Recherche banane désespérément...
©Gotlib et Alexis, Cinemastock (un monument de la BD paru chez Dargaud, dans un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître)
Une bête et classique histoire de fous avec une banane dans l'oreille, voilà qui résume, de façon imagée, toute la problématique du Beaujolais nouveau, qui a une banane dans la bouteille depuis la généralisation de l'ensemencement des cuves par la levure 71B. Ou comment un vin de soif, censé être franc et festif, qui a longtemps boosté les ventes de beaujolais (en nivelant malheureusement par le bas), a perdu le raisin en route pour vouer un culte aux arômes artificiels de bonbons acidulés parfumés à la banane.
En quête de rachat, le Beaujolais nouveau a maintenant du mal à se détacher de ces poncifs qui ont la vie dure et n'en finissent plus de glisser des peaux sous les pieds des bons producteurs qui ont décidé de ne pas se mettre au régime. Enquête sur place par notre envoyé spécial en Beaujolais, chez une poignée de vignerons triés sur le volet, à la recherche de la banane en voie de perdition, c'est désormais une certitude.
Tout a commencé sur les coups de 11 heures du matin à Faudon, lieu-dit de Vauxrenard, chez Michel Guignier, absent mais excusé. Une bande de rockers gominés, en chemise à fleurs, accompagnés des toutous à leur mémère (et de mémère aussi, évidemment), débarque à l'improviste pour tâter du vin bio, parce que le bio, en Beaujolais, c'est exotique, tout juste si on sait que ça existe. Du Bojo, qu'ils veulent, mais pas du nouveau, parce que le nouveau, ça sent la banane. Toujours! Bon, pas là, à première vue ni première odeur, d'accord, mais, ça va venir, au fond du verre, si si, vous allez voir. Tiens, non! Pas de ça ici, Monsieur. No banane. Des arômes de petits fruits rouges si vous voulez, mais surtout, du vin, 100% raisin. Le Nouveau s'appelle Festivitas, c'est un Villages. Parfait pour attaquer les festivités. Un Bojo tout court a même été produit, en plus petites quantités. Il s'appelle La R'vole, du nom du repas de fin de vendanges. Après quelques années de disette et de tout petits volumes, 2011 redonne le sourire au vigneron de Faudon, en quantité comme en qualité. Faut juste les vendre, maintenant, ces pinards. Bons comme ils sont, ça ne devrait pas être trop difficile... Mais pour la banane, il faudra repasser.
Suite du périple, toujours à Vauxrenard, au domaine des Côtes de la Molière, chez Isabelle et Bruno Perraud. Tous les 2011 ne sont évidemment pas des vins nouveaux, ils se pavanent encore en cuve, en barrique ou en fût de bière. Le P'tit Poquelin devrait bientôt s'émanciper, pour permettre d'attendre gentiment que le grand frère ait terminé de cuver. Ivrogne, va! Ce ne sera pourtant pas un nouveau, la campagne primeurs est définitivement close à Vauxr'nard depuis longtemps. Deux versions ici aussi, un Villages et un Bojo. Du raisin dans les deux cas, brut de cuve. Il y a bien eu comme un petit goût de banane à la Molière, mais c'était au dessert. Ça ne compte pas...
Non mais laissez Isa manger sa banane...
Quittons Vauxrenard et son beau soleil, pour replonger dans la brume de la vallée de la Saône. À Fleurie, le soleil a fini par percer. Vais-je enfin toucher au Graal? Au Château des Bachelards, le châtelain prend le temps de vivre. Il a un rudement beau chai. D'ailleurs, c'est aussi son nom.
Lilian Bauchet n'est pas un homme pressé. Il a restauré son vieux pressoir carré à l'ancienne pour regarder ses jus s'écouler pendant une douzaine d'heures, là où un Vaslin torcherait la besogne sans avoir le temps de dire ouf, au plus grand bonheur de n'importe quel informaticien. Tandis que le vrai vigneron, lui, préfère faire les choses en douceur. Même si une équipe de rugbymen est requise pour faire tourner les poignées.
Après avoir goûté deux ou trois impeccables petits jus en cuve ou en fût, pas encore tout à fait finis, mais qui se laissent déjà bien approcher, la banane espérée va peut-être s'offrir à nous?
Est-ce du Bachelard ou du cochon? Ceci n'est pas une étiquette de Beaujolais nouveau. Un beau vin, plein, rond, qui gagnera probablement à être attendu quelques mois, mais que tout le monde va s'arracher et siffler en moins de temps qu'il n'a fallu pour le presser. Est-ce seulement du Beaujolais nouveau, aussi? Magritte, quand tu t'agrippes... C'est du vin, tout simplement. Et ce n'est pas une banane.
Beaujolais nouveau, je t'aime, un peu, beaucoup, passionnément, à La Fully. Cap sur Blacé, pour une ultime étape chez Céline-Audrey Vermorel, au domaine de La Fully. Un domaine en pleine restructuration, avec Céline-Audrey qui prend son envol dans les Charmilles, sous l'oeil bienveillant du paternel Patrick. Le Villages nouveau fait dans le mauve, il ne demande qu'à être bu, mais la banane ne pousse pas sur les Charmilles, terre de bons vins, dans la lignée de ceux des terres de La Fully.
En guise d'épilogue, Prologue, de Christian Ducroux. Du nouveau qui n'en a ni l'air ni l'étiquette. Trop bon fut l'avis unanime, alors qu'il était dégusté à l'aveugle complet. Et toujours pas une once de banane.
Non, mais laissez-moi ...! (Celle-là, je ne peux pas m'en empêcher)
Olif
P.S.: ce week-end sera particulièrement chaud à Lyon et le Beaujolais (entre autres) devrait peut-être même couler à flot. Chez Vercoquin, d'abord, le samedi 19, puis au Salon des Débouchées le dimanche 20. Il ne va pas falloir manquer ça!
- P.S.2: la banane, j'aime bien, notamment flambée au rhum avec sa glace au pain d'épices, comme sait si bien la préparer Marc Faivre du Bon Accueil, mais jamais dans mon Beaujolais, hein?