Une visite chez Gilles Ballorin démarre généralement au quart de tour. Quelque soit le trafic. Sauf le sien, une camionnette Renault âgée et un peu molle de la batterie, parfois, mais généralement encore admissible au contrôle technique. 6,20 ha de vignes égrenées tout le long de la Côte de Nuits, de l'extrême-nord au sud lointain, cela nécessite une bonne monture. De Chenôve, ultimes parcelles résistant à l'urbanisation dijonnaise galopante, jusqu'à Comblanchien, Gilles Ballorin se balade dans la Côte de long en large. Sa cave, située dans le bas du village de Morey, le long de la 74, est celle d'un ancien négociant qui a fait de mauvaises affaires. Lorsqu'il l'a racheté, Gilles en a plutôt fait une bonne. Les lieux sont un peu démesurés grands pour lui, mais, du coup, il prend ses aises. Convaincu dès le début par le bio et la biodynamie, le domaine Ballorin & F (pour filles, femme, Fabienne, Filomène?) a d'emblée converti les parcelles exploitées pour leur permettre de s'exprimer de la plus belle des manières.
Son fleuron, ce sont ses Damodes, un cru à la mode de chez Nuits. Situées dans la partie haute du climat, celle qui est en "villages" (en bas de la route, ce sont des premiers crus), les Damodes de Gilles Ballorin ont pour voisines celles du domaine Chantal Lescure, joliment complantées à cette saison de petites fleurs violettes. Vive la biodiversité biodynamique! La friche de gauche finit de rassurer sur l'absence de pollutions de voisinage. Du haut de cette grosse vingtaine d'ouvrées, le paysage est très ouvert et remarquable. Tranquille et sereine quiétude. Coteau plutôt pentu, la parcelle est travaillée au cheval. Ce qui a le mérite de rendre le sol particulièrement vivant. De la terre qu'il fait bon humer et prendre à pleine main.
Des Damodes à Morey, pour éviter le trafic routier, quand le Trafic Renault veut bien démarrer, l'itinéraire passe par la route des Grands Crus, devant la Romanée-Conti et derrière le Clos-Vougeot. Dans les jeunes vignes du plus célèbre des crus bourguignons, avec un peu de chance, on peut voir Mickey, le plus célèbre des chevaux comtois bourguignons, s'affairer et s'appliquer à tracer de beaux sillons.
De retour dans les immenses caves du domaine, la dégustation des 2010 en cours d'élevage peut commencer. Bien ancrées dans le terroir bourguignon et l'histoire de France, l'entrée de gamme est constituée d'un fier aligoté dénommé Le Hardi, dont il faut bien se garder, à gauche comme à droite, d'un Bourgogne blanc Sans peur, mariant crânement et voluptueusement pinot blanc et pinot beurot au chardonnay musqué, d'un Bourgogne rouge Le Bon, parce qu'il est bon, évidemment, mais surtout du nom de Philippe III, le plus mécène des Ducs de Bourgogne, et, enfin, d'un Bourgogne Passetoutgrains plutôt Téméraire et majoritairement pinot noir, tu parles, Charles!
Si 2010 a retrouvé les vertus élégantes, fines et désaltérantes de 2008, en donnant des vins très frais et digestes, 2009 se pose comme un véritable papa, par son potentiel puissant, solaire et chaleureux. Des vins taillés pour la grande garde, cela paraît évident.
En 2010, le coup de cœur sera rose. Le Marsannay Cœur de rose est un rosé. Oui, comme son nom l'indique. Non sulfité, élevé en barrique. Du velours pour le gosier. Un tutu de ballerine qui vient caresser le fond de la gorge au cours d'un entrechat sans les pointes.
Les rouges 2010 n'ont pas tous terminé leur malo mais on pressent déjà de belles choses.
Après le fût, la bouteille. Le Fixin 2009 Les Chenevières est une petite bombe fruitée. Pas de SO2 à la mise, ce qui en fait un vin décomplexé et particulièrement expressif, avec une jolie matière derrière. Le Nuits-Saint-Georges Les Damodes 2008 possède déjà toute la magie du cru. Un grain de pinot très fin et épanoui qui ne demande qu'un peu de temps pour encore mieux s'exprimer. Le Morey-Saint-Denis Très Girard devrait à terme donner un joli vin. La parcelle, située dans le bas du village, vient tout juste d'être reprise et doit encore s'acclimater à son nouveau mode cultural. Le 2009 pinote joliment et possède une belle fraicheur acidulée sur des tanins bien enrobés.
Une balade sur la Côte ne saurait se terminer sans une visite amicale à la Capitale des Ducs de Bourgogne. Les dijonnais vont avoir un bien joli tramway, mais pour l'instant, c'est plutôt le Bronx question circulation! Suivez le guide et il vous emmènera tout droit Ô gré du vin. Une cave comme on aimerait en voir plus souvent, en plein cœur de la ville, 106 rue Monge. Un endroit qui regorge de trésors, tant Bertrand Joinville est un caviste avisé dans ses choix. Il aime les grands contenants, ce qui n'est pas une mauvaise chose lorsqu'il s'agit de vins du Beaujolais. Magnums de Poquelin 2010 des Côtes de la Molière ou Jéroboam de Morgon de Marcel Lapierre pour les grandes et bonnes soifs!
Chez Bruno, comme son nom l'indique, le patron s'appelle Bruno. Mais, pas comme dans la chanson, on n'y boit pas de tord-boyaux. Bar à vins, bar à jambons, bar à burrata parfois, Bruno a le culte du produit et refuse de servir les blaireaux. L'ambiance est à la simplicité, à la sincérité, à la convivialité. On trinque, on échange les bouteilles avec les voisins de comptoir, on fait des rencontres passionnantes. Très certainement la plus petite (par la taille) des grandes adresses dijonnaises.
La burrata, façon Bruno. Mamma mia...
Olif
P.S.: le 11 avril, légèrement au sud de la Côte, le Beaujolais sera en fête. Beaujolois, biojolais, il y en aura pour tous les goûts, essentiellements les meilleurs. Et tant pis pour ceux qui n'aiment pas ça!