Bordeaux ! Le nom fait rêver tout amateur de vins ! Que celui qui
n’a jamais eu le moindre émoi en parcourant le célèbre classement de
1855 passe son chemin. Le récit de cette escapade girondine risque fort
de le laisser de marbre. Enfin, ça m’étonnerait quand même , j’espère
bien y glisser un peu de ma verve habituelle, si tant est que j’en aie
un peu, ce que j’aime à croire ! Par contre, le curieux qui se dira : «
Tiens ! Olif est malade, il s’est remis à boire du Bordeaux ? » ne devrait pas être déçu ! Pas si malade que ça l’Olif ! C’est quand même drôlement bon, le vin de Bordeaux, non ?
Ce périple bordelais du Club des Amis du Bon Echanson, prévu et organisé de longue date, tombait à pic car succédant aux 3èmes REncontres VEndéennes autour du VIN,
auxquelles participait le GJP*, en formation légèrement réduite. De
Saint-Jean de Monts à Pauillac, terminus du voyage, le chemin n’était
pas long. Par contre, pour s’y rendre, le parcours est parsemé
d’embûches ! Passe ton bac d’abord !
Et pour le bac, mieux vaut être ponctuel ! 19 heures à Royan. Le
ferry est toujours à quai mais les grilles sont fermées ! Quelques
médocains de retour de week-end agitent leurs mouchoirs sous notre nez
et à notre barbe. On a un peu trop traîné à la terrasse du Chai Carlina
! Heureusement, il en reste encore un, à 20 heures 30. Nous
patienterons donc au bistrot du port, un vrai de vrai de bord de mer,
avec gouvernail, pont en bois et marins de pacotille en pull rayé et
tablier de serveur.
21 heures 30. Nous retrouvons une bande de joyeux jurassiens ayant
fait la transversale et ripaillons à la fois dans les salons de l’hôtel
et dans la joie et la bonne humeur, en faisant sauter ni vu ni connu
quelques bouchons autour d’un plateau repas préparé à notre attention.
Après un gros dodo bien réparateur, à nous le Médoc ! Et le
Sauternais ! Et les Graves ! Tout ça en 10 leçons, à venir
épisodiquement, le feuilleton de l’été sur le Blog d’Olif .
Et, spéciale dédicace pour Estèbe, la petite station-service où on allait faire le plein de carburant à la pompe!
*
GJP: Grand Jury Pontissalien, secte d’adorateurs de Bacchus, basée sur les hauts plateaux du Doubs
Lafite-Rotschild.
Le nom fait rêver les amateurs de finance et de vin du monde entier. Y
compris dans le Jura! Au point de s’inscrire en tête de liste du
périple médocain GJPesque. La barre aurait-elle été placée trop haut
d'emblée? A voir!
Le baron Eric n’est pas là pour nous accueillir. Tout de même! Foin
de la déception, le jeune maître de chai qui nous balade dans le dédale
souterrain du château en connaît un rayon. Y compris en matière de
terroir, un genre de truc qui existe aussi à Bordeaux. La hite culmine
à 27 mètres au dessus de la mer. De combien Lafite dépasse t’il les
autres crus de Pauillac?
Après s’être extasiés devant la plus grande collection de vieux millésimes du monde, nous pénétrons
dans le chai de Ricardo Bofill,
un véritable temple dédié au vin, à l‘acoustique soignée. Nous nous y
recueillons avec dévotion, au son des barriques que l’on roule. Il
paraît que certains soirs d’automne, on peut y entendre le sanglot long
des violons, même en été. Quand la 35ème heure a sonné et que les
ouvriers viticoles laissent la place aux mélomanes empapillonnés pour
des musicales viniques classiques. De la meli-mélomanie, un verre de
1er Grand Cru Classé à la main, le petit doigt en l'air!
Lafite-Rothschild 1993: à maturité,
ce vin exhale des notes de poivron bien mûr sur fond de bois noble et
de Havane. Les tanins sont fondus mais n’arrivent pas à se départir de
leur caractère revêche, inhérent au millésime. C’est quand même bien
bon, et surtout prêt à boire.
Lafite-Rothschild 2005: d’un tout
autre acabit, le nez séduit d’emblée, par sa fraîcheur et son caractère
fruité, sur la gelée de fruits noirs, une des constantes du millésime,
semble t’il. Pas compoté pour un sou! Les tanins sont soyeux, d’une
finesse sans égal, élégants et raffinés. En finale, le bois
transparaît, légèrement vanillé, l’air de rien, l’apanage de la
jeunesse. Sans épate, du début à la fin, en grand seigneur! Pour un
premier 2005, on aurait pu tomber plus mal!
Fin du recueillement!
Encore tout ébaudis de la visite de Lafite, les Amis du Bon Echanson quittent non sans peine la commune de Pauillac pour se rendre à Marbuzet, charmant lieu-dit entre Cos et Montrose. Tout en haut de Marbuzet, plus exactement, au Château Haut-Marbuzet, où nous avons le privilège d’être invités à déjeuner (ça sert d’avoir des relations!). Accueillis par le dynamique Hughes Duboscq, qui co-gère le domaine avec son frère Bruno, sous la houlette du charismatique et toujours présent paternel Henri, nous partons illico en direction d’un belvédère où nous jouissons d’une vue panoramique sur la Gironde et le vignoble de Haut-Marbuzet.
« Derrière les grands terroirs médocains, cherchez l’irlandais! ». Ici, il se nommait Mac Carthy. Vaste propriété d’un seul tenant morcelée au fil des héritages, la famille Duboscq
n’a de cesse de la reconstituer depuis une cinquantaine d’années. Le
domaine actuel est constitué d’un noyau d’élite de 52 ha, en exposition
Est, descendant en pente douce vers la Gironde. Parmi les plus belles
terres du secteur, jouxtant celles de Montrose, mais n‘ayant pas la
même aura. « Qui sont mes voisins? » fut, paraît-il, la
première phrase prononcée par un célèbre maçon qui vient d’acquérir une
petite résidence secondaire dans le secteur. Une nouvelle motivation
pour les Duboscq à résister aux groupes financiers et rester une propriété familiale.
Le sol, constitué de gravilles médocaines très drainantes,
l’exposition idéale en bordure d’estuaire, un encépagement à forte
proportion de merlot pour arrondir la virilité de Saint-Estèphe,
le travail des hommes, qui au fil des siècles a modelé et modifié cette
terre, autant de composantes du terroir que revendique Hughes Duboscq, et qui font de Haut-Marbuzet
un vin populaire, chéri des amateurs. Et ce, pas uniquement en raison
d’un boisé souvent qualifié de racoleur, qui tend à s’estomper
actuellement. La preuve!
Haut-Marbuzet 2005: robe opaque.
Superbe nez sur la gelée de fruits noirs. Bouche droite, nette, tanins
fins, serrés, sans agressivité. Finale un peu stricte mais avec de la
personnalité. A ce stade, le bois ne domine absolument pas le vin, qui
possède un velouté extrêmement séduisant. Une grande réussite.
La rencontre avec Henri Duboscq dans son fief de Haut-Marbuzet
fut assurément un moment inoubliable de ce séjour bordelais. Homme
volubile, charmeur, charmant, intarissable, il est finalement à l’image
de son vin, et réciproquement.
Sa volonté de faire de Haut-Marbuzet un vrai vin
populaire, adulé par le peuple, ne l’a pas fait ménager ses efforts.
Mais il y est parvenu, notamment en respectant ses acheteurs et
clients. Son château est l’un des rares du Médoc à avoir développé une
clientèle particulière, toujours bien reçue au domaine.
« Haut-Marbuzet, qualité moyenne, émotion garantie! », assène rigolard, Henri Duboscq,
revendiquant son statut de cru non classé, mais défie quiconque, après
avoir passé un agréable moment au château, de ne pas approcher
différemment son vin. La subjectivité, ou plus exactement
l’inobjectivité, est l’apanage des amateurs, Henri Duboscq aime à la cultiver.
Opération séduction réussie en ce qui me concerne, j’aime quand les
vins ont une âme, celle de leur terroir et/ou de leur géniteur.
Il est l’heure de passer à table. Par pudeur et respect, les
appareils photos, les calepins et les stylos sont restés au vestiaire.
Florilège d’impressions pour moments émotifs intenses ! Avec des vins
d’une qualité très supérieure à la moyenne!
Comment oublier l’alliance subtile d’œufs de cailles pochés sur lit de truffes et d’un Haut-Marbuzet 2000, un vin retenu, bridant la fougue de sa jeunesse, pour se livrer au contact de la truffe?
Comment rester insensible à la densité d’un Haut-Marbuzet 1982? Un vin « out of the world » pour Robert Parker, et que l’on pourrait qualifier plus simplement d’extra-terrestre, en bon français de chez nous.
Comment ne pas être subjugué par la jeunesse mature d’un Haut-Marbuzet 1964, une cure de jouvence pour Valérie, ma voisine de droite, née la même année?
Comment ne pas voir en ce Passito de Pantalleria 2003 un vin au magistral bouquet, qui n’est pas celui de Carole, même qu’il est bien meilleur ? Appréciation personnelle d’Henri Duboscq, qui loue néanmoins les mérites de la Star pour avoir su braquer les projecteurs sur cette appellation sicilienne méconnue.
Les bonnes choses ont une fin, nous sommes déjà attendus à une encablure d’ici, au Château Lynch-Bages. Pour de nouvelles aventures, et un nouvel épisode à venir, sur le Blog d’Olif.
Et vous, vous le prononcez comment, le nom de ce château? [ɭɛ̃ʃ-ʙɑʝ], [ɭɨŋʧ-βɛʒ], [ɭɨŋʧʙɑʒ]?
Situé dans le hameau de Bages, sur la commune de Pauillac, ce 5ème cru classé est qualitativement au niveau d'un second! Il s'agit évidemment de Lynch-Bages, dont la prononciation peut varier selon l'anglicisation ou non du nom. Toujours est-il que c'est les papilles gavées de Haut-Marbuzet
que nous nous y rendons, sur les coups de 16 heures 30. Après un début
de visite classique, la vis sans fin, le pressoir, le cuvier, la mise
en bouteille (ça fait quel bruit, une bouteille de Lynch-Bages 2004 qui
s'éclate sur le carrelage?), nous sommes rejoints par Jérôme Leroux, jeune maître de chais d'origine bretonne, qui nous
conduit dans un premier temps au musée de Lynch, là où l'on cultive la
mémoire. Vieilles cuves, vieux pressoirs, tout est encore en place et
semble prêt à fonctionner, le tout agrémenté de peintures murales plutôt modernes, thème de
l'exposition estivale actuelle, celle d'un artiste dont je n'ai pas
retenu le nom, désolé pour lui! Art et vin, une thématique chère au château, qui
tous les ans invite un artiste à présenter ses oeuvres.
Très pragmatique, le Club des Amis du Bon Echanson, lui, est venu pour déguster l'ensemble de l'oeuvre de Lynch-Bages. Ce n'est déjà pas si mal! Nous aurons même droit à une double verticale, le Château Les Ormes de Pez de Saint-Estèphe, appartenant également à la famille Cazes, ayant été débouché pour l'occasion.
Les Ormes de Pez 2005
Le premier
nez est encore un peu marqué par la barrique mais le fruit vient bien à
l'aération. Un beau fruit digne de 2005, mûre, myrtille et cassis, avec
beaucoup de rondeur en bouche et des tanins soyeux. La finale est douce
et agréable.
Les Ormes de Pez 2003
Le nez est
frais, ouvert, fruité, avec juste une petite note boisée. La bouche est
concentrée, bien arrondie, les tanins sont polissés, le fruit revient
bien en finale au milieu d'une note de grande fraîcheur.
Les Ormes de Pez 2001
Nez un peu
plus complexe, où le fruité primaire laisse la place à des notes de
bois noble, de cèdre et de havane. Un vin droit, élancé, avec beaucoup
de fraîcheur en finale.
Les Ormes de Pez 1998
Nez de poivron mûr, un peu chocolaté, tanins fondus, un rien rustiques, mais loin d'être inélégants.
Lynch-Bages 2005
La robe est
noire, avec des reflets violines. Magnifique fruit, un peu poivré, au
nez. Matière tannique imposante, dense et compacte, avec du fruit
derrière, ne demandant qu'à se libérer, et une grande fraîcheur qui
s'installe dans la bouche en finale.
Lynch-Bages 2003
Nez
torréfié, arabica grillé. De la rondeur en attaque mais un vin
puissant, à la longue finale comportant une petite pointe d'amertume.
Lynch-Bages 2001
Nez plus
classique, élégant, mais peu expressif. La bouche est stricte, droite,
un peu austère. La finale est élancée. Un vin qui manifestement
traverse une phase un peu fermée.
Lynch-Bages 1998
Le nez est
ouvert, complexe, empyreumatique. La bouche est concentrée, se fond
progressivement, les tanins s’arrondissant et s’assouplissant. Belle
longueur et très beau vin, au potentiel encore incomplètement exprimé!
Lynch-Bages 1990
Une petite
cerise sur le gâteau, ce 90 est épanoui, ouvert, heureux de vivre, tout
comme nous. Poivron mûr, eucalyptus, cèdre, beaucoup de fraîcheur, de
l’harmonie, des tanins fondus et une finale persistante. Parfait et à
point!
Fin de cette superbe dégustation mais poursuite du marathon, il est
temps pour nous de partir vers un ultime château. Initiales LB
également! Suspense, suspense…
Barton. Moitié Léoville, moitié Langoa. Léoville, le château sans château. Langoa, le château, à l'ombre de Léoville,
qui n'en a pas. L'un deuxième, l'autre troisième, les deux très bons,
la prime à Léo. Peut-être que c'est aussi le nom du jardinier!
Un bout de sol irlandais à Saint-Julien, Médoc. Orange and green! Pour le plaisir des yeux, avant celui du palais.
Langoa-Barton 2005
Nez sur les
fruits noirs bien mûrs, myrtille en tête, avec un boisé très fin. Les
tanins sont soyeux, mais encore à peine compacts. Jolie fraîcheur en
finale.
Léoville-Barton 2005
Nez un peu
fermé, les fruits noirs ne sont pas loin derrière. Grande droiture,
grande longueur, les tanins se fondent délicieusement dans la finale où
l'on cherche en vain un brin de fermeté. Un vin magnifique de race et
d'élégance.
Réserve de Léoville 2003
Nez très mûr, un peu compoté, bouche ronde et charnue, longueur moyenne. Destiné à un plaisir et une consommation immédiats.
Réserve de Léoville 2001
Nez que
je qualifierais d'intermédiaire, avec des notes d'évolution débutantes:
poivron, tabac. Bouche d'amplitude moyenne, sur une finale un peu
acidulée.
Langoa-Barton 1997
Ce petit
millésime 1997 est toujours aussi séducteur, quand les vins avaient
suffisamment de matière pour affronter quelques années. Ici, on arrive
pourtant au bout de ce qu'il avait à exprimer, avec des notes
tertiaires de champignon, de fumé, de poivron. Les tanins sont souples
et fondus, et on ne gagnera plus grand chose à l'attendre encore.
Léoville-Barton 1999
Premier nez
peu expressif, puis un léger boisé transparaît au delà de notes de
fruits noirs. Un beau volume, bien concentré, avec de la fraîcheur qui
se prolonge jusque dans la finale. Un bien joli vin qu'il faut attendre
encore un peu.
Château Myrat, le miraculé ! 2ème cru classé de Sauternes en 1855, détenu de longue date par la famille de Pontac, Myrat
a vu son vignoble arraché en 1975, à une époque où gagner sa vie en
produisant un vin liquoreux était presque une gageure. En 1988, alors
que les droits de plantation allaient expirer, Jacques de Pontac
décide de reprendre l’exploitation familiale et replante entièrement le
vignoble. Le temps n’allait guère jouer en sa faveur. Celui qui passe
et celui qu’il
fait. Troisième feuille, et premier millésime potentiel, 1991. Suivant
! 1992 ? Bis repetita ! 1993 ? Guère mieux ! Le premier véritable
millésime du renouveau à Myrat sera donc le 1994. Le vin est affaire de
temps et de patience, c’est ce qui explique la présence d’une horloge
au fond du chai à barriques du château. Une belle comtoise, ce qui
n’échappe pas aux yeux aguerris des Francs-comtois pur jus du Club des Amis du Bon Echanson !
Et la leçon de mycologie, dans tout ça ? Et bien, elle trouve son explication dans le discours de Monsieur de Pontac, nous parlant de son appellation, de son château, de son vignoble et résumant ainsi son activité : «Finalement, je ne suis qu’un cueilleur de champignons !» . Une définition pour le moins originale mais tellement vraie du métier de vigneron dans le Sauternais !
Château Myrat 1998 :
Robe dorée.
Nez poivré, rôti, sur l’abricot confit. Un très beau botrytis, donc,
avec un très joli équilibre sur la fraîcheur, malgré le gras du vin, et
une belle longueur. Finale savoureusement épicée. Très beau !
Château Myrat 2002 :
Nez retenu,
mais légèrement confit, sur des notes d’abricot. Un vin riche et
puissant, mais rond, possédant beaucoup d’acidité, exprimant une
minéralité type mine de crayon. Finale acidulée rafraîchissante.
Superbe !
Château Myrat 2003 :
Premier nez
boisé. En bouche, une grosse liqueur riche et concentrée, onctueuse,
tapisse la bouche. Beaucoup de glycérol, 170 g de sucre résiduel. Un
vin qui demande certainement un petit peu de temps pour s’harmoniser.
Château Myrat 2001 :
Nez de
botrytis marqué, très pur, très net. Equilibre sur l’acidité, avec une
longueur conséquente et beaucoup de fraîcheur. Un vin droit, magnifique.
Château Myrat 2005 :
Premier
nez peu expressif, puis délivrant un fruité primaire sur des notes de
poire. Long, avec une finale légèrement marquée par le fût, développant
une légère amertume. Dans une phase un peu difficile. A revoir.
Monsieur de Pontac (4éme en partant de la gauche) entouré par les amis de l'Echanson
Deuxième étape dans le monde des douceurs, après Barsac, direction Sauternes et Château Guiraud, où nous sommes attendus par Xavier Planty
soi-même, l’homme qui préside aux destinées du domaine depuis une bonne
vingtaine d’années. Et qui est visiblement heureux du montage financier
qui lui a permis de devenir actionnaire du Château en association avec
FFP, la holding de la famille Peugeot, Stéphane Von Neipperg et Olivier
Bernard.
« Vous n’avez pas peur de marcher 25 minutes? » nous
questionne t’il d’emblée. Au contraire, on ne demande que cela, un peu
d’exercice après toutes ces agapes vendéo-bordelaises!
Et nous voilà partis dans l’allée bordée d’arbres qui traverse le
vignoble, longeant la station d’épuration innovante, ultraperformante
et 100% biologique de Guiraud. Et, tandis que nous
gambadons dans la nature, nous devisons de papillons, de botanique et
de biodiversité. Pas moins de 4 espèces d’orchidées différentes à Guiraud, dont une très rare qui ne pousse qu’ici, et nulle part ailleurs dans le Bordelais, pour la
grande fierté de Xavier Planty.
Et la vigne, dans tout ça? Ben, elle s’épanouit tout autour, prenant la
place d’honneur dans ce microcosme, mais sachant tirer profit des haies
et bosquets qui l’entourent, et qui bien souvent ont dû être replantés
suite à un arrachage intempestif il y a bien longtemps de cela. Un gros
travail de paysagiste, indispensable pour pouvoir exercer le métier de
vigneron.
« Et tout ça pour récolter du raisin pourri! », nous lâche t’il, hilare!
Il y a de la noblesse, dans ces paroles-là! Comme dans le raisin botrytisé de Guiraud, d’ailleurs!
« Il faut boire vos Sauternes jeunes! »
Une sentence assénée par Xavier Planty à l’heure de passer à table dans la salle de dégustation de Château Guiraud! De quoi réviser mon point de vue personnel, qui ne m’encourageait guère à « quiller » sur le fruit mes vins blancs bordelais « pourris et champignonneux
»! Début des travaux pratiques sur le champ, mais à table, à l’occasion
d’un menu traiteur, avec participation de notre part, le vin, c’était Guiraud qui régalait. Une première au Château, faut croire qu’on est vraiment bien vu, au Bon Echanson de Pontarlier! Mais bon, on a des relations!
Un repas de travail aussi, puisque nous n’arrêterons pas d’évoquer, entre deux bouchées, des thèmes aussi passionnants que Sapros,
le soufre, le bio, le deuil de Napoléon Ier (raison pour laquelle les
étiquettes de Guiraud sont noires, je vous expliquerai si besoin!).
Tout est sur la table, à nous de jouer, maintenant, c’est du self-service! Entrées à base de légumes,
de poisson, homard à la parisienne, lotte mijotée à l’armoricaine,
blanquette de veau à l’ancienne et gâteau au chocolat. Tout est supposé
s’accommoder d’un vin de botrytis Eh! bien, c’est vrai! Sauf la
blanquette, mais, en fait, on ne l’a pas goûtée! Plus faim! Même si les
vins de Guiraud sont d’une telle gourmandise et délicatesse!
A refaire, sans aucun problème! Le Tout Sauternes devrait faire des ravages lors des déjeuners ou dîners!
Guiraud 2005
Le rôti perce déjà
sous le fruit et laisse percevoir une magnifique liqueur bien difficile
à recracher! Elancé, avec une acidité remarquable, il allie finesse et
élégance et devrait s’imposer comme l’un des musts du millésime (je
n’ai pas goûté les autres, mais je sens instinctivement que c‘est
Guiraud que je préfère!).
Guiraud 2000
Constitué de 60 %
de Sauvignon, du fait du millésime, il possède une jolie fraîcheur
mentholée, sur des notes de fruit secs et d’abricot. La bouche est
ronde et onctueuse, ne se départit pas de sa fraîcheur, une plutôt
belle réussite pour l’année!
Guiraud 2003
Nez lactique,
caramel au lait, possédant une certaine fraîcheur. Onctueux, riche,
gras et opulent, il laisse la bouche fraîche grâce à des notes
délicieusement caramélisées en finale.
Guiraud 2001
La robe est dorée.
Nez rôti, épicé, typique d’un beau botrytis. En bouche, un vin élégant,
digeste, distingué, aérien, à la finale fraîche et revigorante. Un
ensemble déjà harmonieux et fondu, une grande bouteille pour le futur,
déjà diablement gourmande! On en redemande!
Guiraud 2002
Un millésime plus
difficile à appréhender, marqué par une grande acidité, mais déjà
équilibré, pur et aérien. Un vin très droit, minéral, sur un registre
actuel de zestes d’agrumes confits. Laissons-lui du temps! Ce sera très
beau!
Guiraud 1989
Avec le dessert, un
deuxième dessert! La robe dore magnifiquement. Au nez, c’est un
festival! Abricot, figue, une pointe de menthol. La bouche est riche, à
l’équilibre précis, long, caramélisant légèrement en finale. Je verrais
bien une tarte tatin là-dessus! Il n’y en avait pas, mais s’il fallait
retenir une seule chose de tout cela: n’hésitez pas à boire vos
Sauternes jeunes, mais gardez-en quelques bouteilles de côté pour vos
vieux jours!
Oserez-vous, comme à Guiraud, un repas tout au Sauternes? Je vous le recommande!
De retour du Sauternais qui les avait abreuvés une bonne partie de la journée et regagnant le Médoc qui les hébergeait, les Amis du Bon Echanson furent soudainement pris d’une petite soif à hauteur de Martillac. Cela tombait fort bien car un rendez-vous avait été programmé au Château Latour-Martillac, justement. Le hasard fait bien les choses!
Pour la dernière visite au menu de l’escapade bordelaise, nous eûmes
droit à la totale! Tour de la propriété en compagnie d’une accorte
hôtesse, rencontre de Tristan Kressmann, le directeur général du domaine, petit film et leçon de vinification par Valérie Vialard,
la jeune œnologue de la maison (plus de 10 ans de boutique quand même).
Sans oublier la dégustation, bien sûr, mais chaque chose en son temps!
Tout d’abord, une petite séance théâtrale avec pour décor le chai à
barriques des blancs. Des fûts bien alignés, apparemment sans
histoires. Mais que se passe t’il donc dans celui-ci? Les lies sont
toutes avachies au fond! Les paresseuses! Vite! Au travail, petites
lies!
« Le bâton! Le bâton! » s’écrièrent en choeur les
Amis du Bon Echanson formés à l’école de Guignol et du gendarme! Et
voilà que Valérie monte à califourchon sur le fût, empoigne son grand
bâton, et aussi sec les petites lies se remettent en suspension, non
mais!
C’est à peine romancé, mais en gros, c’est à peu près ce qui s’est passé. Reste plus qu’à aller goûter!
Latour-Martillac rouge 1997
Nez
très ouvert, sur le poivron mûr. Bouche arrondie, fondue, avec un
certain degré de gourmandise dans la souplesse. A point et assez
typique du millésime.
Latour-Martillac rouge 2002
Le
premier nez est un peu boisé, finement grillé, mais il y a du fruit
derrière (les cabernets étaient superbes en 2002). La bouche est
concentrée, les tanins sont un peu serrés mais non agressifs, possédant
de la finesse. La longueur pourrait être plus importante.
Latour-Martillac rouge 2005
La
robe est noire. Le nez évoque la gelée de mûre, un très joli fruité
possédant de la fraîcheur et que l’on aura souvent retrouvé sur le
millésime, le bois est à peine marqué. En bouche, le vin est plutôt
corsé, les tanins du bois sont présents, mais le grain est dense et
fin. Petite amertume finale.
Latour-Martillac blanc 1998
La
robe dore légèrement. Le nez est très aromatique, un peu bourgeon de
cassis, fleur blanche, acacia. Un vin frais, élégant et expressif,
manquant d’un peu de profondeur dans sa structure néanmoins.
Latour-Martillac blanc 2004
La
mise date de trois mois. Le fruité primaire est encore présent (fruits
à chair blanche), de même qu‘un léger boisé, mais non aromatique.
Nerveux et vif, il est pour l’instant dans la droiture et va sans doute
nécessiter d’un peu de temps pour s’harmoniser et se complexifier.
Latour-Martillac blanc 2005
Le
sauvignon qui claque au nez! Fruits exotiques, fruits blancs, bourgeon
de cassis. Déjà du gras, de la sève, une belle acidité, de la longueur.
Un futur beau vin en devenir!
Voilà, fin des pérégrinations bordelaises des Amis du Bon Echanson.
Ne manque plus que le banquet final. Ce sera la dernière leçon!
Dans Arcins, terrible Arcins
Le lion est d’or ce soir
Et les hommes tranquille festoient
Le lion est d’or ce soir
o wimboe o wimboe o wimboe
o wimboe o wimboe o wimboe
o wimboe o wimboe o wimboe
o wimboe o wimboe o wimboe
Tout est sage dans le village
Le lion est d’or ce soir
Plus de rage, plus de carnage
Le lion est d’or ce soir
o wimboe o wimboe o wimboe
o wimboe o wimboe o wimboe
o wimboe o wimboe o wimboe
o wimboe o wimboe o wimboe
L'indomptable, le redoutable
Le lion d’or ce soir
Viens ma belle, viens ma gazelle
Le lion dort ce soir*
Chant du départ, mais aussi banquet final, les Amis du Bon Echanson regagnant leurs pénates sacrifient au rituel dernier repas chez Jean-Paul Barbier, au Lion d’Or à Arcins.
Une adresse un peu hors des modes et du temps, où les châteaux
médocains possèdent leurs propres casiers à bouteilles, régalant ainsi
leurs invités de leur production, sans verser le moindre droit de
bouchon. Depuis, il y a un semblant de carte des vins, mais chacun est
convié à amener sa propre bouteille s‘il le souhaite.
Truculent personnage, Jean-Paul Barbier aime à
évoquer son service militaire dans l’Est de la France lorsqu’on lui
fait part de nos origines franc-comtoises. L’endroit où il a eu le plus
froid de sa vie! Et puis Baden Baden, et un tas d’autres choses
devenues des classiques.
Ce soir-là, la cuisine est toujours aussi goûteuse, simple et juste,
de l’assiette de filets de sardines au pigeon sur escalope de foie gras
en passant par la côte de bœuf du voisin de table. Les vins sont de Léoville et Langoa,
rien à redire, évidemment. Les mini-cannelés sont à réserver en début
de repas, si l’on veut avoir le bonheur d’en croquer un morceau. Les
meilleurs de tout le Médoc, à ce qu’il paraît!
Mais le lion rugit moins fort, ce soir. Un peu désabusé, même,
lorsqu’il parle de la chasse aux oiseaux migrateurs sur les bords de
Gironde, qui n’est plus ce qu’elle devrait être. L’indomptable, le
redoutable, le Lion d’Or, est fatigué, ce soir.
o wimboe o wimboe o wimboe
o wimboe o wimboe o wimboe
…
…
Olif
*Librement inspiré d'Henri Salvador, évidemment!