REVEVIN 2010: Étonnante Italie! ... Luca Roagna
Luca Roagna, c'est le roi, na! Le king du Piémont, de Barolo et de Barbaresco réunis. Troisième rencontre en moins d'un an avec lui, troisième dégustation de ses vins, vivement la quatrième. Bavard comme pas un, forcément, c'est un Italien. Qui, par contre, ne parle pas avec ses mains mais avec ses vins. Et surtout, qui s'exprime dans un français irréprochable, heureusement, parce que, sinon, on serait restés complètement dans la brume. En parlant de brouillard*, tout, tout, tout, on saura tout sur le Nebbiolo, la véritable star de cette dégustation, lorsqu'il est planté sur les fabuleux terroirs de Barbaresco et Barolo. "C'est la terre qui fait le vin, si on pense que c'est l'œnologue..." C'est ça, l'humilité du véritable vigneron, terrien dans l'âme, amoureux de son terroir, respectueux de son raisin. Dans la famille Roagna, "on n'a jamais tué son terroir". Une approche bio à la vigne, non certifiée, mais une des rares dans la région, alors cela mérite vraiment d'être souligné. Doublée d'une approche authentique à la cave, soulignons donc deux fois. L'authenticité n'est pas labellisée non plus, mais beaucoup, même les plus grands, ont oublié en route la façon de révéler la quintessence du Nebbiolo, cédant aux sirènes de la facilité œnologique et de la standardisation du goût international. L'authenticité, en matière de nebbiolo, ce sont des macérations longues, doublées d'un élevage long en foudre. Jusqu'à 12 ans pour certaines cuvées! Là où la majorité des vins ont déjà été bus, chez Roagna, on n'a pas encore fini de les élever ni même commencé à les commercialiser.
Malgré un emploi du temps surchargé, entre travaux à la vigne et réunions de famille, Luca a sauté dans la première Rosalie disponible entre Barbaresco et Saint-Jean de Monts pour animer cette deuxième journée des REVEVIN entièrement consacrée à l'Italie. Avec pour mise en bouche, une mini-verticale de Dolcetto, avant de rentrer dans le "grand jeu du nebbiolo". Le Dolcetto d'Alba, c'est le cépage qui donne naissance au "bébé" du domaine, le vin que l'on peut boire jeune et frais. Mais, ce n'est pas une raison pour le bâcler. Des vieilles vignes de Dolcetto, chez Luca, on en trouve dans l'amphithéâtre de Pajé, là où le Nebbiolo pourrait être roi. Mais elles ne sont pas arrachées pour autant, par respect. Parce que si on les a plantées de longue date à cet endroit, c'est certainement qu'il y a une bonne raison. Tout comme les étiquettes piémontaises traditionnelles sont pieusement conservées pour signifier l'attachement aux valeurs anciennes.
- Dolcetto d'Alba 2008: robe burlat, nez au fruité frais avec une petite pointe végétale, bouche aux tanins souples, glissants, avec une belle fraicheur acidulée.
- Dolcetto d'Alba 2007: nez plus réservé, partant gentiment sur le secondaire. Structure plus tendue et serrée, mais bien calibrée. Un air plutôt sérieux, pour un Dolcetto.
- Dolcetto d'Alba 2006: le secondaire est bien là, cette fois, et le nez distille du cacao à tout va. Les tanins sont marqués mais croquants, avec de la fraicheur et une finale acidulée. C'est bon!
- Dolcetto d'Alba 1989: la robe tire sur l'orangé. Le nez est très ouvert, complexe et délicat, franchement tertiaire. Cuir, tabac, vieille prune. En bouche, les tanins sont souples et fondus, un peu évanescents. Tout le charme d'un vieux vin, dont le corps s'affaiblit mais dont l'esprit reste alerte. D'aucuns l'ont considéré comme passé, mais il a toujours son charme. Certainement plus au décours d'un repas qu'en dégustation pure.
- Langhe Rosso 2003: belle petite parenthèse avec cette cuvée d'appellation régionale, issue des jeunes vignes, histoire de faire tranquillement la transition entre le Dolcetto et le Nebbiolo "grand cru". Le nez possède une belle complexité, avec encore du fruit et des notes chocolatées. La bouche est pleine, élégante et gracile, sur des tanins frais et acidulés en finale. La marque du Nebbiolo!
- Barbaresco Pajé 2003: 60 jours de macération pour cette cuvée "d'entrée de gamme" en Barbaresco. Du Nebbiolo d'école, riche, complexe, finement chocolaté, mais porté par un acidulé frais qui est vraiment sa marque. Jamais les tanins n'agressent, car ce sont ceux du raisin et non pas du bois. Tout au plus une petite pointe d'alcool en finale, comme une petite laine sur les épaules, pour tempérer l'air vendéen ascensionnel encore frisquet.
- Barolo La Rocca e la Pira 2003: comme son nom l'indique, la minéralité transpire dans cette cuvée toute en finesse et en élégance. Un Barolo qui ne roule pas les mécaniques, ce n'est certainement pas son registre.
- Barolo Vignia Rionda 2005: une cuvée provenant d'un achat de raisins issus des anciennes vignes du Roi d'Italie. Des vignes bichonnées par leur propriétaire, sous la haute surveillance de Luca. Une macération longue de 70 jours apporte race, tonus et fraîcheur. Un très beau vin qui se présentera sous un jour complètement différent lors du repas du soir. Servi à l'aveugle au milieu d'un large échantillon très peu représentatif de la qualité des vins italiens, personne ne l'a reconnu, même Luca!
- Barbaresco Montefico 2004: du Nebbiolo sur un terroir calcaire. Tannique et puissant, au grain encore dense et serré. L'acidulé frais réhausse la finale. Très beau, en devenir, il a besoin de temps pour se détendre.
- Barolo Riserva La Roca e la Pira 1996: 12 ans d'élevage en foudre pour ce vin arrivé tout droit d'Italie dans les valises de Luca. Un peu stressé par le voyage, il délivre pourtant de jolis arômes tertiaires sur des notes fruitées de cassis et de fraise. Les tanins sont étonnamment fins, polis longuement par l'élevage. Une grande bouteille.
- Barbaresco Crichët Pajé 1999: superbe nez empli de fraîcheur, avec un soupçon de végétal épicé, type menthe poivrée. La bouche est d'une densité exceptionnelle, à la texture veloutée. Longue finale persistante. Grandiose.
- Barbaresco Crichët Pajé 1989: l'expression d'un grand Barbaresco à son apogée pour encore longtemps. D'une jeunesse incroyable, il parait indestructible malgré ses airs de danseuse étoile. A peine kirsché, légèrement acidulé, délicatement tannique, exceptionnellement bon. Permet de mieux appréhender le potentiel de garde du Nebbiolo par rapport au Dolcetto.
En guise de conclusion:
- Langhe Solea 2003: le "sorbetto", d'après Luca, un vin blanc destiné à nettoyer la bouche des tanins, idéal à proposer en fin de dégustation. Composé de 75% de Chardonnay et 25% de Nebbiolo. Fruité, frais, acidulé et anisé, avec une petite sensation tannique apportée par le Nebbiolo. Rafraichissant.
- Barolo Chinato: après le sorbetto, l'apéro et le dijo, deux en un! Un véritable Barolo macéré avec des herbes et de la quinine, toujours aussi décoiffant à déguster. On sent la grande qualité du vin derrière les amers de la quinine, qui est loin de tirer la couverture à elle toute seule.
Olif
* Brouillard se dit Nebbia, en italien. Le Nebbiolo en tire son nom, du fait de sa maturité tardive et automnale. Les ampélographes étymologistes italophones me corrigeront si besoin.
P.S.: le petit Jull est prié de prendre contact avec le Chai Carlina de Saint-Jean de Monts afin de retirer son prix (private joke).