6 vignerons parmi tous ceux, d'obédience "nature", qui peuplent les vallées de l'Ibie et de Valvignères, 2 bouteilles par vigneron, Gilles Azzoni, délégué par ses collègues pour les représenter, a eu l'art des choix. Et l'Ardéchois qu'il est devenu depuis de nombreuses années, après avoir délaissé la banlieue parisienne, n'a pas mis longtemps à s'adapter à l'ambiance du patio du Chai Carlina à Saint-Jean de Monts. Un vent d'Ardèche nature particulièrement revigorant est venu réchauffer l'air ascensionnel un poil frisquet de la rue Neuve de Saint-Jean. L'Ardèche nature a fait école et trouvé asile en grande partie au Sud du département, dans la vallée de la vigne (Valis Vineri, devenue Valvignères) et celle de l'Ibie (rien à voir avec Mouammar).
90% de la production du Sud Ardèche est représentée par la coopérative des vignerons Ardéchois, ce qui n'est pas rien, il fallait que ce soit dit. Un des premiers à s'être installé par là-bas en cave indépendante, c'est Gérald Oustric, du domaine du Mazel, devenu le Mazel tout court depuis son repli en vin de France. C'était en 1983. Depuis, en réduisant la part de son domaine, il a permis l'installation de nouveaux vignerons comme Andréa Calek, Jérome Jouret ou encore Sylvain Bock, dernier arrivé en date. Un véritable système d'entraide s'est mis en place, notamment pour la vinification, et a abouti à une mise en commun de moyens pour tout ce qui concerne la commercialisation et l'expédition.
L'ambassadeur des vins de cette Ardèche alternative, c'est Gilles Azzoni, parce qu'il a le bagout, l'enthousiasme et la bonne humeur communicative. Et, surtout, en temps que désormais vieux de la vieille, il a appris, relativement récemment, à déléguer le travail de la vigne à de jeunes ouvriers viticoles de confiance. C'est d'autant plus volontiers désormais qu'il prend désormais son bâton de pélerin pour présenter le travail de toute la bande.
12 bouteilles à goûter lors de cette séance, toutes vinifiées sans sulfites ajoutés. Du bon raisin ardéchois mis d'abord dans une cuve, puis dans une bouteille. Majoritairement des 2011, de mise récente, mais également quelques millésimes plus anciens, qui ont un peu plus souffert du transport.
Dernier arrivé, premier servi, Sylvain Bock ne fait pas semblant. Ni sans blanc non plus, puisqu'il s'agit du nom d'une des deux cuvées blanches dégustées à Saint-Jean. Un étonnant assemblage de grenache gris et chardonnay, déjà croisé dans le millésime antérieur (2010) du côté de Villeurbanne. Raffût 2010, c'est une belle syrah bien structurée qui ne demande qu'à s'épanouir en bouteille et dans le verre.
Le deuxième blanc dégusté nous est venu du Mazel et il a fait un peu figure d'OVNI. Mias 2007, c'est un pur viognier hors normes, qui a passé 4 années en fût. Il a gardé 3 g de sucre résiduel et affiche 14° d'alcool minimum. Pourtant, ce n'est pas lourd, parce qu'un peu gazeux et marqué à ce stade par la volatile. Tout cela devrait s'harmoniser parce que c'est un vin qui a besoin de temps, surtout après toutes ces années passées en cave, et qui promet d'être énorme dans le futur. Larmande 2009, 100% syrah en raisins entiers, allie fruité et minéralité sur de très jolis tanins qui ne demandent qu'à s'enrober. Un bien joli vin.
Le Raisin & l'Ange, c'est la raison sociale du fabuleux fabuliste qu'est Gilles Azzoni. Sa Fable 2009, c'est 55% syrah, 25% merlot, 20% grenache et alicante. Moralité? C'est riche, c'est rond et c'est bien bon. Robert, l'ancien propriétaire de vignes en fermage, décédé en 2000 à l'âge de 86 ans, méritait bien un hommage. À grands coups de merlot et de grenache, hautement buvables. Un Hommage à Robert 2011 que ce dernier n'a pas volé!
Le domaine des Vigneaux est implanté à Valvignères depuis 3 générations. En bio depuis 2001, il est passé en biodynamie en 2009. Découvert il y a peu au Salon des Vins libres de Rouffach, voilà une nouvelle rencontre plutôt bien venue. Ça tombe bien, je n'avais pas eu l'occasion de goûter à la cuvée de pinot noir Du bout des doigts. Un caractère sudiste affirmé pour ce 2011 plutôt concentré, mais aux tanins frais et soyeux. Tandem du même millésime est un peu plus structuré, sur des tanins encore fermes qui méritent de se fondre un peu mieux.
Nouveau look particulièrement réussi pour les étiquettes des Deux Terres, de Manu Cunin et Vincent Fargier. Les deux vins proposés se goûtaient très bien: Ripaille 2011, carignan poivré et épicé, et le Vin nu 2011, 100% grenache dépoilé, frais et digeste.
Last, but not least, les vins de Jérôme Jouret, ex-domaine des Clapas (nom abandonné, contraint et forcé, parce que déjà déposé par quelqu'un d'autre, illustre inconnu, ailleurs en France). Comme à l'accoutumée, un sans faute dans le millésime 2011, avec Pas à pas, fin et élégant, puis En avant doute, qui, millésime après millésime, s'affirme sans aucun doute comme l'un des plus beaux grenaches "nature" du grand Sud.
Un tour d'horizon particulièrement réjouissant, qui donne envie de caillette, de kayak, de Pont d'Arc, de Vals*, ... et de toutes ces sortes de choses qui font de l'Ardèche un département qui ne reste pas en travers de la gorge.
Sans nul doute le temps fort de ces 9èmes REVEVIN, co-organisées par La Pipette et le Chai Carlina de Saint-Jean de Monts.
Olif
* Que dit un Ardéchois à un autre Ardéchois pour se justifier lorsqu'il est pris en flagrant délit de boire de l'eau au cours d'une dégustation de vins? "Laisse aller, c'est une Vals!" Désolé... et tant pis si elle n'est pas de première main.