhaha parasitant les sessions plutôt acoustiques. Oui, à Nyon, on cause, on se retrouve, on boit, on mange, sur fond musical sonore.
Pour l'ouverture, cette année, Anaïs a répandu tout son amour sous le chapiteau. Son Love album a fait chavirer les cœurs et sa prestation fut aussi jouissive que revigorante. IAnaïs.
Il a malheureusement fallu shunter la fin du show (pas Cheap, tout ça!), pour ne pas manquer l'un des gros morceaux de ce Paléo: Beth Ditto et The Gossip.
Moment espéré, attendu et finalement pas déçu. Beth Ditto a irradié sous le soleil de Nyon, allant au contact du public. Sa prestation généreuse est d'ores et déjà inscrite à mon Paléo Panthéon personnel, pourtant un peu décousu.
Petit clin d'œil amical en passant à La Chanson du dimanche un mardi, puis direction le chapiteau pour écouter, avant de manger, le dernier prodige suisse, qui joue à domicile. Le set de Sophie Hunger est moins ébouriffé que son album et certaines orchestrations acoustiques ont du mal à couvrir le bourdonnement de la foule. Mais, en terrain conquis, elle sait séduire, emportant l'adhésion de ses fans. Elle met en appétit, la Hunger!
Le plat de résistance, ce soir-là, c'est tout d'abord Kaiser Chiefs, du rock héroîque et flamboyant, une bonne première partie pour U2, puis Placebo. Brian Molko, je dois avouer que j'en suis fan. Fan de sa voie nasillarde, de ses riffs rageurs et du son Placebo, un remède efficace à la morosité ambiante. Et pourtant! Une prestation très pro qui l'est trop, pro. Rien ne doit venir troubler son exécution, pas même un pogo musclé aux premiers rangs. Moshpits non autorisés, sinon, gare! Fin du concert! Pour sa seule apostrophe du public, en anglais puis en français, il a plutôt jeté un froid, le Molko. Avant de poursuivre son set, imperturbable. No escaping gravity, Brian!
Beaucoup moins pro, mais bien plus enthousiasmant, le set d'Izia a cloturé en beauté la soirée. D'une générosité rare, Miss Higelin a ravi par sa fraicheur et l'énergie brute qui se dégage de sa musique. Digne fille de son père, cette gamine!
Après une petite pause le mercredi, malgré une programmation tout aussi alléchante pour l'amateur de pop-rock furibarde (Franz Ferdinand, The Prodigy, Ting Tings, Ghinzu, ...), retour sur le plateau de L'Asse le jeudi pour faire plaisir à la gent féminine olifienne et ouïr la pop-folk gentillette d'Amy MacDonald, consensuelle et rassurante. Un moment néanmoins agréable. Plutôt que d'assister au show alam-Moby-qué ultérieur, la grosse cote de la soirée valait le Détour, le nom de la petite scène découverte du festival. Naïve New Beaters a ravi les Paléoboys et les Paléogirls par son set décalé, rythmé et très deuxième degré. Thank you, people!
Le rythme s'accélère et il faut déjà reprendre l'autoroute bouchonnée le lendemain. Sauvés par un itinéraire bis à flanc de coteau! Il ne fallait pas manquer cet autre grand moment du festival, la prestation solo de Peter Doherty à la guitare acoustique. Juste accompagné par une bouteille de Bordeaux qui ne durera qu'un temps. Assurant nonchalamment, en restant à la hauteur de sa réputation, pourri-gâté par la gent féminine des premiers rangs, qui lui balance inlassablement sur scène chapeaux, poèmes, cigarettes ou soutien-gorge. Finalement pris par le temps, le concert s'est fini en queue de poisson. On ne badine pas avec la ponctualité suisse, au Paléo! A une prochaine fois, Peter! J'apporterai une bouteille. Du Bordeaux, du bon. J'en ai en cave.
Et le vin, dans tout ça? Ce n'est pas le grand oublié du Paléo, même si la bière Cardinal coule à flots. On peut même goûter au meilleur de la production vaudoise sous la tente d'Arte Vitis, le regroupement de 13 vignerons novateurs. Pas de fausse note, donc, y compris dans ce Gamanote noir du domaine du Paradis, assemblage de gamay, gamaret, garanoir, merlot et pinot noir, proposé dans toutes les buvettes du festival. Même les Genevois ont droit de cité, au Paléo!
Olif
P.S.: Paléo, ça continue encore le week-end, mais cette année, ce sera sans moi!