Buvage d'étiquettes
12 Août 2010. Depuis le début du mois, c'est la panne sèche. Plus rien dans l'encrier. Zéro. Nada. Quéquette. Peau de balle. Du jamais encore vu sur le Blog d'Olif. Presque 15 jours sans un seul misérable petit billet! Pas la tête à l'écriture. Limite déprime littéraire vinique. Même que ma môman s'inquiète. Vivement un nouvel édito de guide de rentrée sur les naturopsychopathes de la biovinoconnerie, que ça me regonfle à bloc, délie ma plume et dérouille mon clavier. Quand le spleen vous envahit, sans volonté de le repousser, l'autolyse n'est pas loin. La tentation de la tentative. Par noyade vinique. L'abandon complet, un goulot sur la tempe. Pop! Pop! Pop! Les coups partirent et passèrent si près que la calotte cranienne tomba. Je n'aurais peut-être pas dû non plus m'enquiller les trois premières saisons de Dexter à la file sans respirer pendant ma pause estivale. Envie de cadavres, dont le serial quilleur devra se débarasser incognito dans la benne à verre recyclé. Parce que, pour la première fois depuis longtemps, il ne s'agira que d'étiquettes. Le grand ménage de la cave peut commencer.
A mon supposé dernier repas, j'ai voulu boire, en plus du vin de messe, non pas de ce vin si joli qu'on buvait en Arbois, mais plein d'autres bouteilles, reliques d'achats compulsifs de jeunesse, qui vieillissaient pieusement dans la cave de la maison familiale où elles espéraient ne pas couler du bouchon tout en coulant des jours heureux jusqu'au jour où. Et voilà que ce jour arrive, le jour où. Bien trop tôt pour certaines, qui se seraient bien vu finir leurs jours dans un musée du vin, époussetées nuit et jour, leur étiquette brillant au firmament des vins finis jamais débouchés tandis qu'un vin fini après débouchage, c'est quand même une meilleure façon de quitter le monde, pour une grande cuvée.
Coup de bol, le bal s'ouvre sur des bulles. D'abord un Fin Limé de Jean-Marc Brignot, un Pet'Nat oublié dans la cave, qui aurait dû être bu depuis longtemps. Une heureuse surprise, du baume au cœur du suicidaire, qui relâche légèrement la gâchette. La bulle est encore vive, le Poulsard renarde gentiment, de façon non irrémédiable. Ça se sirote nonchalamment, comme un vrai rouge limé. Juste après, L'Amateur 2004 de David Léclapart la joue plutôt pro. Une belle bulle champenoise toute en finesse et en vivacité. Pour cloturer l'apéritif, une Boisson Rouge est sortie de son bocal. Fruitée et gourmande, la boisson. Sanguine et festive, sans arête. Bravo Emile!
Ensuite, tout s'enchaîne. C'est la curée. La valse des étiquettes. Trévallon 1999, distingué et classieux. Le Cèdre Prestige 1995, fringant et élégant, pas du tout guindé ni sévère. Chambertin 1994 du domaine Trapet, concentré de finesse digne d'un vrai grand cru en petit millésime. Hermitage 98 du Colombier, du cassis monobloc, suivi d'un Hermitage 98 d'Alain Graillot, un joli grain de syrah parfaitement à point, plus complexe et plaisant que son concurrent direct. Cheval Blanc 1993 se laisse encore bien monter et encore mieux descendre. Tanins polis et équilibre harmonieux, sans austérité ni raideur. Le panache! Lynch-Bages 1990 ne se fera pas lyncher non plus, c'est un beau Pauillac à point, élégant et racé, auquel il manque peut-être un soupçon d'éclat pour passer dans la quatrième dimension. Petite rechute cafardeuse avec une Mouline 97 bouchonnée, de quoi rôtir une côte en enfer. En point d'orgue de cette orgie d'étiquettes, Yquem 1985, qui attendait patiemment son heure, tapie dans le fond de la cave. Du botrytis mentholé qui se laisse boire, mais sans grande émotion. Il est où, le mythe? Il lui manque quand même tout ce qui fait un grand liquoreux: de la liqueur, de la richesse, de la complexité, de l'onctuosité. Mais c'est Yquem. Alors c'est bon et tais-toi!
Impossible pourtant de rester là-dessus. Ce dernier repas sera au minimum l'avant-dernier. Finies les étiquettes! Les choses moins sérieuses vont pouvoir recommencer. The Blog d'Olif must go on!
Allez, au goulot!
Olif