Le 06/03/2005 à 19:07
Nouveau venu dans le paysage viticole arboisien, Jean-Marc Brignot risque fort de devenir le véritable vigneron rebelle du Jura. De son passage chez Pierre Overnoy, il a gardé l'amour de la région (d'ailleurs il est venu s'y installer!), et la haine de la chimie. Privilégiant l'expression nature du vin et du raisin, il travaille de façon quasi-exclusive sans soufre et semble se régaler d'élaborer des cuvées colorées et pétillantes, avec le Ploussard entre autres, un cépage qui devrait lui permettre un certain nombre de fantaisies.
Nouveau venu sur Arbois, mais pas dans le monde du vin, car depuis 2 ans, il présidait aux vinifications d'une maison de Champagne dont j'ai oublié le nom. D'où sa passion des bulles, aussi! Originaire de la Manche, donc pas forcément prédestiné à l'élaboration du vin, il vient de racheter les vignes du Domaine Robert Aviet. « Les vignes ont connu la chimie, mais ce sont de beaux terroirs! » lui a dit en substance Pierre Overnoy pour le conforter dans sa décision. 2004 sera son premier millésime, aucun vin n'étant pour l'instant commercialisé. Cela ne saurait tarder, car quelques cuvées privilégiant le fruit et le naturel devraient bientôt être mises en bouteilles, à la recherche du plaisir immédiat. Le temps également de baptiser le domaine, qui ne possède pas encore de nom! Certains aimeraient le voir s'appeler « Domaine du Cul Roulé », du nom d'une de ses plus belles parcelles, au lieu-dit Curoulet, mais rien n'est encore joué!
Dans la famille Brignot, qui a passé son enfance dans un des départements français qui comporte le moins de pieds de vignes au mètre carré, on peut également demander la fille, Elise, dont le Beau Mont de Vénus est un réel petit bonheur! Sans grivoiserie ni familiarité aucune (je ne me permettrais pas, nous n'avons pas encore été présentés!), puisqu'il s'agit d'un vin de table élaboré à Beaumont sur Véron, sur les coteaux de Chinon chers à Rabelais, cuvée qu'elle a elle-même nommée ainsi.
Lorsque nous arrivons à Molamboz, dans la vieille maison en cours de rénovation, il est presque 13 heures. Il est prévu de commencer la dégustation puis de casse-croûter ensemble.
Un échantillonnage impressionnant de vins en cours d'élevage est disposé sur la table, assortiment de formes et de couleurs totalement inédites!
Perlant 2004
Un assemblage de 80% de Ploussard et de 20% de Melon, destiné à être la base d'un crémant, mais qui sera embouteillé tel quel pour constituer un joli et revigorant pétillant naturel.
La robe arbore fièrement une couleur orange pastel, trouble mais homogène. Un vin tout fruit, léger et frais (10°), avec une bulle naturelle marquée, tonifiante. Un vin pour les premiers pique-niques printaniers, qui sera à décapsuler à l'ouvre-bouteilles. Une alternative à l'Orangina?
Ploussard 2004
Un rosé vinifié comme un blanc, par pressurage direct. La robe est également orangée, bien soutenue. Présentant une légère réduction au nez, il libère à l'agitation des notes d'agrumes bien mûrs, type pamplemousse rose. Une cuvée légèrement soufrée, destinée initialement à finir en bulles, qui possède de ce fait une finale à peine serrée, gênant le puriste du sans soufre qu'est Jean-Marc, mais je dois avouer que c'est quand même discret!
Chardonnay 2004
La robe est encore trouble et les sucres ne sont pas terminés. Mais le fruité primaire est tellement éclatant que la mise ne devrait plus tarder.
Savagnin Vieilles Vignes 2004
Des vieilles vignes de savagnin vendangées après la pluie, une fois la pourriture noble installée. D'où une grande sensation de maturité, pour un vin encore en phase primaire, avec un peu de résiduel, mais une charpente et une ossature plutôt prometteuses, avec du gras qui se développe en bouche.
Savagnin Vieilles Vignes 2004, sous voile
La même provenance que précédemment, mais un voile s'est installé en 4 à 5 jours, pendant la fermentation alcoolique. Un vin rebelle, qui suit sa propre destinée, possédant encore beaucoup de sucre et un peu de perlant sur des arômes très fermentaires de pomme verte. Une évolution dans le temps à suivre avec curiosité!
Savagnin Vieilles Vignes 2004, 3ème fût
Le même toujours, conservé dans une cave moins fraîche. La robe est déjà dorée, témoignant toujours d'une très grande maturité des raisins, et un vin qui possède beaucoup de prestance, d'amplitude et de richesse.
Melon 2004
Un vin riche et gras, avec une réduction importante au nez, et une pointe de lourdeur en bouche, peut-être due à une température de dégustation insuffisamment fraîche.
Melon 2004, 13,7° naturels
Une cuvée encore très particulière, du melon ramassé à grande maturité. La réduction est bel et bien là , puis le nez se positionne dans un registre lactique, presque fromager. La bouche est ample, avec à peine de résiduel, la finale est très légèrement asséchante, du fait d'une perception boisée un peu marquée. Une barrique qui n'est pas tout à fait du goût de Jean-Marc!
Savagnin Jeunes Vignes 2004
La robe est presque limpide, les sucres sont quasiment terminés. Vif et fruité, immédiat, c'est une expression originale et novatrice du savagnin, extrêmement plaisante.
Ploussard 2004
Un vin initialement destiné à être commercialisé en primeur (type Beaujolais, pas Bordeaux!) et que Jean-Marc n'a pas trouvé suffisamment convaincant à ce stade. Les quelques mois d'élevage supplémentaires ont laissé la priorité au fruit, pour en faire un réel vin de soif, tonique et tonifiant.
Trousseau Curon 2004
Sous une robe groseille soutenue, de superbes notes de griotte, d'amande amère, de colle blanche, envahissent le nez. La bouche, légèrement acidulée, traduit une très belle pureté de fruit.
Assemblage Trousseau-Ploussard 2004
15% Trousseau, 85% Ploussard en provenance d'une seule parcelle pour un vin gourmand, rond et charnu, développant d'agréables notes de fruits rouges écrasés sur des tanins soyeux et patinés. Forcément coup de coeur!
Une gamme déjà bien étoffée qui devrait être commercialisée pour partie courant de cette année, en ce qui concerne les vins fruités et gourmands. Son approche du Savagnin promet d'être passionnante!
Après tout cela, on a encore goûté pas mal de trucs, pour finir le repas, apportés par les uns et les autres, mais de façon un peu hors sujet et sans prise de notes.
Le soleil se couche alors sur Arbois et ses coteaux toujours enneigés, l'heure pour le GJP de reprendre de la hauteur, les papilles encore garnies de toutes ces belles découvertes.
Jean-Marc Brignot, retenez bien ce nom, on aura, je pense, l'occasion d'en reparler!
Olif