Vivant m'a tuer...
Vivant, Pierre Jancou l'est toujours à fond, et plutôt deux fois qu'une. Avec l'ouverture de Vivant Cave, la désormais célèbre ancienne oisellerie du Xème (celui qui a pensé "siècle" aura un gage, le tour de l'arrondissement à genoux) se décline en deux versions: la table et la cave. Vivant table, pour s'asseoir et prendre son temps, Vivant cave pour manger et boire, tranquillement, sur le pouce, au comptoir ou quand même à une table si l'on en a envie, ou repartir chez soi avec une belle quille à pas trop cher pour ne pas se priver. Sans oublier Vivant toilettes, pour un besoin pressant ou un coup de fil urgent...
Toujours sous influence Jancou, évidemment, pour les saveurs, la cuisine a été déléguée à un jeune chef japonais, Atsumi Sota, qui a fait ses classes chez les meilleurs. Justesse et précison, voilà deux qualificatifs qui pourraient la caractériser justement et précisément.
Boudin noir, poulpe et piment doux. Un intitulé qui va à l'essentiel. Cuisson parfaite, qui donne à croquer de la tentacule sur le fondant du boudin noir, impeccablement relevé par les piments doux. De la salade et du parmesan pour la déco, mais aussi le goût, et voilà une entrée qui met en bouche et permet de tirer les choses au Grand Cléré, et tant pis s'il est pas là. Du Gewurtz tourangeau sans note variétale, avec de la maturité et de belles notes oxydatives, voilà aussi qui n'est pas banal, c'est sûr, mais c'est Vivant!
Vivant, c'est aussi un vivier de vins pas encore morts, qui ne sont plus à la carte, mais en cherchant bien, là, tout au fond, avec l'assentiment de Pierre Jancou... Des quilles pour initiés, grand format, à l'étiquette parfois illisible, mais au contenu qui ne trompe pas l'amateur de vins qui ont d'la gueule. Le Peyra 2001 n'en manque pas, c'est sûr, même s'il ne sera pas prochainement immortalisé sur le papier. Roche noire 2006 du sieur Jambon, par contre, ça s'imposait pour accompagner un cochon ibérique. Ton sur ton, parfaitement assorti. Si tu n'as jamais goûté à cette côte-là, à ces brocolis-là, à cette Roche Noire-là, tu n'as jamais mangé de cochon, ou même de brocolis, ni même bu de Roche noire de toute ta vie. Une approche de la perfection dans la cuisson, difficilement égalable, tout comme dans la définition du vin itou. J'en ai encore la queue en tire-bouchon!
Avec le dessert, il faut bien reconnaître que c'est parti un peu en vrille. On a retrouvé Éric Calcutt. Enfin, juste quelques bribes, des reliques pieusement conservées au fond de la cave. Il en a fallu de la persuasion, auprès de Solenne Jouan, la nouvelle gardienne des clés de la cave de Vivant, pour toucher au Nirvana. Un privilège qui n'est plus donné à n'importe qui, que celui d'avoir du Picrate dans les veines.
Oxygène 98, parfaitement sec et finement oxydatif, qui se serait bien accordé avec un vieux Parmesan, et Les Paradis 98, délicatement mœlleux, sur l'oxydation aussi, forcément, impeccable avec le chocolat en miroir ou les pignons de pin. Deux vins exceptionnels en voie de disparition, depuis l'épuisement total de la ressource. Comme dit Guillaume, chaque fois qu'une bouteille est bue, c'est un ours blanc qui disparaît de la banquise. Mais que fait le WWF?
Et que fait Solenne, la nouvelle sommelière du Vivant, sans nul doute recrutée pour son joli pull assorti d'oiselière du Xème (mais pas que)? Sa grande connaissance des vins nature, son sourire et son professionnalisme l'emmèneront certainement très loin. Peut-être même Outre-Manche, va savoir! Mais le plus tard possible, on espère.
Olif